Inflation textuelle, droit pénal, justice pénale, politisation du droit pénal, droit de la procédure pénale
Devant la Cour de Cassation, Guy Carcassonne déplorait que « tout sujet du 20 heures soit virtuellement une loi ». Ce constat dispose d'une saveur particulière en droit pénal. Alors que le Code pénal de 1810 et le Code d'instruction criminelle de 1808 s'étaient démarqués par leur remarquable stabilité, le nouveau Code pénal de 1994 et le Code de procédure pénale de 1959 ne cessent d'évoluer, au point que l'on en est arrivé à parler d'une véritable inflation. En effet, depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, plus de 75 lois pénales ont été adoptées par le Parlement. Le rythme qui était d'environ 20 textes par législature jusqu'à 2002, est passé depuis lors à 30 par législature et le mouvement s'accélère. La production des décrets d'application est tout aussi impressionnante, avec une moyenne de 10 décrets par an pour la seule procédure pénale. Les textes adoptés sont généralement impressionnant par leur longueur, certaines lois allant jusqu'à occuper plus de 70 pages au journal officiel…
[...] Il n'y a pas d'infraction ni de peine sans un texte légal. C'est pourquoi l'inflation textuelle en matière pénale occupe une place si particulière dans le débat général sur l'inflation législative. Nous nous demanderons dans quelle mesure la multiplication des textes en matière pénale est facteur de progrès pour la justice française. Pour ce faire, nous verrons que l'inflation, si elle s'inscrit dans le contexte d'une réforme générale de la justice pénale, s'explique essentiellement par la prise en compte accrue de l'opinion publique. [...]
[...] La montée en puissance du parquet se traduit également par le fait que la procédure échappe non seulement aux mains de l'instruction, mais également aux mains de l'avocat. La procédure de la plainte simple ne requière plus un avocat. Côté défense, l'avocat n'est que le gardien de la procédure. Il ne peut en aucun cas être le défenseur, n'ayant pas accès au dossier de son client. Côté plaignant comme côté défense, les avocats peuvent rencontrer le procureur ou le substitut en charge du dossier mais ne peuvent avoir accès au procès. [...]
[...] On compte plus de 10 infractions qui font l'objet de procédures particulières en ce qui concerne leur poursuite, leur instruction et leur jugement : ce qui touche à la criminalité et à la délinquance organisées ou au terrorisme, mais aussi aux infractions à la législation sur les stupéfiants, en matière économique et financière, aux crimes et délits en matière sexuelle Même pour les infractions qui ne sont pas régies par ces procédures particulières, on constate de nombreuses dérogations au régime de droit commun qui mérite de moins en moins ce qualificatif. On pense notamment au cas des régimes dérogatoire des prorogations de la garde à vue. En outre, les procédures elles-mêmes sont émiettées. Elles ne cessent de se multiplier : ordonnance pénale, composition pénale, comparution immédiate, CRPC, procédures spéciales, alternatives aux poursuites Si bien qu'Hugues Portelli en vient à affirmer que « le principe d'égalité devant la justice est remis en cause par la pluralité des procédures et l'inégalité de traitement selon les tribunaux ». [...]
[...] D'une part parce que un texte à valeur déclarative est symbolique. L'important ne réside donc pas dans ce qu'il apporte mais dans le message qu'il véhicule. C'est ainsi que la loi n°98-468 introduit un délit de bizutage aux articles 225-16-1 à 225-16-3 du CP, venant ainsi doubler un texte de 1928 qui chargeait les établissements scolaires et universitaires de faire respecter l'interdit du bizutage. A l'époque, on avait justifié la nécessité de créer un nouveau texte par le non-respect de l'interdit administratif. [...]
[...] Il en va de même pour le code pénal. Les textes en matière pénale : entre illisibilité, imprécision et insécurité Un droit complexe et technique, difficilement maîtrisable L'inflation généralisée qui affecte la justice pénale dans son ensemble fait que les textes adoptés sont généralement longs, techniques et en perpétuelle évolution. Si bien que le contenu du droit positif en matière pénale devient inaccessible au simple citoyen et difficilement maîtrisable pour le professionnel. Bruno Cotte a même déclaré « nous ne savons plus ce que c'est qu'un code à jour [ ] c'est à la boussole qui nous faut trop souvent travailler alors que nous devrions être des horloges ». [...]
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