Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 septembre 2006, responsabilité pénale, personnes physiques
La Chambre criminelle de la Cour de cassation rend un arrêt de rejet le 12 septembre 2006, elle était saisie d'un pourvoi en cassation de Mme Y sur l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes, pris en troisième chambre, le 27 octobre 2005.
Élise Z a consulté en urgence Mme Y, médecin spécialiste en endocrinologie, gynécologie médicale et pathologie de la reproduction le 25 janvier 2000. La jeune femme se plaignait d'une soif intense et de divers autres symptômes. Mme Y avait pour patiente la victime depuis 1998, avait donc connaissance des nombreuses difficultés de santé que cette patiente rencontrait puisqu'elle avait elle-même diagnostiqué en 1998 une hyperglycémie. Lors de cette consultation du 25 janvier 2000, Mme Y s'est bornée à prescrire à la patiente par ordonnance des examens sanguins du dosage de glycémie, sans préciser l'urgence dans laquelle ces examens devaient être réalisés. Elle n'a pas réalisé elle même un examen en cabinet, alors qu'elle disposait du matériel médical. Et elle ne s'est pas enquise des résultats d'analyse de sa patiente. Elle était pourtant en possession d'un tableau clinique relevant le risque d'une évolution vers un coma diabétique mortel. Élise Z est décédée à son domicile au cours de la nuit du 28 au 29 janvier 2000 des suites d'une inhalation bronchique de liquides et d'aliments pendant une crise de coma diabétique.
Mme Y a été envoyée devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'homicide involontaire à l'issue de l'information ouverte sur les circonstances du décès de Élise Z. l'affaire a été portée devant la troisième chambre de la Cour d'appel de Renne qui s'est prononcée le 27 octobre 2005. La Cour d'appel après avoir examiné les faits, a retenu qu'en n'accomplissant pas les diligences normales qui lui incombaient, Mme Y avait commis des fautes d'imprudence et de négligence, qui sont la cause directe de la mort de la victime. La Cour d'appel a condamné Mme Y à six mois d'interdiction d'exercice de la médecine en la déclarant coupable d'homicide involontaire. Mme Y a formé un pourvoi en cassation devant la Cour de cassation.
[...] Ainsi, après avoir constaté que le lien de causalité en l'espèce, n'est pas direct, mais indirect, la Cour de cassation a du examiner la nature de la faute reprochée à la prévenue. La Cour d'appel avait retenu une faute simple découlant de fautes d'imprudence et de négligence de la part du médecin. La Cour de cassation va retenir une appréciation de la faute différente. En effet, elle relève tout d'abord que « la prévenue, qui n'a pas pris les mesures permettant d'éviter le dommage », ce qui rentre dans les prévisions de l'article 121-3 alinéa 4 CP sur le lien de causalité indirect. [...]
[...] Mais cette qualification de la faute provient de son interprétation des faits, « des propres constatations » des faits qu'elle a opéré, cette qualification est-elle pour autant correcte ? N'est elle pas influencée par sa volonté de voir la responsabilité des personnes physiques engagée facilement en cas d'atteinte involontaire ? B.Les conséquences issues de la loi du 10 juillet 2000 sur la faute. Le législateur avec la loi du 10 juillet 2000, avait à l'idée de rendre la responsabilité pénale des personnes physiques plus difficile à engager. Pour cela, il a donc créer deux natures distinctes du lien de causalité. [...]
[...] La Cour d'appel avait qualifié le lien de causalité entre les faits de la prévenue et la mort de la victime de lien direct. La Cour de cassation retient une autre conception. La Cour d'appel estimait donc que la prévenue était directement responsable de la mort de la victime, qu'elle l'avait directement causé. La Cour de cassation va faire une lecture différente de l'article 121-3 alinéa 4 CP. En effet elle relève « que c'est à tort que la Cour d'appel a retenu que Véronique Y avait directement causé le dommage ». [...]
[...] La jurisprudence avait une conception souple de la causalité, il suffisait de contribuer à la réalisation du résultat, la jurisprudence se contentait de la moindre petite faute pour caractériser la faute d'imprudence, comme le fait le juge civil. La faute la plus légère n'en est pas moins une faute d'imprudence qui suffit à engager la responsabilité pénale. C'est une responsabilité pénale dure et très mal ressentie par deux catégories de population, les employeurs et les élus locaux. Les élus locaux sont intervenus pour demander modification, une première modification en 1996 sur la définition de la faute, mais cela n'a eu aucun effet sur la jurisprudence. [...]
[...] Afin de soutenir son pourvoi en cassation, la demanderesse développe dans son mémoire un moyen en trois branches. Dans un premier temps, elle fait valoir que les symptômes de la victime ne faisaient pas apparaître un état de santé inquiétant, ni ne laissaient craindre une détérioration rapide et fatale. Ainsi en retenant l'homicide involontaire causé par imprudence ou négligence, la Cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision. Dans un deuxième temps, elle considère que la Cour d'appel a privé sa décision de base légale puisque la Cour d'appel n'a pas constate que les mesures que la prévenue aurait du prendre selon elle, auraient permis d'éviter le décès de la victime de manière certaine, ni que les carences qui lui sont imputées avaient privé la victime de toute chance de survie. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture