Commentaire d'arrêt, Chambre criminelle, Cour de cassation, 20 juin 2006, responsabilité pénale des personnes morales
Si pendant longtemps, seule la responsabilité pénale des personnes physiques était admise, ceci n'est plus le cas depuis la réforme du 1er mars 1994. L'arrêt étudié, rendu le 20 juin 2006, par la Chambre criminelle de la Cour de cassation est relatif aux conditions d'engagement de la responsabilité pénale des personnes morales au sein d'une entreprise. En l'espèce, Alain X, salarié de la société Sollac Lorraine, a emprunté, pour l'exécution d'une mission d'inspection, une plate-forme désaffectée, mise hors service, et dont la dangerosité n'était pas signalée. Celle-ci a alors cédé sous ses pas, le précipitant dans le vide et entrainant, par la même, sa mort. Dans un jugement rendu le 10 novembre 2004, la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Metz a condamné la société Sollac Lorraine du chef d'homicide involontaire.
[...] De ce point de vue, cette jurisprudence contra legem de la cour de cassation est donc critiquable et a même conduit à la rédaction d'une question prioritaire de constitutionnalité tendant à constater l'imprécision de l'article 121-2 du code pénal. La cour de cassation a cependant décidé de ne pas la transmettre au conseil constitutionnel. Le fait d'établir une telle présomption de responsabilité de la personne morale, comme l'a fait la cour de cassation dans cet arrêt contrevient donc au principe de légalité mais heurte également un autre principe fondamental : celui de la présomption d'innocence en établissant, en quelque sorte, une présomption de culpabilité au détriment de la personne morale, ici, de la société Sollac Lorraine. [...]
[...] Les critiques de la solution rendue par la cour de cassation eu égard au principe de légalité des délits et des peines L'article 121-2, alinéa 1er, du Code pénal subordonne la responsabilité pénale des personnes morales au constat d'une infraction commise « pour leur compte, par leurs organes ou représentants». Si ces conditions ont traditionnellement été respectées et interprétées de manière stricte par la jurisprudence, celles-ci, comme nous l'avons vu précédemment semblent avoir été remises en cause durant ces dernières années, puisque, dans l'arrêt du 20 juin 2006, la cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir condamné la société Sollac Lorraine du chef d'homicide involontaire alors même que l'organe ou le représentant, responsable de la faute pénale, n'a pas été identifié. [...]
[...] La reconnaissance d'une présomption de responsabilité pénale de la personne morale Comme nous venons de le voir, la mise en cause de la responsabilité pénale de la personne morale suppose que ses organes ou représentants aient commis les faits constitutifs d'une infraction. Cependant, dans l'arrêt rendu le 20 juin 2006, la cour de cassation déclare la société Sollac Lorraine, coupable d'homicide involontaire alors même que l'identité précise de l'auteur des manquements constitutifs ayant conduit à la mort du salarié demeure inconnue. [...]
[...] La chambre criminelle de la cour de cassation, dans son arrêt rendu le 20 juin 2006, casse partiellement la décision de la cour d'appel de Metz, mais seulement en ce qui concerne le temps d'affichage et affirme au contraire que la société, demanderesse au pourvoi, ne saurait se prévaloir du fait que les juges du fond n'aient pas identifié clairement les auteurs des manquements constitutifs du délit, à partir du moment où l'infraction n'a pu être commise, pour le compte de la société, que par l'intermédiaire de ses organes ou représentants. Il convient alors d'étudier les critères nécessaires à l'engagement de la responsabilité pénale d'une personne morale avant de se pencher sur la portée de la décision rendue (II). I. [...]
[...] Cette solution semble alors, du point de vue de l'opportunité justifiable puisqu'elle a pour objet de renouer avec l'intention initiale du législateur. En effet, ce dernier avait admis, au moment de l'adoption du nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, la responsabilité pénale des personnes morales dans le but de les responsabiliser; celles-ci revêtant une importance croissante dans notre société, il aurait été peu opportun de les laisser en dehors du champ pénal. Mais il s'agissait aussi d'assurer, en contrepartie, une diminution de la responsabilité pénale des personnes physiques. [...]
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