Commentaire d'article 61-1 de la Constitution du 4 Octobre 1958
La question préjudicielle de constitutionnalité instaurée par le nouvel article 61-1 de la Constitution constitue, selon l'avis d'une grande part de la doctrine, une « petite révolution » juridique. Instauré par la réforme du juillet 2008, cet article dispose que : «Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'état ou de la Cour de Cassation qui se prononce dans un délai déterminé. », et prévoit dans son second alinéa « Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ».
Il semble évident que le pouvoir constituant a ainsi laissé une marge de man?uvre importante au législateur qui doit, par l'adoption d'une loi organique, préciser nombre des détails concernant la mise en ?uvre de cette disposition.
Cet article est loin d'être une surprise, dans la mesure où sa création a fait l'objet d'une attente importante de la part de la doctrine, notamment constitutionnaliste, qui s'interrogeait sur l'opportunité de cette « exception française » qui constituait en une absence totale de contrôle a posteriori des normes au regard de la Constitution
I/ Un contrôle a posteriori de constitutionnalité des normes
A/ Le contrôle a posteriori des lois, un tournant juridique
B/ Un contrôle de constitutionnalité limité aux Droits et libertés fondamentaux
II/ Un contrôle concret inscrit dans une procédure originale
A/ Un contrôle par voie d'exception
B/ Un contrôle formellement encadré
[...] Une loi, de surcroit, pourrait fort bien être conforme à un Traité en violant la constitution ou inversement. Et l'unification de la jurisprudence, voulue par le constituant qui précise que le conseil constitutionnel peut être saisi et non pas les autres juridictions, s'oppose au contrôle de conventionnalité qui présente parfois quelques disparités selon les juridictions. Cette limitation aux Droits et libertés fondamentaux montre bien la portée de cet article, qui vise particulièrement les justiciables lorsqu'ils sont confrontés à une norme (dont ils contestent en l'occurrence la constitutionnalité). [...]
[...] Ils pourront s'avérer difficile à tenir, mais demeurent d'autant plus nécessaires qu'une condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour délai irraisonnable de procédure ne serait pas surprenante. Ils imposent donc que la juridiction devant laquelle est posée la question doit la transmettre, accompagnée des conclusions des parties, à la juridiction suprême dont elle dépend sous 8 jours. Cette dernière doit rendre sa décision de refus ou saisir le Conseil sous 3 mois. Enfin, ce dernier doit rendre sa décision dans un délai de 3 mois également. [...]
[...] Il existe des conditions purement formelles, des délais, comme l'impose d'ailleurs la rédaction de l'article, et des conditions de fond. Tout d'abord, la question préjudicielle doit être examinée par la juridiction devant laquelle se tient l'instance, qui devra vérifier les trois points suivants : il faut que la question commande l'issue du litige, la validité de la procédure ou constitue le fondement des poursuites (cela accentue le caractère concret du contrôle), que la disposition contestée n'a pas déjà été déclarée conforme par le Conseil dans les motifs ou les dispositifs d'une de ses décisions sauf changement de circonstances (sans quoi lui soumettre à nouveau la question reviendrait à remettre en cause l'autorité de chose jugée dont bénéficient ses décisions), et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux (ce qui laisse une possibilité de diminuer le nombre de saisines du Conseil). [...]
[...] La première proposition concrète d'un contrôle de constitutionnalité opéré a posteriori émane de M. BADINTER, alors Président du Conseil Constitutionnel, en 1989 ; proposition qui a d'ailleurs suscité de la part du Président de la République François Mitterrand le vœu que tout français puisse s'adresser au Conseil Constitutionnel lorsqu'il estime qu'un Droit fondamental est méconnu Cette volonté s'est concrétisée par la présentation d'un projet de loi constitutionnelle, accompagné d'un projet de Loi organique précisant les modalités de son application. Le projet, présenté en mars 1990, prévoyait d'ajouter un alinéa à l'article 60 de la constitution, lequel disposait : Les dispositions de loi qui concernent les droits fondamentaux reconnus à toute personne par la Constitution peuvent être soumises au Conseil Constitutionnel par voie d'exception à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction Cette disposition, qui affirmait expressément qu'il s'agissait d'un contrôle par voie d'exception, n'abouti pas du fait des divergences entre les deux Assemblées (Le Sénat s'interrogeant notamment sur l'effet ERGA OMNES des décisions du Conseil, qui aurait pu revenir à l'abrogation d'un texte législatif, ce qui est pourtant de la compétence exclusive du Parlement si l'on reste fidèle à l'incontournable principe de parallélisme des formes et des compétences). [...]
[...] Il eût sans doute été souhaitable de réformer cet organe, destiné désormais, avec l'application de ce nouvel article 61-1 de la Constitution, à connaître d'un contentieux constitutionnel d'autant plus fourni qu'il en conserva le monopole. Le rôle que joueront les cours suprêmes sera également déterminant dans l'application de cet article et sa portée pour les citoyens. Pour l'heure, la doctrine comme les praticiens du droit sont dans l'expectative, attendant les premières décisions du Conseil Constitutionnel saisi sur le fondement de cet article pour se prononcer sur son avenir et sa pratique. [...]
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