Commentaire d'arrêt, chambre criminelle, Cour de cassation, 2 juillet 1998, crime d'empoisonnement, virus du sida, caractère mortifère, intention d'homicide, substances nuisibles
Cette décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation redéfinit le crime d'empoisonnement, et par là qualifie la transmission volontaire du Sida non plus d'empoisonnement, mais de délit d'administration de substances nuisibles.
M.X, conscient d'être porteur du virus du Sida, maladie pour laquelle il était soigné depuis plusieurs années, a eu des relations sexuelles non protégées avec Y, alors qu'il savait qu'elle était saine du virus puisqu'elle avait réalisé à sa demande un test sanguin de dépistage, et lui a donc transmis de manière consciente le virus du sida.
[...] Qualification de la transmission du sida en délit d'administration de substances nuisibles : Puisque selon la chambre criminelle la volonté d'un résultat mortel est exigée pour que le crime d'empoisonnement soit constitué, la transmission consciente du sida en l'espèce ne constitue pas un empoisonnement. On vient donc qualifier cette transmission de délit d'administration de substances nuisibles, cette qualification apparaissant comme une qualification par défaut. Cette minoration délibérée d'un élément constitutif de l'infraction peut paraitre critiquable au vu de la nature réelle de la substance administrée : en effet, le virus du sida désormais qualifié de substance nuisible et non plus de substance mortifère n'a pourtant pas changé de nature. [...]
[...] Nouvel apport de la Cour de cassation : l'intention d'homicide Dans cet arrêt du 2 juillet 1998, la Cour de cassation motive sa décision par le fait que la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ne suffit pas à caractériser l'intention d'homicide écartant par là même la thèse de l'empoisonnement. Pourtant cette condition d'intention d'homicide n'est pas prévue dans la base légale de l'infraction : en effet l'article 221-5 du Code pénal dispose que Le fait d'attenter à la vie d'autrui par l'emploi ou l'administration de substances de nature à entraîner la mort constitue un empoisonnement Cette condition est critiquable, de par son fondement incertain. [...]
[...] La conséquence de l'aléa sur l'élément matériel : Un aléa est un événement imprévisible. Il est donc facile de comprendre en quoi l'aléa, qui est un événement non programmé, s'accorde mal avec l'administration voulue de substance mortifère. L'élément matériel défini par la chambre d'accusation connait deux aléas : Tout d'abord l'élément matériel est, comme il a déjà été rappelé, l'administration de substances mortifères de nature à entrainer la mort, or en l'espèce l'administration du virus du Sida, bien qu'étant une maladie incurable, ne signifie pas que la maladie va forcément provoquer la mort de la victime. [...]
[...] La chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans sa décision du 17 décembre 1997, a renvoyé X devant la Cour d'assises au motif que la transmission du Sida opérée de manière volontaire à Y répondait au chef d'accusation de l'empoisonnement, car en l'état de la science médicale le Sida est une maladie incurable et que l'intention d'empoisonnement se traduit par le fait de vouloir transmettre des substances mortifères en toute connaissance de cause. La chambre criminelle de la Cour de cassation doit donc définir si les éléments constitutifs de l'empoisonnement sont rassemblés. La connaissance du caractère mortifère du virus du Sida suffit-elle à constituer l'élément moral de l'infraction ? La Cour de cassation doit donc préciser en quoi consiste l'élément moral exigé pour qualifier la transmission du Sida d'empoisonnement. [...]
[...] Bien que critiquée cette qualification par défaut à pourtant était réaffirmée par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 10 janvier 2006, où elle requalifie la transmission du virus du Sida comme la transmission d'une substance nuisible. La qualification de l'infraction à travers ces éléments constitutifs a un véritable enjeu. En effet selon que l'infraction soit qualifiée de crime ou de délit, la peine diffère. Ainsi le 24 août 2010 un homme a été condamné à 30 mois, dont 6 mois fermes, par la Cour d'appel de Rennes pour avoir contaminé sa compagne en toute connaissance de cause. [...]
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