Commentaire d’arrêt, 18 juin 2003, affaire du sang contaminé, élément intentionnel d’empoisonnement, Centre National de Transfusion Sanguine, CNTS, SIDA
L'arrêt du 18 juin 2003 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation renvoie à une affaire extrêmement médiatisée, dite « l'affaire du sang contaminé », sur laquelle la France entière a donné son avis. Cet arrêt est très important car la Chambre criminelle a adopté une conception de l'élément moral contraire aux principes du droit pénal.
En l'espèce, il est découvert en 1983 que le virus du sida peut être transmis par voie sanguine, notamment lors des transfusions de sang. Malgré deux directives de 1983 et 1987 de la Direction Générale de la Sante, les centres de transfusions n'ont pas renforcé leur contrôle sur les lots à transfuser et ont tardé à applique la technique de chauffage neutralisant le virus. En 1985, le Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS) possédait un stock de produits contaminés. Malgré cet état de fait, le directeur du CNTS a décidé de poursuivre l'écoulement des lots contaminés en toute connaissance de cause. Le directeur général du CNTS ainsi que trois autres médecins ont été poursuivis pour tromperie sur la qualité des produits sanguins les rendant dangereux pour l'homme et pour abstention volontaire d'empêcher la commission du délit précité.
[...] B Les abondantes contestations de l'affaire du sang contaminé - La décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation a provoqué beaucoup de contestations. - Premièrement, le directeur du CNTS avait été averti par deux circulaires que les produits étaient dangereux et qu'il était au courant que les produits portaient un risque de contamination d'autres personnes et de la mort d'un certain nombre d'entre eux. Le directeur avait bel et bien conscience des effets des substances et pour cela il aurait du être condamné. [...]
[...] - Les médecins et le directeur général du CNTS ignoraient qu'ils avaient administré une substance nécessairement mortelle donc il y a impossibilité de caractériser l'élément intentionnel et de ce fait ils n'ont pas été condamnés. - C'est la première fois que la Chambre criminelle subordonne la caractérisation de l'élément intentionnel à la condition spécifique de la connaissance du caractère mortifère des substances. Mais cette solution reste relative a l'affaire du sang contaminé et ne s'applique donc pas de manière générale. Même si la décision de la Cour de cassation a l'air d'être justifiée, cette décision a fait couler beaucoup d'encre et a crée des contestations abondantes. [...]
[...] C'était le débat sur la nécessité d'un dol spécial ou sur le caractère suffisant d'un dol général qui a partagé la doctrine. - Cette distinction fait partie de la doctrine minoritaire. Le dol général serait pour certains auteurs la volonté d'accomplir un acte interdit par la loi. Cette volonté ne suffit pas : la loi subordonne parfois l'existence de l'infraction à une volonté criminelle plus précise, le dol spécial. Si la Cour de cassation semble déterminer la nature de l'élément intentionnel d'empoisonnement comme l'intention de tuer, cette décision participe tout de même à une dénaturation du crime d'empoisonnement. [...]
[...] La Cour d'appel a condamné les médecins et le directeur du CNTS. Ceux-ci ont formé un pourvoi en Cassation qui a renvoyé l'affaire devant le juge d'instruction de Paris mais sur le nouveau fondement de l'empoisonnement, de complicité de ce crime et de non assistance a personne en danger. Le juge d'instruction a rendu une décision de non lieu. Puis, le procureur général a formé un pourvoi en cassation. Le procureur général, pour attaquer la décision de la chambre d'instruction, se fonde sur le fait que les médecins étaient au courant du caractère mortifère des produits sanguins et que cela consomme le crime d'empoisonnement. [...]
[...] C'est ce qui ressort de sa décision de ne pas accuser les médecins du fait de l'ignorance du caractère mortifère des substances administrées. II Une exigence obligatoire d'une connaissance du caractère mortifère des substances administrées La Cour de cassation, dans sa décision du 18 juin 2003 a exigé une connaissance du caractère mortel des produits sanguins administrés pour pouvoir condamner les médecins et le directeur du CNTS. Cette connaissance apparaît comme une condition nécessaire de l'élément intentionnel du crime d'empoisonnement pour la Cour de cassation, ce qui a fait couler beaucoup d'encre et a causé d'abondantes contestations A Une condition nécessaire de l'élément intentionnel - Les médecins et le directeur du CNTS ont bénéficié d'une décision de non lieu car ils n'avaient pas connaissance du caractère mortifère des lots de sang. [...]
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