Crise internationale négociation relations diplomatiques et consulaires
« La crise est en premier lieu rupture d'un équilibre préexistant, suivie d'une phase dont l'objet - principe de l'homéostase - est de rechercher un nouvel équilibre, jusqu'à l'apparition d'une nouvelle rupture » .
En d'autres termes, la crise est l'un des moyens privilégiés permettant l'évolution et la consolidation du système, quel qu'il soit, avec tous les risques que cela peut comporter pour le système, mort dans un système biologique, guerre ou révolution dans un système politique.
Mais la crise peut aussi être progrès, sa résolution devant aboutir a priori au retour à un équilibre supérieur puisqu'il est justement destiné à éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. On pourrait alors en déduire qu'après chaque crise, et après la résolution de celles-ci, le système s'en sort consolidé, amendé, perfectionné, stabilisé. Mais la crise peut aussi, dans certains cas, provoquer une rupture telle que la crise ne peut être résolue que par un changement du système lui-même. C'est ce schéma que l'on retrouve le plus dans la résolution des grandes crises des années 1973 à 1995.
Les crises que le système bipolaire a connu entre la seconde guerre mondiale et le premier choc pétrolier ont permis de mettre au point des instruments diplomatiques nécessaires à un dialogue qui, même s'il reste conflictuel, permet d'en limiter les risques et surtout d'éviter une quelconque dégénérescence en conflit armé.
A partir de 1945, on prend conscience du danger d'un conflit mondialisé, surtout depuis que les grandes puissances détiennent l'arme nucléaire. Il devient alors absolument impensable qu'une situation de crise internationale ne débouche sur un conflit armé, qui pourrait mener l'humanité à sa destruction. L'arme nucléaire vient autonomiser la période de crise à la guerre. La crise internationale ne pouvant déboucher sur la guerre, il lui revient alors de remplir cette fonction de guerre ou tout du moins du règlement de la paix qui fait suite à toute guerre.
Mais dès les années 70 apparaissent certains facteurs bien que peu perceptibles qui sapent les fondements de cet ordre bipolaire (Etats-Unis/URSS) établi depuis trois décennies. Dès lors le système international qui semblait destiné à durer ne cessera de subir de violents coups qui conduiront à son ébranlement puis à son effondrement. Les années 1990 deviennent alors comparables aux années de l'après guerre, autrement dit caractérisées par la recherche d'un ordre international nouveau. A ce moment, la quête d'une bipolarité, système politique clair ou « l'ennemi » est facilement indentifiable, s'avère plus complexe, puisque ces polarités ont disparu. Les centres de puissances régionales se multiplient et les Etats Unis s'annoncent comme une superpuissance. De plus, l'émergence de véritables et irréversibles fractures dans les relations internationales, l'apparition de crises étrangères à la logique bipolaire ne sont que des facteurs qui font de l'état des relations internationales un phénomène mouvant, évolutif et en métamorphose, entrainant de ce fait de nombreuses évolutions en matière de gestion des crises via des mécanismes internationaux diplomatiques.
Il faut en premier lieu définir clairement les deux termes du sujet.
En ce qui concerne la diplomatie, il s'agit de la branche de droit international qui s'occupe des relations entre les Etats. Le dictionnaire la définit comme « une branche de la politique qui concerne les relations entre Etats, un art de la représentation des intérêts d'un gouvernement à l'étranger ; et l'administration des affaires internationales ». Le droit des relations diplomatiques est un des chapitres les mieux établis du droit international puisqu'il est un des premiers à avoir fait l'objet d'une esquisse de codification en 1815 et que la Convention de vienne de 1961 sur les relations diplomatiques a fait l'objet d'une participation quasi universelle. La pratique récente a néanmoins fait apparaitre de nouvelles problématiques nécessitant une réflexion d'ensemble. La diplomatie peut être catégorisée en trois catégories : l'établissement et rupture des relations diplomatiques, les activités diplomatiques et le statut diplomatique. Il ne faut donc pas se restreindre à l'étude des relations diplomatiques bilatérales usuelles.
Si la rupture des relations diplomatiques intéresse peu les juristes, elle présente une grande importance du point de vue de l'étude des relations diplomatiques, s'agissant d'un acte grave et d'un comportement déterminant dans les relations interétatiques. La difficulté qu'ont les Etats à se résoudre à ce genre d'extrémité est révélatrice de l'interdépendance croissant de la société interétatique contemporaine.
