Banqueroute banque et entreprise en difficulté
Si l'article L.650-1 du Code de commerce, par son principe d'irresponsabilité, n'a pas pour effet de limiter la responsabilité civile du banquier notamment au titre de sa direction de fait, il ne saurait encore moins avoir une telle conséquence sur la responsabilité pénale du banquier, qui reste de principe.
Mais dans quelle hypothèse le banquier peut-il être poursuivi sur le plan pénal ? Il peut s'agir en premier lieu du cas du créancier dispensateur de concours qui finance sciemment une activité illicite, ou qui finance une activité licite mais par des procédés illicites. Il est ainsi possible que le banquier ai octroyé un crédit à une société sachant qu'elle est dirigée par une personne qui n'a pas le droit d'exercer le commerce en France, ou à un commerçant frappé d'une interdiction d'agir suite au prononcé d'une faillite personnelle en application de l'article L.653-2 du Code de commerce. En outre ces actes sont condamnés civilement, par le biais de l'article L.650-1 du Code de commerce, car ils sont constitutifs de fraude. Néanmoins dans le cadre de sa relation privilégiée avec les entreprises en difficulté, la responsabilité du banquier sera davantage recherchée sur le terrain de la banqueroute, intervenant comme sanction pénale principale en matière de procédure collective.
En effet, qu'il s'agisse des petites entreprises ou de celles de grande taille, leur défaillance fait généralement apparaitre un appel inconsidéré au crédit. Au surplus, la plupart du temps, cette vie à crédit, assortie d'une politique de gestion désespérée en vue de retarder l'issue fatale de la procédure collective, tombe aisément sous la qualification pénale de banqueroute par moyens ruineux.
Les directeurs de banque et même certains responsables de niveau inférieur peuvent être tentés d'inciter un de leurs clients débiteurs, à différer le dépôt de son bilan, tout en lui suggérant d'utiliser certains procédés, pour essayer de sauver son entreprise de la débâcle. Le banquier qui adopte une telle attitude, tout en ayant conscience qu'il ne fait que retarder l'état de cessation des paiements de son client peut être considéré comme son complice. Le législateur n'est ainsi pas allé dans le sens d'une dépénalisation, comme le souhaitaient les praticiens du droit, mais dans celui d'une pénalisation.
Cette possibilité est très largement admise par la jurisprudence, c'est ainsi que très récemment soit le 14 janvier 2011, le parquet de Nanterre dans l'enquête sur la faillite du groupe Moulinex en 2001, a considéré que cette dernière était dans une situation économique « irrémédiablement compromise » dès le mois de janvier 1999 et a fixé la date de cessation de paiement au 31 mars 1999. Le parquet a demandé au juge d'instruction chargé de l'enquête de rechercher des responsables pénaux au sein de la Société Générale et du Crédit Lyonnais et de procéder à leur « mise en examen pour des faits de complicité de banqueroute par emploi de moyens ruineux par l'octroi de crédits bancaires excessifs ».Le parquet a reproché aux deux banques d'avoir continué à accorder des crédits à Moulinex SA alors qu'elles avaient une « parfaite connaissance » du caractère « compromis » de la situation financière de l'entreprise, les deux banques figurant dans le conseil d'administration du groupe.
La complicité de banqueroute, infraction spécifique du droit des entreprises en difficulté est prévue par le Code de commerce à l'article 654-3 alinéa 2 du Code de commerce. Pour que la complicité de banqueroute soit établie, il s'agit toutefois que des conditions précises soient satisfaites (I). Par ailleurs une fois l'infraction caractérisée il s'agira alors de déterminer à qui cette dernière sera imputable et quelles seront les conséquences de cette imputabilité (II).
[...] Néanmoins la distinction reste claire entre responsabilité civile et pénale car le droit pénal exige expressément une condition supplémentaire ? l'élément matériel et l'élément intentionnel interviennent comme des conditions cumulatives. Evidemment, les banquiers ou les établissements financiers qui, dans de telles circonstances, ont ouvert trop largement leurs guichets, se font complices de leur client banqueroutier. Mais qui doit-on effectivement poursuivre au titre de cette complicité ? La banque, l'employé qui suit le dossier du débiteur, le dirigeant social de l'organisme de crédit, à savoir le Président Directeur Général ou le directeur succursaliste ? [...]
[...] Lorsque les faits sont réalisés avant la cessation des paiements, c'est-à-dire dans le cadre d'une société in bonis, l'auteur sera poursuivi pour abus de biens sociaux, en revanche s'ils son réalisés après la cessation des paiements, seule l'incrimination de banqueroute est possible. Toutefois, la question fait encore l'objet de controverses, y compris au sein de la jurisprudence, qui sanctionne par la banqueroute, des détournements commis antérieurement à la date de cessation des paiements. Un arrêt du 14 février 2007 de la chambre criminelle a notamment condamné pour banqueroute, l'auteur de détournements commis antérieurement à la date de cessation des paiements mais qui ont été à l'origine de cette cessation. [...]
[...] Ce n'était pas n'importe quelle circulation d'effets qui était réprimée mais un réseau ruineux. Très tôt la jurisprudence a assimilé effets ruineux et effets de complaisance, en effet il avait pu être constaté qu'aux approches de la faillite et pour essayer de prolonger au maximum sa vie commerciale, un commerçant pouvait être² tenté de tirer des lettres de change sur les complaisants, en rémunérant très chèrement leur intervention. Bien que cette rémunération ne soit plus aussi confortable aujourd'hui ce moyen de financement reste intrinsèquement porteur de difficultés. [...]
[...] La condamnation de la banque n'empêche nullement la condamnation de la personne physique, de sorte que la personne morale et la personne physique peuvent être poursuivies concomitamment pour complicité du délit de banqueroute. Le législateur a souhaité éviter que le représentant de la personne morale bénéficie d'une impunité pour la seule raison qu'il aurait agi pour le compte de celle-ci. La personne physique est ici poursuivie en sa qualité de préposé, mais ses fonctions au sein de la banque ne peuvent l'exonérer de sa responsabilité puisque les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis en sa personne. [...]
[...] Le concept est controversé en droit pénal mais trouve à s'appliquer quand on examine la nature juridique d'ouverture de redressement judiciaire dans l'infraction de banqueroute. En effet la condition préalable se définissant selon différents auteurs comme « la situation de droit ou de fait sans laquelle un comportement infractionnel ne peut se développer » ou « la situation juridique mise sous la protection de la loi pénale », l'ouverture d'une procédure collective a nécessairement un rôle important dans le cadre de la banqueroute et notamment de la complicité de la banque. Sans l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire l'infraction ne pourrait intervenir. [...]
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