crime, empoisonnement, présence, animus, necandi, cassation, 2 juillet 1998
En l'espèce, l'accusé, atteint du virus du sida, a obtenu de sa partenaire d'avoir avec elle des rapports sexuels non protégés en lui affirmant que lui-même n'était pas atteint du virus du SIDA. Un examen sanguin avait révélé, avant les rapports non protégés, que la partenaire en question n'était pas séropositive. Cependant, après un nouvel examen, la victime se révéla séropositive, ayant été contaminée par l'accusé. Des poursuites furent engagées contre l'accusé qui fut accusé d'empoisonnement et ainsi renvoyé devant la Cour d'assise des Alpes-maritimes par la chambre d'accusation d'Aix-en Provence dans un arrêt du 17 décembre 1997. L'arrêt de la cour d'appel a affirmée que l'accusé connaissait le caractère mortel du virus et que cette seule transmission du virus en connaissance de cause suffisait pour caractériser l'empoisonnement. Cependant elle a ensuite rajoutée que « le fait d'inciter sa partenaire à ne plus se protéger », suffisait à « caractériser l'intention homicide ». L'accusé s'est donc pourvu en cassation dans le but de faire casser cet arrêt.
[...] En effet, en ce qui concerne la substance mortelle proprement dite, depuis un arrêt du 18 juin 1836 qui expliquait que la loi répute empoisonnement tout attentat à la vie d'une personne non pas seulement par l'effet de substances vénéneuses proprement dites, mais aussi par l'effet de substances qui peuvent donner la mort la jurisprudence a une interprétation large de la notion et ainsi il peut s'agir d'un virus comme pour le sida et ce dernier n'est pas obligé d'entraîner systématiquement la mort pour être considéré comme une substance mortelle Quant au fait d'administrer la substance, son appréciation est également très étendue et une administration par voie sexuelle peut être facilement retenue pour qualifier le crime. Ainsi, le dernier élément pose débat. L'intention homicide doit-elle être exigée pour pouvoir qualifier un crime d'empoisonnement ? [...]
[...] De plus, une application du dol spécial au crime d'empoisonnement supprimerait la possibilité pour le juge de réprimer un nouveau type de crime comme celui d'espèce, le crime par le virus du sida. C'est donc à cause de toute ces critiques que l'on peut expliquer que la cour de cassation, bien qu'elle reconnaisse la théorie du dol spécial au détriment du dol général, ne s'est pas réellement affirmé sur la question de l'élément moral de l'empoisonnement et n'ait pas rendu un véritable arrêt de principe en n'affirmant ladite théorie que brièvement et timidement dans un attendu final ; théorie qui n'est, de plus, même pas la base de l'argumentation permettant de justifier la cassation de l'arrêt d'appel. [...]
[...] De ce fait, il faut également ajouter à cela que en 1810, le législateur a contredit son devancier de 1791, qui avait considéré le crime d'empoisonnement comme un homicide volontaire spécial, par la formule de l'article 301 de l'ancien code pénal reprise aujourd'hui presque à l'identique par l'article 221-5. De ce fait, si l'empoisonnement était un meurtre spécial, on se demande pourquoi le législateur l'aurait créé en 1810 et maintenu en 1994. Enfin, un dernier argument peut être révélé du texte lui-même. En effet, le crime d'empoisonnement est une infraction formelle, ce qui signifie que la survenance de la mort de la personne n'est pas une condition pour que le crime soit consommé. [...]
[...] Cependant, l'utilisation de l'empoisonnement se détache maintenant, de la volonté d'hériter de sa famille et devient un mode d'homicide plus répandu. La notion du dol spécial pour retenir l'empoisonnement a été exposé par la doctrine qui lui oppose une seconde thèse qui, cette fois-ci, exige simplement la présence d'un dol général. Ce dol général se caractérise par le seul fait de vouloir administrer une substance mortelle en connaissance de cause sans que soit pour autant caractérisé une intention homicide. Ces deux thèses apparaissent donc bien différentes puisque dans le cas du dol général, la répression sera plus forte, résultant du fait que la preuve de l'empoisonnement se réduira à mettre en évidence la connaissance du caractère mortelle de la substance administrée par l'accusé alors que, dans le cas du dol spécial, la preuve sera plus difficile à rapporter car la volonté de tuer devra également être qualifier. [...]
[...] Ainsi, même si ces deux motifs ne sont pas foncièrement opposés, l'exigence de l'intention de donner la mort dépasse la simple connaissance de la mortalité de la substance administrée en ce qu'elle inclue l'animus necandi, et finalement, même si la contradiction est partielle, elle suffira pour que la cour de cassation base l'argumentation de sa cassation sur ce point. Finalement, cet arrêt qui aurait pu être un arrêt de principe, va finalement n'être qu'un banal arrêt de censure même si la cour de cassation va tout de même prendre partie dans le débat de l'élément moral du crime d'empoisonnement. Cependant, et il convient de le souligner une dernière fois, cette prise de position ne constitue pas la justification principale de sa décision. [...]
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