Commentaire d'arrêt, Cour de cassation, chambre criminelle, 1 juin 2010, état de nécessité, faute d'imprudence
L'état de nécessité permet-il l'exonération de responsabilité pénale lorsqu'une faute antérieure à l'acte jugé a été commise par l'auteur des faits reprochés ? C'est la question à laquelle s'est intéressée la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 1er juin 2010.
En l'espèce, M. X…, chasseur expérimenté ayant parfaitement connaissance de la question de protection de l'ours des Pyrénées, a rencontré, lors d'une battue, l'ourse Cannelle alors même qu'il savait cette rencontre susceptible de se produire. Cette première rencontre aurait dû suspendre toute battue mais après avoir averti les autres chasseurs, M. X… a quitté son refuge au lieu d'attendre les secours qu'ont lui avait promis. Il a donc de nouveau rencontré l'ours et, pour se protéger, l'a tué.
[...] En effet, la juridiction judiciaire suprême admet que la Cour d'appel devait effectivement se prononcer sur la responsabilité pénale pour en déduire les réparations civiles, même si le prévenu a été relaxé en première instance. Cet arrêt restreint les possibilités d'application de l'état de nécessité et plus largement des causes objectives d'irresponsabilité pénale. En effet, la Cour de cassation pose une condition supplémentaire à l'invocabilité de cette notion faisant ainsi défaut au principe d'interprétation stricte de la norme pénale. Cette solution est clairement défavorable au prévenu puisque, si le juge avait interprété strictement l'article 122-7 du Code pénal prévoyant l'état de nécessité, M. [...]
[...] Ainsi, la Cour reconnait d'abord que la faute d'imprudence est bien commise par M. X puisque ce dernier s'est bien délibérément mis en danger alors qu'il était conscient des risques qu'il encourait. Elle considère par ailleurs, que cette imprudence détermine l'intention de commettre le délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées. Or, si l'élément moral est caractérisé, l'auteur de l'acte est coupable. De plus, le lien de causalité entre la faute et le dommage causé est direct et établi de façon certaine. [...]
[...] Cette responsabilisation de la société par les juges peut se révéler efficace du point de vue d'au moins une fonction du droit pénale : la fonction protectrice. En effet, cette exigence de prudence et de vigilance et ce risque de sanction accru vient, en principe, prévenir les troubles qui touchent la société. Les juges semblent ainsi inviter chaque agent pénal à éviter au maximum toutes les situations susceptibles d'entrainer un trouble pour la société et dans le cas où un acte répréhensible aurait été accompli, à assumer les conséquences pénales et civiles qui en découlent. [...]
[...] L'intransigeance de la Cour pour le cas d'espèce s'explique donc par la volonté ferme de protéger les valeurs défendues par la société et le législateur. Mais on peut également y voir une volonté de responsabiliser les agents pénaux B. Une responsabilité pénale endurcie Au regard de la frilosité fréquente des juges pour admettre les causes objectives d'irresponsabilité pénale, on peut considérer, par voie de conséquence, que la Cour de cassation souhaite responsabiliser la société, au détriment parfois des textes qui l'en exonérerait. [...]
[...] En comparaison, il parait assez contestable que l'état de nécessité ne soit pas en l'espèce reconnu lorsqu'un animal est tué alors que la vie humaine est en péril. Ainsi, l'ajout jurisprudentiel d'une condition quant à l'invocabilité de l'état de nécessité ne parait pas satisfaisant en considération des principes fondamentaux du droit pénal. De plus, la décision rendue ne parait pas cohérente avec les jurisprudences antérieures rendues par cette même Chambre criminelle. Cependant, si cette approche est critiquable, elle peut également être appréciée comme une volonté de renforcer la norme pénale (II). [...]
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