L'autorité de la chose jugée entre les juridictions internationales et les juridictions internes.
La multiplicité des Etats se traduit en matière juridique par la multiplicité des ordres juridiques nationaux chacun ayant sa propre juridiction interne. Mais cette multiplicité des Etats se traduit aussi par la multiplicité des accords et des conventions instaurant des juridictions internationales qui sont investi de compétence pour trancher les litiges d'ordre internationaux, cette compétence reconnue au profit des juridictions internationales procure une valeur juridique quant aux sentences qui sont rendues par ces institutions. Cette valeur juridique produit donc ses effets dont la reconnaissance d'un droit ou d'une obligation entre les parties, et par la même fait passer la divergence des requérants sous les cieux de la chose jugée.
Mais faut-il d'abord définir cette notion, « La chose jugée est l'autorité attachée à un acte de juridiction. Elle sert de fondement à l'exécution forcée du droit judiciairement établi et fait obstacle à ce que la même affaire soit à nouveau portée devant un juge » , il en ressort que l'autorité de la chose jugée engendre un double effet, l'un positif qui est l'établissement d'un droit, l'autre négatif qui est l'empêchement pour le même cas de se voir à nouveau portée devant un juge, ce qui est un facteur de stabilité et de sécurité juridique, fortement souhaitable aussi bien en droit interne qu'en droit international.
Par ailleurs la définition parle d'un « acte de juridiction », sans pour autant préciser de quelle juridiction il s'agit, ce qui nous mène à conclure qu'elle peut être une juridiction nationale ou une juridiction internationale. Prise individuellement, chaque juridiction dans sa sphère, l'autorité de la chose jugée ne pose pas de difficulté particulière, ces conditions et ses effets étant bien définit par la doctrine internationaliste et privatiste, et consacré par la jurisprudence internationale et interne. Mais là où la situation pourrait se voir compliquer d'avantage c'est quant on est en présence d'une situation verticale établissant un contacte entre la sphère internationale et la sphère interne, autrement dit, une situation où il s'agit d'opérer l'autorité de la chose jugée établie par une juridiction internationale et devant produire ses effets sur un sujet de droit privé qui normalement est soumis à une juridiction interne. Dès lors une réelle confrontation entre les deux ordres juridictionnels pourrait naître, chacun se prévalant de son indépendance et de la primauté de ses décisions alors que la situation porte sur le même litige, un litige spécifique se plaçant à mis chemin entre la compétence des juridictions internationales et internes.
Il serait intéressant dès lors, et par soucis de bonne justice de trouver un terrain d'entente, et un apaisement de ce risque de confrontation. L'autorité de la chose jugée, qui normalement est un moyen pour résoudre un litige en lui imprégnant une certaine valeur obligatoire, ne doit en aucun cas être elle même sujette à un conflit éventuel si elle devait se déplacer de la sphère du internationale à la sphère interne, elle devrait plutôt être le cordon de raccordement et d'harmonisation des droits acquis, établis, et requis. Ceci prend plus de l'ampleur si l'on devait se placer dans un litige touchant la question sensible qu'est la matière des droits humanitaires notamment en matière pénale internationale, mais la sensibilité n'est pas pour autant moindre en droit international classique.
La nécessité de trouver un terrain d'entente, entre les juridictions internationale et les juridictions internes quant à leur réception respective de l'autorité de la chose jugée émanant de l'une de l'autre, relève d'un véritable défi technique d'organisation et d'harmonisation juridique dont l'intérêt tel que déjà soulevé est la consécration de la stabilité juridique et la bonne justice.
Ainsi présenté, la question qui nous parait réellement résumé ce défi c'est celle de savoir, Est-ce qu'une décision juridictionnelle internationale peut avoir l'effet de l'autorité de la chose jugée vis-à-vis des juridictions internes et inversement ?
La repense à cette interrogation dépendra du rapport dans lequel on se placera, étant donné que l'autorité de la chose jugée présente des conditions et des effets qui diffèrent selon qu'on est dans un rapport de droit international classique et de droit interne (I) ou que l'on est dans un rapport de droit international pénal et droit interne (II).
[...] Toutefois cet usage terminologique malveillant a été limitée et la C.P.J.I. n'a pas manqué d'apporter ses éclaircissements dans l'ordonnance du 02 aout 1932 concernant le statut juridique du territoire sud-est du Groenland, où la cour a précisé la notion d'objet en tant que « la chose demandée par les parties », la cour se fonde sur l'idée qu'une demande en justice poursuit toujours une finalité bien déterminée et c'est ce qui fonde ses prétentions, au final c'est cette finalité poursuivie qui devrait faire office d'indicateur pour le juge quant à la détermination de l'objet du litige. [...]
[...] Chevalier « la relativité de l'autorité de la chose jugée dans le contentieux fiscal », P.U.F., Limoges Caldeira Brant (L. « l'autorité de la chose jugée en droit international public », L.G.D.J, Paris Daillier et Pellet « Droit international public », 6ème éd. L.G.D.J., Paris El Oueli « Effets juridiques de la sentence internationale », L.G.D.J., Paris Gilli « la cause juridique de la demande en justice – Essai d'une définition », L.G.D.J., Paris Stoykovitch « De l'autorité de la sentence arbitrale en droit international public », thèse, Paris Santulli « Droit du contentieux international », Montchrestien. [...]
[...] Dans cette éventualité, la voie ouverte entre les deux juridictions peut constituer une menace quant à la notion même de l'autorité de la chose jugée. La question se pose alors, c'est quelle décision va prévaloir sur l'autre ? Alors que la notion a pour but d'éviter que la même question soit tranchée deux ou plusieurs fois avec deux ou plusieurs issues, ce qui constituerait d'une part une mauvaise administration de la justice, et d'autre part une remise en question totale de l'autorité de la chose jugée qui se verra ainsi prisonnière quant à ses effets entre la sphère interne et la sphère internationale sans pour autant les prolonger à l'une ou à l'autre. [...]
[...] L'effet de l'autorité de la chose jugée le plus caractéristique est celui de faire obstacle à ce que la même affaire soit doublement jugée par une juridiction nationale si elle l'a déjà été par une juridiction internationale et inversement. Mais pour se faire, dans le rapport droit international classique-droit interne, la chose jugée doit répondre à des conditions qui ne sont que les éléments objectifs qui caractérisent un litige, c'est-à-dire son identité incluant les parties, la cause et l'objet du litige. [...]
[...] C'est d'ailleurs dans ce sens que s'est penché le comité des droits de l'Homme qui soutient que : « Le principe non bis in idem n'interdit les doubles condamnations pour un même fait que dans le cas des personnes jugées dans un Etats donné ». Par ailleurs, l'hypothèse de la fraude au jugement risque d'aggraver encore plus la menace qui pèse sur l'autorité de la chose jugée quand il s'agit d'un rapport se situant entre la sphère nationale et internationale en matière pénale internationale. [...]
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