Commentaire d'arrêt, Chambre criminelle, 7 décembre 2005, infractions de nature sexuelle, agression sexuelle, présomption de la contrainte
Depuis 1810, le Code pénal ne réprime plus les actes constituant des vices selon la loi morale, ou des péchés selon la loi religieuse car ces faits ne relèvent que de la conscience individuelle. Ils ne sont réprimés que si par une autre circonstance ces comportements se révèlent socialement dangereux. Le Code pénal ne s'intéresse qu'aux comportements sexuels de nature à troubler l'ordre public. Les infractions de nature sexuelle constituent la catégorie d'infractions pour laquelle le législateur est le plus intervenu ces dernières années afin d'instituer des mécanismes de prévention, d'interpellation des auteurs, mais aussi pour combattre la récidive, notamment par les lois du 4 avril 2006 ou du 8 février 2010. Bien qu'elle puisse s'accompagner d'atteintes à l'intégrité physique, les atteintes sexuelles se distinguent des autres atteintes à la vie et à l'intégrité physique, de par leur nature sexuelle, justifiant qu'elles fassent depuis longtemps l'objet d'un dispositif répressif propre. Les atteintes sexuelles se distinguent en deux catégories, entre les agressions sexuelles d'un coté (réunissant les infractions telles que le viol, l'exhibition sexuelle...) , et les atteintes sexuelles strictement entendues. Le critère de distinction entre ces deux catégories réside dans le consentement de la victime. Les atteintes sexuelles strictes sont exercées sur la victime avec son consentement, à la différence des agressions sexuelles où la victime n'est pas consentante. Cette absence de consentement est sous entendue dans l'article 222-22 alinéa 1er du Code pénal réprimant les agressions sexuelles, en vertu duquel « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ». Concernant les atteintes sexuelles strictes, les relations sexuelles entre adultes consentants ne sont plus punies par le code pénal, mais elles sont subordonnées à la minorité de la victime. C'est l'article 227-25 du Code pénal qui fixe la « majorité sexuelle » à 15 ans. Ainsi le fait pour une personne majeure d'avoir une relation sexuelle avec une personne âgée de moins de 15 ans (malgré le consentement de cette dernière) constitue l'infraction d'atteinte sexuelle. Cette limite de 15 ans est relevée par l'article 227-27 du même code à 18 ans si la victime n'est pas émancipée et que l'auteur est un ascendant ou toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait, où lorsque l'auteur abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions.
[...] Une solution aboutissant à une modification du régime légal. La solution donnée par la Cour dans cet arrêt a abouti à une intervention du législateur en la matière par la loi du 8 février 2010, qui a notamment abouti à la codification des articles 222-22-1 et 222-31-1 relatif au viol incestueux (réécrit suite à une déclaration d'inconstitutionnalité par une décision du Conseil constitutionnel du 16 septembre 2011, qui a considéré que cet article dans sa version initiale était contraire au principe de légalité des délits et des peines de l'article 8 de la Déclaration de 1789 car il ne désignait pas précisément les personnes devant être regardées comme membres de la famille). [...]
[...] Dans cet arrêt, la Chambre criminelle (ré)introduit la possibilité de présumer la contrainte élément constitutif d'une agression sexuelle à partir de l'âge de la victime. Cette présomption s'établit par l'utilisation du verbe résulte La contrainte peut ainsi se caractériser par un élément de fait, qui est le très jeune âge de la victime. La chambre criminelle prend en compte le très jeune âge des victimes, élément factuel à partir duquel il en tire toutes les conséquences, notamment à propos de l'absence de consentement. [...]
[...] La question alors posée à la Cour de cassation était de savoir si l'acte constitutif de l'infraction d'agression sexuelle pouvait-il se déduire du très jeune âge de la victime? La Cour de cassation confirme l'arrêt d'appel et considère que l'état de contrainte ou de surprise résulte du très jeune âge des mineurs ce qui les rendait incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur étaient imposés. Dès lors, elle rejette le pourvoi. En admettant la possibilité de déduire la contrainte, élément constitutif de l'infraction d'agression sexuelle la Cour de cassation établit ainsi une solution rigoureuse prise en compte par la suite par le législateur (II). [...]
[...] Mais cet élément constitutif ne peut se déduire de la seule minorité de quinze ans car cette circonstance n'est qu'une circonstance aggravante. Ce motif était le moyen principal du pourvoi formé dans l'arrêt du 7 décembre 2005 par le prévenu. Cette solution présentait un raisonnement juridique tout à fait logique car la Cour établissait ainsi qu'il n'était pas possible de déduire un élément constitutif d'une infraction à partir d'une circonstance aggravante, qui elle même se rattache nécessairement à un élément constitutif. [...]
[...] Cette question a notamment été posée à la chambre criminelle dans un arrêt du 7 décembre 2005. Il en résulte que par un arrêt du 19 janvier 2005, la chambre spéciale des mineurs de la Cour d'appel de Bordeaux a condamné pénalement un mineur pour agressions sexuelles aggravées par la circonstance de leur commission sur trois mineurs âgés de un an et demi à cinq ans. Les parents de l'auteur et ce dernier se sont pourvus en cassation, en considérant que le délit d'agression sexuelle suppose l'usage par l'auteur de violence, contrainte, menace, ou surprise et ne peut pas se déduire du seul âge de la victime, qui n'en constitue qu'une circonstance aggravante. [...]
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