Commentaire comparé, Cour de cassation, Chambre criminelle, 1 février 1956, 20 mars 1980, légalité des actes
Le préfet du Rhône prend un arrêté le 21 octobre 1953 en application de l'article 97 de la loi du 5 avril 1884 dans lequel il interdit aux prostitués de « stationner ou de se livrer à des allées et venues répétées » aux abords de certains établissements mentionnés dans le département du Rhône et sur certaines voies et places publiques de la ville de Lyon. Cet arrêté a en effet pour but de faire disparaître des manifestations publiques de prostitution.
Suite à cet arrêté, une prostitué est condamnée par le Tribunal de police de Lyon le 7 janvier 1954 pour infraction à ce règlement. Elle interjette alors appel. La décision d'appel rendue est infirmative. Le ministère public se pourvoit alors en cassation. Le 1 février 1956, la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme donc la décision prise en appel.
Le ministère public a engagé des poursuites sur le fondement de l'arrêté du préfet du 21 octobre 1953 qui établit une interdiction pour les prostituées de se trouver à certains endroits nommément désignés, d'y stationner ou de s'y livrer à des allées et venues. En première instance, le tribunal de police applique le texte et condamne donc la défenderesse. La juridiction de second degré infirme pourtant le jugement rendu par le tribunal au motif que l'arrêté ne répond pas aux exigences du principe de légalité et porte atteinte aux libertés individuelles consacrées par la loi. La Cour de cassation confirme la décision rendue en appel. Elle déclare en effet que la juridiction d'appel a fait une « exacte application de la loi » en affirmant que l'arrêt dépasse la limite des pouvoirs de police confiés au préfet, que celui-ci est illégal puisqu'il entraine une « violation des droits généraux relatifs aux libertés publiques et notamment à la liberté individuelle ».
Parallèlement la deuxième espèce est relative à l'application des articles R 53-1 alinéa 3 et R 233-5 du Code de la route qui ordonnent l'obligation aux conducteurs de voitures particulières circulant hors agglomérations de porter la ceinture de sécurité attachée. Un homme conduisant, hors agglomération, sans ceinture de sécurité attachée est alors arrêté et poursuivi sur le fondement de ce règlement.
[...] Il n'y a en effet pas de lois qui entrent en compte dans ce domaine cependant il y a des lois qui l'encadrent. Les actes règlementaires autonomes doivent respecter les principes généraux du droit pénal pour être valable comme le principe de légalité. En théorie ce contrôle est effectué par le juge administratif, en effet il s'agit d'un contrôle de légalité des actes administratifs. C'est la théorie de la séparation des pouvoirs qui s'applique ici, en effet les attributions de l'autorité judiciaire et de l'autorité administrative qui dépend du pouvoir exécutif sont séparées. [...]
[...] La contrevenant va invoquer l'illégalité du règlement sur la base duquel il est poursuivi. L'exception d'illégalité peut donc être invoquée devant le juge pénal. Depuis une décision du tribunal des conflits du 5 juillet 1951, le juge pénal peut connaître l'exception d'illégalité. Cette décision énonce les modalités de ce contrôle. Les modalités du contrôle La décision du 5 juillet 1951 du tribunal des conflits vient autoriser le juge pénal à observer la légalité d'un acte administratif. Le tribunal énonce ici qu'« il résulte de la nature de la mission assignée au juge pénal que celui-ci en principe, plénitude de juridiction sur tous les points d'où dépend l'application ou la non application des peines; il lui appartient à cet effet non seulement d'interpréter, outre les lois, les règlements administratifs, mais encore d'apprécier la légalité de ceux-ci, qu'ils servent de fondement à la poursuite ou qu'ils soient invoqués comme moyen de défense ». [...]
[...] Cependant dans un arrêt du 20 mars 1980, la Cour de cassation vient contrée la décision d'illégalité prise par le tribunal de première instance. Cette décision était pourtant prise sur le même fondement de l'atteinte à a liberté que dans la décision du 1er février 1956 que la Cour de cassation avait approuvée. Cependant dans le cas de l'arrêt du 20 mars 1956, la règle du Code de la route qui avait été considérée comme illégale, est définit par les juges de la Cour de cassation comme concernant la sécurité publique. [...]
[...] Il retient que ces règles sont contraires aux dispositions des articles 4 et 5 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et écarte dont leur application. La Cour de cassation casse et annule le jugement du tribunal. En effet elle invoque un excès de pouvoir de celui-ci, en déclarant que les règles relatives au port de la ceinture de sécurité sont applicables car elles aspirent à la protection des conducteurs, de leurs passagers et des tiers, leur objectif étant la sécurité publique. [...]
[...] Cependant ce but ne peut selon la Cour de cassation être prétexte pour permettre une telle atteinte aux libertés. La Cour de cassation confirme l'avis des juges du fond qui énoncent en l'espèce qu'il n'y a que le législateur qui puisse porter atteinte à la liberté de l'individu d'aller et venir, or la liberté de circuler sur la voie publique en fait partie. De plus la prostitution n'est pas un délit en tant que tel, on ne peut donc instaurer pour une catégorie de citoyen « une interdiction de séjour », cela est illicite et excessif. [...]
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