Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 juin 201, usage abusif, droit de préemption, discrimination
En l'espèce, les demandeurs ont fait l'objet de l'exercice abusif d'un des pouvoirs d'un maire de commune, en l'occurrence Mr. X, afin de faire obstruction aux ventes immobilières devant être conclues. Le défendeur, dépositaire de l'autorité publique a refusé aux demandeurs l'acquisition d'une propriété, alors que ceux ci étaient titulaires d'une promesse de vente, en raison de la «consonance de leur noms faisant supposer une origine étrangère». Le défendeur a donc exercé de façon abusive de son droit de préemption sur une opération d'acquisition d'un bien immobilier dont les demandeurs s'étaient engagés contractuellement.
En raison de l'apparence illégale de cette entrave à l'accession d'une propriété à des motifs discriminatoires, les demandeurs ont assigné le dépositaire de l'autorité publique à comparaitre devant un tribunal correctionnel qui leur donnera raison. À la suite de cette décision, le défendeur interjète appel n'approuvant pas l'idée selon laquelle celui-ci aurait commis une discrimination à l'égard des demandeurs en leur refusant l'acquisition de la propriété. Les juges du fonds de la Cour d'appel de Grenoble confirment le jugement de la juridiction de premier degrés par un arrêt en date du 16 Juin 2010. Le défendeur se pourvoit alors en cassation dans l'espoir que la haute juridiction puisse casser et annuler ce dernier jugement.
[...] Il faut donc quelques fois élargir un texte de loi à une situation non mentionnée et imprévue par cette même loi mais respectant la volonté du législateur quant à l'esprit de la loi. C'est ce qu'en l'occurrence, la Cour d'appel a effectué en étendant l'incrimination d'exercice abusif d'un droit de préemption au refus de bénéfice d'un droit accordé par la loi au sens de l'article 432-7 du Code pénal mettant en avant l'aspect discriminatoire du refus. La Cour d'appel exprime la volonté du législateur comme celle de punir toute discrimination d'autant plus si celle-ci a été constituée par le refus d'un droit accordé par la loi. [...]
[...] Cependant, pour la Cour de cassation, la loi pénale est avant tout d'interprétation stricte. Celle-ci se base sur le fondement de l'article 111-4 et selon elle, l'exercice d'un droit de préemption même abusif ne peut constituer un refus de bénéfice d'un droit accordé par la loi au sens de l'article 432-7. Autrement dit, selon la Cour de cassation, un droit de préemption usé de façon abusive ne peut donc, par une interprétation stricte de la loi, constituer une discrimination telle qu'elle est définit à l'article 432-7. [...]
[...] La Cour de cassation expose quant à elle, la volonté inéluctable d'une interprétation littérale de la loi pénale. La règle de l'interprétation stricte, sans laquelle le principe de légalité n'existerait plus, doit être respectée, même si parfois elle conduit à méconnaître la volonté du législateur. D'une part, la haute juridiction ne nie pas les faits et ne condamne pas de façon intransigeante l'appréciation de la Cour d'appel. En effet, la haute juridiction use de la formule «fût-il abusif» pour qualifier l'exercice anormal du droit de préemption du maire. [...]
[...] La loi, issue de la souveraineté nationale revêtait donc d'un statut de loi parfaite, et, si celle-ci était parfaite, il n'y avait donc nul besoin d'interprétation. La loi ne pouvait être en aucun cas floue, imprécise ou incomplète. Ainsi, se révèle l'idée de Montesquieu selon laquelle, le juge est bouche qui dit le droit». Cependant, cette méfiance à l'égard d'un plausible gouvernement des juges doit être atténuée. En effet, même dans un contexte de mondialisation, de multiplication du nombre d'infractions pénales ainsi qu'une recrudescence de la qualité de la loi, le juge pénal reste encadré et contrôlé à différents niveaux. [...]
[...] La Cour de cassation exprime dans les motifs de sa décision, l'idée selon laquelle l'exercice du droit de préemption constitue pas le refus du bénéfice d'un droit» ce qui ne permet pas l'application de l'article 432-7. Ainsi, selon elle, le délit de refus d'un bénéfice d'un droit n'est pas constitué. Contrairement à la Cour d'appel, la haute juridiction ne prête pas attention à l'idée selon laquelle les conditions d'application de la loi pénale sont réunies et exclue de son raisonnement le motif discriminatoire et la pratique de la discrimination prévue à l'article 225-1 du Code pénal. [...]
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