Commentaire d'arrêt, cour de Cassation, 1ère chambre civile, 6 octobre 2011, liberté d'expression, droit à l'intimité de la vie privée, affaire Bettancourt, groupe L'Oréal
La philosophie des lumières pose comme contrainte fondamentale que « La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres » (John Stuart Mill). La liberté d'expression et le droit à l'intimité de la vie privée sont tous les deux des piliers de la démocratie mais ces deux libertés fondamentales sont en friction permanente dès lors qu'elles ont manifestement une valeur égale, la loi n'ayant pas fixé de hiérarchie entre elles. Cette friction est notamment matérialisée par cet arrêt.
L'affaire sur laquelle repose l'arrêt de la Cour de cassation du 6 octobre 2011 concerne la divulgation par la presse d'informations concernant l'activité professionnelle d'une femme d'affaire. Plus précisément, le magazine Le Point a publié dans son édition du 17 juin 2010 un article de M. Ga. intitulé « Les enregistrement secret du Maître d'hôtel » et sous-titré « Affaire Bettancourt, les conversations de la milliardaire avec ses proches, captées à leur insu, révèlent une femme sous influence ». Cet article sera ensuite suivi de plusieurs autres, traitant et se référant aux mêmes enregistrements. En substance, le salarié aurait, en cachette et une année durant, enregistré les conversations tenues au domicile de son employeur, conversations ayant un caractère professionnel car tenues lors de réunions d'affaire.
Sur le fondement des articles 226-1 et 226-2 du Code pénal et au moyen de l'article 809 du Code de procédure civile, M. de M., chargé de la gestion de la fortune de Mme Bettancourt, a fait assigné en référé la société d'exploitation du magazine Le Point, MM. de Gi., directeur de la publication, et Ga., journaliste. Le plaignant demande à ce que soit retirée du site de l'organe de presse la transcription des enregistrements, interdite toute nouvelle publication de ces retranscriptions et publié un communiqué judiciaire. Mme de Bettancourt est intervenue dans la procédure pour appuyer ces demandes, dénonçant principalement une atteinte à sa vie privée. En défense, le magazine justifie ses agissements en invoquant le droit du public à l'information, se basant sur le poste qu'occupe Mme de Bettancourt et sur ses parts dans le groupe L'Oréal.
[...] D'après cet article, ce délit est puni d'un an d'emprisonnement et de 5000€ d'amende. Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement dans cet article, c'est la notion de « l'atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui ». Cette atteinte fait partie intégrante de la caractérisation du délit et doit de plus être volontaire. Cette condition est donc nécessaire, sans quoi l'article 226-1 ne pourrait s'appliquer puisque le délit ne serait pas constitué. Il faut bien-sûr que le consentement de la personne dont les propos sont enregistrés ou l'image photographiée n'ait pas été donné. [...]
[...] La Cour de cassation considère ainsi que ce délit est formel et non matériel, la preuve n'a pas besoin d'être rapportée puisqu'il suffit d'établir la réalité de l'acte pour confirmer la présence d'une atteinte à l'intimité de la vie privée. La preuve de l'atteinte découle naturellement de la caractérisation matérielle du délit, la preuve et le délit sont indissociables. Cependant cette solution est également discutable care dire que la preuve est automatiquement apportée signifie que la preuve d'une telle atteinte est indifférente ; peu importe qu'elle soit présumée ou inutile lorsque, comme en l'espèce, la preuve du contraire ne peut être fourni. Or d'après l'article 1315 du Code civil, « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. [...]
[...] même si les propos ont été enregistrés de manière clandestine, à son insu et de manière peu loyale. » Il est possible que cet arrêt se base sur l'arrêt du 14 février 2006 de la chambre criminelle de la Cour de cassation. En effet, dans cet arrêt, la haute juridiction précise clairement que les propos enregistrés dont il était question « entraient dans le cadre de la seule activité professionnelle des intéressés et n'étaient pas de nature à porter atteinte à l'intimité de leur vie privée ». [...]
[...] Souvent les juges considèrent qu'elle inclut: le domicile, l'image, la voix, le fait d'être enceinte, l'état de santé, la vie sentimentale, la correspondance C'est ainsi que les juges de fond ont été nombreux à considérer que la vie professionnel ne fait pas partie de la vie privée. Dans l'arrêt étudié, la Cour d'appel déclare clairement que « l'article 226-2 n'englobe pas dans sa prévention tout enregistrement propos effectué sans le consentement de l'auteur qui les a tenus, mais uniquement ceux qui »portent atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui » », avant de préciser que « les propos litigieux sont [ ] de nature professionnelle et patrimoniale ». [...]
[...] La liberté d'expression et le droit à l'intimité de la vie privée sont tous les deux des piliers de la démocratie mais ces deux libertés fondamentales sont en friction permanente dès lors qu'elles ont manifestement une valeur égale, la loi n'ayant pas fixé de hiérarchie entre elles. Cette friction est notamment matérialisée par cet arrêt. L'affaire sur laquelle repose l'arrêt de la Cour de cassation du 6 octobre 2011 concerne la divulgation par la presse d'informations concernant l'activité professionnelle d'une femme d'affaire. Plus précisément, le magazine Le Point a publié d ans son édition du 17 juin 2010 un article de M. [...]
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