Le théâtre est le lieu de la représentation et de la mise en scène, mais aussi du symbole. Et s'il est un autre cadre donnant lieu à une mise en scène au cours de laquelle s'exprime une symbolique, c'est bien celui du procès d'assises. Car le procès n'est autre que le spectacle de la justice : la justice doit être visible, la démocratie s'oppose à une justice secrète. Elle se déroule donc dans un cadre particulier, aux yeux de tous, et selon des codes préétablis. De la même façon que les spectateurs assistent à la pièce de théâtre, le public observe le procès pour s'assurer que justice soit faite. Pourquoi cette théâtralisation ? Quel en est l'objectif exact ? C'est ce que l'étude des manifestations et des enjeux de la théâtralisation du procès d'assises devrait nous permettre de comprendre.
[...] Ensuite, l'entrée des comédiens au théâtre est traditionnellement marquée par les trois coups ; aux assises, l'entrée de la Cour est annoncée par une sonnerie invitant le public à se lever. Le théâtre est fait pour un public, l'absence de spectateurs ne se conçoit pas. De la même manière, le procès d'assises, sauf décision d'huis-clos, est en principe public. D'ailleurs, le public des assises admet bien volontiers venir « au spectacle ». Ainsi de ce témoignage d'une personne venue assister au procès de l'affaire Algret : « Je considère que c'est une grande pièce de théâtre. [...]
[...] 1 Le procès d'assises, phénomène théâtral Le théâtre est le lieu de la représentation et de la mise en scène, mais aussi du symbole. Et s'il est un autre cadre donnant lieu à une mise en scène au cours de laquelle s'exprime une symbolique, c'est bien celui du procès d'assises. Car le procès n'est autre que le spectacle de la justice : la justice doit être visible, la démocratie s'oppose à une justice secrète. Elle se déroule donc dans un cadre particulier, aux yeux de tous, et selon des codes préétablis. [...]
[...] Le procès d'assises se caractérise pareillement par l'oralité des débats. Le comédien dit sa tirade, l'avocat sa plaidoirie. La pièce de théâtre repose néanmoins sur un support écrit, car il n'est pas en principe de place pour l'improvisation. De la même manière, les débats durant le procès d'assises sont en partie « scénarisés », puisque les différentes parties sont toujours invitées à prendre la parole dans le même ordre (la défense devant toujours avoir le dernier mot). Tant au théâtre qu'aux assises, une partie de la salle se voit cependant privée de la possibilité de prendre la parole : il s'agit du public, qui n'a pas vocation à sortir de son rôle de spectateur. [...]
[...] Le procès d'assises permet donc de renforcer le lien social, par la réaffirmation de l'adhésion à des valeurs communes et par l'acceptation d'une vérité : le but de la justice est en effet de dire le vrai (comme en témoigne la racine même du mot « verdict »), et d'offrir ainsi des certitudes au corps social. Le procès d'assises offre une représentation, théâtrale aussi bien sur la forme que sur le fond, des valeurs que la société entend protéger et de la vérité devant être acceptée par tous. C'est ce que traduit Jean-Michel Bessette lorsqu'il affirme que « la dramaturgie des assises fonctionne comme un miroir réfléchissant la vérité du monde ». [...]
[...] Les experts psychiatres prennent eux-mêmes acte de cette théâtralisation, comme en témoignent ces propos de Michel Dubec et Daniel Zagury qui évoquent des phénomènes de « montée de l'angoisse sécuritaire, diminution du seuil de tolérance à la violence, disparition de la compassion religieuse (qui) laissent la place à la montée du besoin de justice sous la forme d'une fétichisation du procès comme dernier lieu de théâtralisation, dernier lieu du sacré dans la société contemporaine ». Car en effet, pour Jean-Michel Bessette, c'est aussi de « vengeance et de sacrifice » que traite le procès d'assises. [...]
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