Commentaire d'arrêt de Droit Pénal Général: 8 décembre 1998 (4 pages)
L'intention exige la conscience que la réalisation matérielle de l'acte et son résultat correspondent véritablement à ceux qui sont incriminés. Si objectivement une personne soustrait la chose d'autrui en pensant qu'elle en est le légitime propriétaire, l'intention fait défaut. Ceci est repris dans l'article 121-3 du Code pénal qui précise qui n'y a pas de crime ou délit sans intention de le commettre. Or l'intention est définie de manière objective et s'oppose ainsi aux mobiles ou les raisons particulières qui ont inspirées l'acte.
Le 8 décembre 1998, la cour de Cassation dans sa chambre criminelle doit répondre à la question de savoir si la prise en compte d'un mobile même louable permet d'écarter la responsabilité du prévenu.
En l'espèce, un particulier a photocopié plusieurs Documents appartenant à l'association pour laquelle il travaillait. Il a pu avoir accès à ces Documents dans l'exercice de ses fonctions mais sans l'autorisation de son employeur. Il les a envoyés à celui-ci suite à un entretient préalable à son licenciement. Le mobile de la substitution de ces Documents était donc d'influencer les supérieurs hiérarchiques du particulier pour éviter son renvoie.
L'association poursuit le particulier pour vol mais il est relaxé en première instance comme par la Cour d'appel aux motifs que le particulier s'est contenté de communiquer des Documents à portée générale à son employeur. L'association forme le pourvoi en cassation et conteste l'appréciation faite par les juges du fonds de la matérialité de l'infraction et du mobile de celle-ci.
Le salarié qui soustrait à son employeur des Documents pour éviter son licenciement est-il coupable de vol si tous les éléments de l'infraction sont réunis ?
La cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel. La responsabilité du prévenu est reconnue et le vol est caractérisé. Il convient que la réflexion de la cour de cassation s'opère en deux temps. D'une part, elle cherche à déterminer l'infraction en écartant les doutes énoncés par la cour d'appel sur l'élément matériel (I). Et d'autre part, elle écarte toutes appréciations favorables au prévenu concernant le mobile en appliquant strictement le principe de l'indifférence des mobiles (II).
I) L'hésitation logique quant à la qualification de l'infraction
II) L'application stricte du principe de l'indifférence des mobiles pour le vol
[...] Ce n'est qu'ultérieurement qu'il utilisera les documents dans le procès prud'homale. Ainsi la cour de cassation a évolué concernant la décision du salarié utilisant des documents photocopiés appartenant à son employeur, mais il a fermement limité les conditions dans lesquelles le prévenu pourra obtenir gain de cause. La construction jurisprudentielle s'est faite lentement, bien qu'elle était résolument attendue. Elle n'en reste pas moins un cas spécial possible seulement par le droit de se défendre en justice qui apparaît comme absolu. [...]
[...] La soustraction de la chose d'autrui est réprimée par celle-ci. Or l'évolution jurisprudentielle de ces infractions de type très particulier, il apparaît que la chambre criminelle de la cour de cassation a considéré l'information comme constituant un bien patrimonial Le prévenu en photocopiant des documents avait connaissance de leur propriétaire. Il importe peu, en premier lieu, de s'informer de la qualité des informations contenues dans ces documents, seul l'acte en lui- même compte. La jurisprudence a cependant définie que le patrimoine de l'agent qui s'est approprié [les documents] au détriment du légitime propriétaire a augmenté. [...]
[...] La Cour de cassation écarte légitimement cet argument. C'est seulement dans la limite de la caractérisation de l'existence de l'infraction que le mobile pourra être pris en considération. La chambre criminelle du 13 mai 1992 déclare que les mobiles ne peuvent être retenus par les juges du fond autrement que pour l'application de la peine Si on revient à une conception objective, les mobiles poussent un individu à commettre une infraction correspondant souvent au désir de parvenir à un certain résultat. [...]
[...] Une analyse strictement objective peut sembler tout de même critiquable. L'application stricte du principe peut paraître en l'espèce injustifiée à certains égards. Un assouplissement attendu du principe Le législateur, de manière exceptionnelle, prend en compte les mobiles soit pour les ériger en causes d'irresponsabilité pénale comme pour la légitime défense, soit pour définir l'élément intellectuel d'une infraction intentionnelle. Le législateur prend déjà en considération ces mobiles pour les circonstances aggravantes et on peut espérer qu'il le fasse aussi pour dans le cas inverse. [...]
[...] La Cour de cassation ne peut pas écarter cet argument rendant absolu la caractérisation du vol. Là, réside toute la différence avec les magistrats de la cour de cassation qui ne jugent qu'en droit. Si les faits jouent en faveur du prévenu, l'application stricte de la loi par la cour de cassation confirme sa responsabilité. Si le principe de légalité des délits est logiquement consacré, celui de l'indifférence des mobiles semble plus conditionné et difficile à appliquer. L'application stricte du principe de l'indifférence des mobiles pour le vol L'intention est essentielle à l'infraction qui ne peut exister sans elle. [...]
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