Complice, responsable, circonstances, infraction, chambre criminelle, cassation, 21 mai 1996
Selon le doyen Jean Carbonnier (1908 ; 2003), l'auteur et le complice d'une infraction sont « cousus dans le même sac, » ils doivent donc subir le même sort. Le complice est l'individu qui, par aide ou assistance, facilite la préparation ou la consommation d'une infraction, sans en réaliser lui-même les éléments constitutifs, ou encore provoque à une infraction ou donne des instructions pour la commettre (article 121-7 du Code pénal). Cette citation de Mr Carbonnier illustre deux théories : la théorie de l'emprunt de criminalité et la théorie de l'emprunt de pénalité. Ainsi, selon la théorie de l'emprunt de criminalité, le complice ne sera pas réprimé uniquement en considération de son infraction et indépendamment de l'infraction commise par l'auteur mais sera au contraire réprimé pour sa participation à l'infraction de l'auteur. De même, avant l'avènement du nouveau code pénal de 1994, le droit pénal connaissait le système de l'emprunt de pénalité c'est-à-dire que le complice était puni de la même peine que l'auteur de l'infraction (ancien article 59 du Code pénal). Désormais, l'article 121-6 du Code pénal dispose que « sera puni comme auteur le complice de l'infraction » c'est-à-dire que le complice sera puni comme s'il était lui-même l'auteur de l'infraction. On peut ainsi penser qu'auteur et complice sont de moins en moins « cousus dans le même sac », toutefois la jurisprudence de la Cour de cassation, si elle respecte l'abandon de l'emprunt de pénalité opéré par le Code pénal de 1994, elle nous rappelle également cette expression du doyen Carbonnier en ce qu'elle va juger dans un arrêt en date de 1996 que « le complice encourt la responsabilité de toutes les circonstances qui qualifient l'acte poursuivi … »
En l'espèce, Axel Y a demandé à des individus de faire peur à une personne déterminée sans donner plus d'indications. Pour ce faire, lesdits individus ont utilisé une bombe lacrymogène à l'encontre de la victime. La victime souffrant, en conséquence, d'une incapacité totale de travail de dix jours, a décidé de porter plainte. Ainsi, Axel Y est reconnu coupable par la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion de complicité du délit de violences avec armes ayant entrainé une incapacité totale de travail de plus de huit jours. Il est condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, et à une amende donc le montant s'élève à cinq mille Francs et à des intérêts civils. Axel Y forme alors un pourvoi en cassation. Il invoque à l'appui de son pourvoi la violation des articles 59, 60 et 309 de l'ancien Code pénal « applicable à la date des faits visés par la poursuite » et les articles correspondant dans le nouveau Code pénal à savoir les articles 121-6, 121-7 et 211-11 et notamment le fait qu'il ignorait que ses instructions conduiraient à l'usage d'une bombe lacrymogène et résulteraient en une incapacité totale de travail de dix jours. Il rappelle en effet qu'il « n'entendait s'associer qu'à des faits de violences légères, c'est-à-dire à des actes de nature à provoquer une sérieuse émotion à la partie civile. » Au contraire, la Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion estime qu'il « devait prévoir toutes les circonstances pouvant accompagner le délit dont il était l'instigateur. »
[...] Au titre de la complicité, cela allait donc poser un problème pour déterminer les sanctions pénales applicables notamment, par exemple, pour le cas où une personne physique serait complice d'une personne morale ou inversement. Le législateur a donc changé le système permettant de déterminer les peines applicables au complice. L'emprunt de pénalité est supprimé et il est prévu à l'article 121-6 du Code pénal que « sera puni comme auteur le complice de l'infraction. » Aujourd'hui, le complice encourt donc les peines qu'il encourrait s'il était lui-même l'auteur de l'infraction. Ce système permet de régler le problème lié aux personnes morales. [...]
[...] Après avoir caractérisé ce cas de complicité par instigation, la Cour de cassation va s'attacher à la détermination de la sanction de cette complicité. La détermination de la sanction de la complicité En effet, la détermination de la sanction de la complicité par la Cour de cassation va se faire par l'affirmation du transfert de toutes les circonstances qui qualifient l'acte poursuivi au complice Cette affirmation fait de cette décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation une décision critiquable mais justifiée Le transfert de toutes les circonstances qui qualifient l'acte poursuivi au complice. [...]
[...] Pour les circonstances dites mixtes comme la qualité de fils de la victime (circonstance personnelle) transformant un meurtre en assassinat (circonstance réelle), celles-ci étaient, avant le nouveau Code pénal, transmissibles au complice et conduisaient ainsi à des conséquences absurdes puisqu'elles revenaient à sanctionner un complice comme l'auteur d'un parricide alors même qu'il n'était pas le fils de la victime ou inversement à sanctionner un éventuel complice comme le simple auteur d'un meurtre alors que le complice aurait quant à lui la qualité de fils de la victime. Toutefois, avec l'abandon de l'emprunt de pénalité opéré par le Code pénal par l'affirmation que « sera puni comme auteur le complice de l'infraction, » cette transmission des circonstances mixtes n'a plus lieu d'être et l'arrêt commenté en date de 1996 ne vient pas remettre en cause cette idée. On peut donc conclure que la chambre criminelle dans cet arrêt de la Cour de cassation du 21 mai 1996 affirme que les circonstances réelles sont transmissibles au complice. [...]
[...] » Au contraire, la Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion estime qu'il « devait prévoir toutes les circonstances pouvant accompagner le délit dont il était l'instigateur. » Dans quelle mesure peut-on rendre le complice responsable des circonstances de l'infraction alors qu'il ne les avait pas prévues ? La chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que « le complice encourt la responsabilité de toutes les circonstances qui qualifient l'acte poursuivi, sans qu'il soit nécessaire que celles-ci aient été connues de lui. [...]
[...] C'est ainsi que la circonstance aggravante de violence avec arme se transmet au complice. Donc, Axel Y sera sanctionné en prenant en compte cette circonstance aggravante qui a pour effet de changer la qualification de l'infraction reprochée, qui est désormais un délit et plus une simple contravention : « le prévenu doit supporter la responsabilité pénale des violences qui ont ensuite été exercées sur cette victime. » Il importe désormais d'apprécier la décision de la Cour de cassation qui est à la fois critiquable et justifiée. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture