Commentaire de 'Suveiller et Punir' de Michel Foucault du point de vue du droit pénal. 6 pages
« Surveiller et punir » paru en 1975 a été écrit à un moment où l'actualité carcérale était très intense : nombreuses révoltes dans les prisons notamment la sanglante révolte d'Attica qui fit 40 morts, mais aussi des tentatives d'évasion de prisonniers se soldant parfois par une exécution, sans parler des événements de mai 1968. D'ailleurs, sur le plan législatif, alors qu'il n'existait pour principales peines que celles de l'amende et de la prison, c'est aussi l'époque où le législateur engagea un mouvement d'humanisation et de mise en place de peines de substitution à la prison. L'ouvrage correspond aussi à une période de fort militantisme de l'auteur. Ainsi il créa en 1970 le GIP : groupement d'information sur les prisons, qui par la réalisation d'enquêtes sur les conditions de vie dans les prisons, permettait aux prisonniers de s'exprimer en narrant leur quotidien, mais surtout de faire prendre conscience à l'opinion publique des conditions terribles de détention. Le GIP sera déterminant dans l'écriture de l'ouvrage.
[...] Foucault retrace l'histoire du châtiment du supplice à la prison- il nous montre combien cette évolution n'est pas due à une humanisation des peines mais à un changement dans le mode d'exercice du pouvoir. Car dans la peine, il est question de la manière dont l'individu (le corps) est investi par les rapports de pouvoir. Ce que M. Foucault appellera la microphysique du pouvoir. La peine n'est alors avant tout qu'un élément de tactique politique, et la transformation des méthodes punitives au cours du temps n'est en réalité qu'une transformation des techniques de pouvoir sur les individus. L'ouvrage démarre par un constat historique : la disparition des supplices. [...]
[...] Conséquence, il est nécessaire de surveiller, contrôler voir redresser cette population pour protéger la richesse investie, mais aussi pour utiliser les individus afin d'augmenter toujours plus leur productivité. C'est ainsi que se développera un nouveau type d'exercice du pouvoir, celui du pouvoir disciplinaire, qui se diffusera dans toutes les structures de la société : l'école, l'usine, l'armée en passant par les hôpitaux et pour finir la prison. Les moyens en seront partout les mêmes : quadrillage et répartition des individus à des places déterminées, selon un niveau ; contrôle de l'activité des individus par des emplois du temps précis, des gestes détaillés ; surveillance constante et hiérarchisée avec au sein de chaque institution des mini mécanismes de sanction composés de punitions essentiellement correctives. [...]
[...] IV- Commentaires L'œuvre de M. Foucault, construite à partir de l'observation de l'histoire est constamment étayée d'exemples très concrets. De la description du supplice de Damiens, à celle du panoptique forme architecturale de la prison, l'auteur démontre de manière incontestable comment on est passé du supplice à une société investie par les disciplines qui donnera naissance à la prison. Surveiller et punir bien qu'écrit à la fin des années 60 reste un ouvrage toujours d'actualité. L'inflation législative en matière pénale de ces dernières années montre comment on déplace toujours plus haut le curseur sur l'échelle du comportement normal au comportement déviant, avec un mouvement qui pénalise de plus en plus : nouvelles infractions, multiplication de circonstances aggravantes, augmentation de la sévérité des peines. [...]
[...] On attendrait presque une proposition de réforme et l'on reste un peu sur notre fin. Quoi qu'il en soit surveiller et punir reste un ouvrage fascinant qui à l'heure où l'on s'interroge sur l'efficacité de notre système pénal, pousse à la réflexion. [...]
[...] Si maintenant on comprend l'origine de la prison, force est de constater que celle-ci est un échec. Pourquoi ? Parce que la prison ne supprime pas les délinquances mais les différencie. C'est à dire que la prison va spécifier une délinquance parmi d'autres en la séparant, l'enfermant et la rendant contrôlable et utile à une autre forme de criminalité. D'abord cette délinquance sera maintenue par le pouvoir à un certain niveau de criminalité car, accablée par la pression constante des contrôles policiers et réduite à des conditions précaires d'existence, elle ne pourra donc se rabattre que sur une petite criminalité occasionnelle, évitant ainsi qu'elle ne s'organise et ne dérive vers une forme de délinquance plus dangereuse. [...]
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