Cour de cassation, chambre criminelle, 8 février 1977, intention coupable, infraction
En l'espèce, les époux X ont, sous l'emprise d'une haine passagère, soustrait frauduleusement des ornements ne leur appartenant guère, lesquels avaient été déposé par la demoiselle Z sur la sépulture de l'individu défunt Y, en vue de les détruire dans une décharge.
La demoiselle Z, propriétaire des ornements assigne alors les époux X en responsabilité au motif de l'infraction de vol prévu à l'article 379 de l'ancien Code Pénal. La juridiction de premier degré condamne solennellement les époux qui interjètent appel. La Cour d'Appel de Pau défendra leur cause en les relaxant du délit de vol dans un arrêt en date du 19 Mai 1976 mais en les condamnant toutefois pour le chef de violation de sépulture et leur faisant écoper de cinq cent francs d'amende. La demoiselle Z ne partageant pas cette position, se pourvoit alors en cassation afin que cette affaire soit jugée par la haute juridiction.
[...] Cependant, la Cour de Cassation ne semble pas partager l'application d'une telle définition de l'intention coupable. En effet, celle-ci consacre une conception négative de l'intention coupable qui ne laisse aucune place aux possibles mobiles des agents. La consécration d'une approche négative Cette approche négative consacre une définition de ce que n'est pas en toute réalité l'intention coupable. Elle exclue donc toutes les raisons pour lesquelles l'agent commet une infraction. En effet, une infraction peut avoir été commise dans un but louable et cela serait tout à l'honneur de l'agent, comme dans un but critiquable. [...]
[...] Le droit pénal n'a pas pour but de se soucier des mobiles ou des prétextes des agents assignés en responsabilité. Il s'agit alors de garantir les trois fonctions du droit pénal. Premièrement, concernant la fonction expressive du droit pénal, prendre en compte les mobiles des agents reviendrait à bafouer la volonté générale selon laquelle une action, un comportement est érigée en une infraction est prohibée et punie. Deuxièmement, par rapport à la fonction répressive, cette prise en compte des mobiles pour la qualification des faits reconsidèrerait l'infraction punissable en une infraction punis d'une toute autre sanction, une sanction plus douce comparé à celle concomitant au réel comportement infractionnel. [...]
[...] Dans le cas en l'espèce, le sentiment de haine pourrait être mis en avant pour justifier un comportement infractionnel mais le justifier au sens de sa réalisation «sur le coup» telle une «pulsion» au sens figuré, et que celle-ci les a porté dans un tel sentiment qu'ils n'ont pu échapper à l'intention de réaliser l'infraction. Reste à savoir pour quelles raisons, et si ces raisons sont quelques peu valables et correctes à la circonstance de l'infraction. C'est ainsi que le mobile des agents ne peut être retenu autrement que pour l'application de la peine D'autre part, certaines dispositions légales font intervenir le mobile comme circonstance aggravante. C'est le cas du meurtre d'un témoin pour l'empêcher de parler, ou un enlèvement en vue de l'obtention d'une rançon. [...]
[...] La Cour d'Appel, n'ayant pas suffisamment donné de base légale à sa décision, ne peut se permettre d'écarter la prévention de vol. Cet arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation s'inscrit donc dans la volonté, par les juges, de préserver les valeurs du droit pénal selon lesquelles tout comportement infractionnel ne doit pas rester impuni aux yeux de la société, et encore moins au motif du raisonnement psychologique ayant poussé un agent à exécuter l'infraction punissable. L'intention coupable doit être nécessairement et indubitablement réprimée puisqu'au titre de l'article 121-3 alinéa 1er du Code pénal, n'y a point de délit dans intention de le commettre». [...]
[...] Si la Cour de Cassation consacre cette approche négative de l'intention coupable, c'est sans doute dans l'objectif de ne pas nuire aux valeurs protégées et poursuivre les trois fonctions du droit pénal. La prise en compte des mobiles aurait pour résultante la dépénalisation d'un comportement érigé par la société comme une infraction punissable. Un tel renversement est inconcevable dans une société où est prôné les droits de l'homme et l'égalité de tous devant la loi. C'est ainsi que la Cour de Cassation se refuse de laisser non punissable un comportement prohibé et par conséquent, cette dernière consacre le vol en tant qu'infraction retenue. [...]
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