Commentaire d'arrêt, cour de cassation, chambre criminelle, 2 juillet 1998, empoisonnement, administration, substances nuisibles
L'empoisonnement est le « fait d'attenter à la vie d'autrui par l'emploi ou l'administration de substances de nature à entrainer la mort » : article 221-5 du Code pénal. Comme tout crime, cette infraction nécessite la preuve d'une intention de tuer, l'animus necandi, dont la caractérisation est particulièrement délicate lorsque sont administrées des substances létales. La question de la transmission intentionnelle ou non du Virus de l'Immunodéficience Humaine (VIH) par une personne se sachant atteinte en est le parfait exemple puisqu'elle donna lieu à de nombreux arrêts de la Cour de cassation, particulièrement celui du 2 juillet 1998.
En l'espèce, une personne se sachant atteinte du VIH le transmet à sa compagne en incitant celle-ci à avoir des rapports sexuels non protégés.
Une instruction est ouverte et une chambre de l'accusation, ancienne formation d'appel de l'instruction, est saisie. Elle renvoi le prévenu devant la Cour d'assise sur le fondement de l'empoisonnement de l'article 221-5 du Code pénal, considérant que le VIH est une « maladie mortelle », que le prévenu se savait contaminé, et que l'intention homicide se caractérise par « le fait de vouloir transmettre des substances mortifères en connaissance de cause » . Or, cette intention serait selon elle caractérisée par le fait d'avoir « incité sa partenaire à ne plus se protéger, lors de rapports sexuels alors qu'il avait connaissance qu'elle n'était pas porteuse du virus ».
Un pourvoi en cassation est formé par le prévenu sur le fondement de la violation des articles 121-3 (concernant l'élément moral) et 221-5 (incriminant l'empoisonnement), considérant notamment que l'intention homicide n'est pas prouvée.
[...] Cette solution sera pourtant affinée au cours du temps, la qualification d'administration de substances nuisibles étant désormais retenue. Une décision affinée au cours du temps Si la qualification d'empoisonnement est rejetée par la cour de cassation dans cet arrêt, cela ne signifie pas qu'aucunes poursuites ne sont possibles contre l'accusé. C'est d'ailleurs simplement la qualification retenue dans la décision de renvoie qui est cassée. La chambre de l'instruction a alors due être à nouveau saisie du dossier et procéder à une requalification ou un non lieu. [...]
[...] La chambre criminelle de la Cour de cassation, par cet arrêt du 02 juillet 1998, casse l'arrêt de renvoi de la chambre d'accusation en considérant que « la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ne suffit pas à caractériser l'intention homicide ». Cette décision démontre une position stricte de la cour de cassation quant à la caractérisation de l'intention homicide de l'empoisonnement et pose une décision pérenne dans un contexte jurisprudentiel incertain Une appréciation stricte de l'intention homicide dans le cadre de l'empoisonnement Cet arrêt rappel tout d'abord que l'intention d'empoisonner se définie comme étant le fait de vouloir transmettre des substances mortifères mais que la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance ne suffit pas à cela La nécessité d'une volonté de transmettre des substances mortifères L'empoisonnement est défini à l'article 221-5 du Code pénal. [...]
[...] Mais, la cour de cassation estime que « la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ne suffit pas à caractériser l'intention homicide ». C'est pourtant une solution ambigüe. Elle retient en effet que l'intention criminelle ne peut se déduire du simple fait de connaître le caractère mortifère du VIH. Ce qui voudrait dire, au vu de jurisprudences antérieures, qu'il faudrait plus qu'un « simple acte conscient, voulu », mais bien un acte « intentionnel », c'est-à-dire « conscient, voulu et accompli en vue d'un résultat précisément recherché par son auteur, en l'espèce la mort » : TGI de Paris octobre 1992. [...]
[...] Or, l'on constate que les décisions ultérieures de la cour de cassation à ce sujet approuvent la requalification de ces actes en violences par administration de substance nuisibles, délit prévu à l'article 222-15 du Code pénal. En effet, en 2006, une personne ayant transmis le VIH a contaminé deux de ses partenaires a été poursuivi pour administration de substances nuisibles, ce que la cour de cassation approuve : Crim janvier 2006. Pourtant, ce délit nécessite également une intention de blesser, qui devrait être prouvée de la même manière que l'intention criminelle, où la seule connaissance du caractère nuisible de la substance ne suffirait pas. [...]
[...] En l'espèce, une personne se sachant atteinte du VIH le transmet à sa compagne en incitant celle-ci à avoir des rapports sexuels non protégés. Une instruction est ouverte et une chambre de l'accusation, ancienne formation d'appel de l'instruction, est saisie. Elle renvoi le prévenu devant la Cour d'assise sur le fondement de l'empoisonnement de l'article 221-5 du Code pénal, considérant que le VIH est une « maladie mortelle », que le prévenu se savait contaminé, et que l'intention homicide se caractérise par « le fait de vouloir transmettre des substances mortifères en connaissance de cause » . [...]
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