Empoisonnement contamination VIH sida 2010
Dans le début de l'année 2009, Benoit XVI, campant sur la position conservatrice de l'Église à propos de l'usage du préservatif, déclarait que ce dernier ne pouvait régler le problème du SIDA ; estimant même que son utilisation aggravait le problème. En effet, le Vatican prône l'abstinence ou la fidélité dans le mariage pour enrayer la pandémie.
Il est vrai qu'une application stricte de ces principes religieux conduirait sans doute au résultat escompté mais les hommes ne sont pas tous des papes et son avis n'est sans doute pas partagés par les victimes de ce que l'on pourrait appeler l'empoisonnement moderne.
La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 2 juillet 1998, était sollicitée par le délicat problème de la transmission du VIH dû à des rapports sexuels volontairement non-protégés.
M. X, conscient d'être porteur du virus du SIDA, entretenait une relation sentimentale avec Mme. Y qui accepta d'avoir des rapports sexuels protégés. Par la suite, sur demande de son partenaire, Mme. Y effectua un test de dépistage, ce dernier démontrant qu'elle était indemne du VIH ; alors que M. X se refusait à effectuer lui aussi le dit examen, affirmant à sa concubine qu'il n'était pas séropositif tout en sachant qu'il était soigné pour cette maladie depuis plusieurs années. Suite à cela, les deux concubins ont entretenu des rapports sexuels non-protégés à la suite desquels un nouvel examen sanguin informa Mme Y qu'elle était atteinte du virus.
Il fut mis en examen du chef d'empoisonnement et un arrêt de la chambre d'accusation d'Aix-en-Provence du 17 décembre 1997 le renvoya devant les Assises des Alpes-Maritimes. L'arrêt retient d'une part que l'accusé connaissait le mode de transmission de ce virus d'une maladie mortelle et qu'il aurait délibérément contaminé la victime et d'autre part que le l'intention d'empoisonner se caractérise par le fait de vouloir transmettre des substances mortifères en connaissance de cause, quel que soit le mode de transmission et que son attitude suffisait à caractériser l'intention d'homicide.
Le mis en examen forma un pourvoi devant la Cour de cassation contre cet arrêt.
La question posée à la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire était de savoir si pour être qualifié d'empoisonnement, l'administration de substances de nature à entrainer la mort devait nécessairement s'accompagner d'une véritable intention de tuer de la part de l'auteur.
Les juges du droit, dans une énonciation lapidaire qui fut interprété par les médias comme annonçant un arrêt de principe, affirment dans un premier temps que les motifs de l'arrêt de la chambre d'accusation sont pour partie contradictoires et dans un second temps que la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ne suffit pas à caractériser l'intention homicide ; ce qui conduit à la cassation de l'arrêt attaqué pour manque de base légale et au renvoi des parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier.
Les juges du droit, par une énonciation lapidaire, ont cassé un arrêt pour une contradiction de motifs discutable (I) tout en apportant un apport regrettable sur l'élément intentionnel constitutif de l'empoisonnement (II).
[...] Cet état du droit est une erreur et une injustice pour toutes les personnes contaminées par le virus. Celui qui transmet le VIH, sciemment, ne le fait peut être pas dans l'intention de donner la mort et est certes sans doute fragilisé psychologiquement par sa propre maladie, mais il n'en reste pas moins qu'il connait particulièrement bien les conséquence de cette plaie et qu'il détruit la vie entière des personnes qu'il contamine. Il ne fait pas simplement qu'administrer des substances nuisibles, il provoque une mutilation perpétuelle et une mort lente qui arrivera sans nul doute. [...]
[...] Cette exigence renforcée est très regrettable ; elle fait de l'empoisonnement une incrimination beaucoup moins formelle et donne à la lettre de l'article 221-5 un sens auquel n'avait sans doute pas pensé les rédacteurs. En effet, s'il faut, comme pour le meurtre, un animus necandi, c'est à dire la volonté d'atteindre un résultat de mort ; l'incrimination formelle spécifique perd tout son intérêt. Il faut toutefois se référer au contexte autour de l'affaire ; nous sommes en 1998 et l'affaire du sang contaminé bat son plein. [...]
[...] De plus, peu importe que la substance soit obligatoirement mortelle ; le texte ne le prévoit pas et il a a été déjà jugé, dans un arrêt de la même chambre, en date du 5 février 1998, qu'une substance pouvant aboutir à la mort d'un être humain était considérée comme compatible avec la substance de nature a entrainer la mort de l'article 221-5 du Code pénal. Il est vrai que le VIH ne provoque pas la mort instantanée de la personne contaminée et que ses effets dévastateurs peuvent mettre des années à arriver mais les traitements et anti-viraux, aussi performants qu'ils soient, ne peuvent éradiquer la maladie et le décès des personnes contaminées. B – La cassation de l'arrêt de chambre d'accusation du fait d'une contradiction dans les motifs. [...]
[...] Il est apparu plus tard qu'ils avaient tort ; la Cour a sans nul doute été embarrassée par la question et n'a pas voulu affirmer tout de suite clairement sa position, par une attitude il est vrai un peu lâche. II – Un arrêt aux apports discutable sur l'élément intentionnel de l'empoisonnement. L'exigence d'une intention homicide concernant l'élément intentionnel de l'empoisonnement, discutable au vu de la lettre du texte, a conduit à la décriminalisation très regrettable de la transmission volontaire du VIH. A – Le renforcement de l'élément intentionnel de l'empoisonnement. [...]
[...] Ce fut par exemple le cas dans un jugement du TGI de Paris en date du 23 octobre 1992. Il est vrai que ces affaires ne sont pas liées mais les problèmes soulevés quant à l'élément intentionnel de l'empoisonnement sont identiques et il est possible que la Chambre criminelle n'ait pas souhaité contredire ces juridictions, contribuant ainsi à ne pas créer un sentiment d'insécurité juridique supplémentaire. B – La décriminalisation de la transmission volontaire du VIH. Cet arrêt a eu des conséquences déplorables ; bien loin qu'un arrêt d'espèce ne cassant qu'une contradiction de motifs, la décision a eu pour conséquence la décriminalisation de la transmission volontaire du VIH ; ce comportement ne pouvant être réprimé sur le fondement de l'empoisonnement, sera incriminé via l'administration de substances nuisibles de l'article 222-15 du Code pénal. [...]
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