Commentaire d'arrêt, Chambre criminelle, Cour de cassation, 14 septembre 2004, interprétation pénale
Le droit pénal a été qualifié de « droit armé de tous les droits » par Portalis. Cette formule suggère clairement l'enjeu de ce droit sur les libertés individuelles. En effet, il a la capacité d'atteindre considérablement les libertés des particuliers par la sanction qu'il afflige aux auteurs d'infractions. C'est pour cette première raison que se justifie le principe de légalité des délits et des peines, de telle sorte qu'il doit prévenir les atteintes arbitraires de ce droit. Le corollaire de ce principe réside dans l'encadrement strict du pouvoir d'interprétation de la loi pénale par le juge. En effet, l'article 111-4 du Code pénal dispose que la loi pénale est d'interprétation stricte, et de ce fait il écarte la possibilité pour un tribunal répressif d'interpréter largement une règle de droit pénal au risque de détourner le principe de légalité, ou même de punir un acte qui n'a pas été prévu, évitant ainsi la possibilité d'un « juge-législateur ». Or cette disposition générale ne définit pas les modes d'interprétations que le juge répressif doit adopter. Ce n'est qu'au fil d'une construction de la jurisprudence qu'ont pu s'affirmer certains modes légitimes d'interprétation stricte opposés à un mode d'interprétation foncièrement prohibé, l'analogie.
[...] Est également associé un second moyen, dont la solution de cassation s'appuiera de manière principale, fondé sur la violation des articles 432-4 du code pénal et l'article 111-4 du même code afin d'illustrer une erreur d'interprétation des éléments constitutifs de l'incrimination par la Cour d'appel. Le juge pénal peut-il valablement interpréter le fait pour un maire de couper une alimentation d'eau courante ayant empêché la résidence d'administrés sur une commune, comme caractéristique d'une atteinte arbitraire aux libertés individuelles entendues à l'article 432-4 du code pénal ? [...]
[...] La solution de cassation démontre tacitement que ce geste est insuffisant à caractériser une violation de la liberté du couple. En effet bien que la Cour n'a pas à se prononcer sur la culpabilité de l'accusé mais seulement sur le droit, l'on peut concevoir que les magistrats considèrent que l'impossibilité pour les plaignants de s'installer sur la commune ne relève pas d'une impossibilité de circuler. II) Un encadrement strict de la liberté d'aller et venir En plus de restreindre la nature des atteintes résultant du comportement incriminé à l'article 432-4 du code pénal par une interprétation plus stricte (liberté d'aller et venir) que celle de la Cour d'appel, la Cour de cassation procède ici à un encadrement tacite de ce que peut être une atteinte à la liberté de circuler. [...]
[...] En effet l'affaire portée devant la juridiction de cassation s'attache à une incrimination condamnant des atteintes exercées à l'encontre de la liberté individuelle de justiciables. Cette incrimination parait légitime mais elle est tout de fois subordonnée à un principe plus général, celui de la légalité des délits et des peines et en découle la disposition pénale 111-4, celle-ci instaurant l'interprétation stricte de la loi pénale. Effectivement il ne saurait être justifié d'incriminer un comportement au nom de la protection d'une liberté individuelle alors même que cette incrimination peut injustement être menaçante à l'égard des libertés individuelles de l'accusé si elle ne respecte pas le principe de légalité et d'interprétation stricte. [...]
[...] L'affaire fut portée devant la Cour d'appel de Nancy qui accueillie les arguments des plaignants, en démontrant qu'il y a bien eu atteinte arbitraire aux libertés individuelles du couple du fait que le maire a volontairement coupé l'alimentation d'eau dont elle était essentielle à la vie quotidienne et à la construction du domicile du couple et que par conséquence ces dernière n'ont peu s'installer sur le territoire de la commune. La Cour d'appel a donc considérée que les conséquences sur la vie du couple sont de nature à constituer une atteinte aux libertés individuelles dont celle de s'installer sur n'importe qu'elle commune du territoire national. Le maire a été condamné à une amende de 3000 euros et à la réparation civile du préjudice qu'auraient subis les administrés. [...]
[...] C'est ce qu'a considéré la Cour de cassation qui va accueillir les moyens du pourvoi en rappelant le caractère d'interprétation stricte de la loi pénale. Elle va opter pour une appréciation plus restreinte de l'incrimination. Elle va contredire la condamnation audacieuse de la Cour d'appel qui a fait découler de l'acte de coupure du maire une atteinte aux libertés individuelles, acte qui le rendait responsable pénalement de l'impossibilité de résider dans la commune pour le couple et de finir la construction du logement alors même que les normes d'urbanisme n'étaient pas entièrement respectées. [...]
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