L'ensemble des règles du jeu diplomatique sont, contrairement à d'autres domaines du droit international, généralement assez bien acceptées par les Etats, ce qui ressort de la très importante participation dont a fait l'objet de la Convention de Vienne de 1961 , et notamment sur l'absence de contestation réelle sur le contenu des règles, mêmes lors de crises majeures comme on a pu en connaitre avec l'affaire de la prise d'otages du personnel diplomatique a Téhéran du 4 novembre 1979, ou plus récemment l'affaire Gordji .
La diplomatie est directement liée à l'art de négocier les affaires de l'Etat, mais il faut cependant faire attention à ne pas tomber dans la caricature de l'assimilation à la politique étrangère, dont la diplomatie n'est qu'un sous ensemble. Il s'agit d'un instrument de la diplomatie au même titre que le commerce ou les investissements par exemple.
Mais cette notion de négociation elle, est bien l'outil principal des diplomates dans l'exercice de leurs fonctions. Beaucoup d'auteurs spécialisés en science politique se sont penchés sur le sujet, tentant de donner les contours à cette notion difficilement saisissable. Nous retiendrons ici les définitions de Sawyer et Guetzkow, qui ont mis sur pied une description et prévision de la négociation particulièrement connue. En 1965, ces deux théoriciens analysent le processus général de la négociation en termes de comportement des acteurs et des résultats et dégagent cinq facteurs qui influencent le résultat et la cause d'une négociation : les buts des parties impliquées (facteur amont de la négociation) ; les facteurs fondamentaux, historiques et culturels concernant les relations entre parties (également en amont, concerne les relations internes aux parties) ; les conditions spécifiques de la négociation et le processus de négociation (tels que le contexte social, le nombre de participants, en bref les variables à la négociation en elle-même) ; le processus de la négociation (les variables mises en oeuvres par le déroulement de la négociation qui peuvent établir un découpage séquentiel) ; et enfin le résultat de la négociation qui est le facteur « conséquent » (relatif à l'élaboration de critères pour l'évaluation des résultats et la continuité de la négociation). En bref, la négociation à travers son processus de communication et de persuasion est influencée par un grand nombre de facteurs de contexte qui détermineront le résultat de celle-ci, qui sera à son tour un nouvel élément causal de négociations à venir. Le modèle de Sawyer et Guetzkow s'intéresse particulièrement aux « facteurs fondamentaux » jouant sur le processus de négociation, telle que l'idéologie respective des parties. Le fond du modèle réside néanmoins dans le processus de négociation, pour lequel les auteurs empruntent les mécanismes de la « théorie des jeux » et associent de ce fait la négociation à l'utilité et à la valeur associée à chaque résultat possible.
Un deuxième auteur essentiel dans ses travaux sur la négociation est le Pr. Zartman, pour qui la négociation internationale peut être divisée en trois étapes : la pré-négociation, l'élaboration d'une formule d'accord et la mise en point des détails.
Enfin, car il serait trop fastidieux de faire un liste exhaustive de l'ensemble des auteurs ayant travaillé sur le sujet, nous aborderons les travaux de Christophe Dupont de 1994 , qui démontre l'existence propre à la négociation internationale de quatre caractéristiques : la multipolarité de la négociation internationale (la négociation fait intervenir de nombreux acteurs de nature et de statut différent, la négociation internationale se joue souvent entre des intermédiaires administratifs sur plusieurs niveaux) ; l'importance des facteurs culturels (les facteurs d'ordre politique ou système de valeur par exemple); la diversité considérable des contextes (la négociation internationale peut se situer à l'étranger entre interlocuteur de nationalités différentes) ; et enfin les exigences exceptionnellement élevées pour le négociateur international (la tâche du négociateur international est en effet particulièrement complexe, de part les disparités culturelles intrinsèques à la négociation internationale).
De plus, trois facteurs vont augmenter les exigences requises à une bonne négociation sur la scène internationale. Les négociations internationales révèlent les rivalités en tout genre et la concurrence mondiale qui existe dans de nombreux domaines (particulièrement le domaine économique), elles exigent du négociateur une compétence très large, et elles ont des couts et des risques élevés (l'aléatoire est toujours présent et l'inattendu est de mise dans les négociations). Il faut donc se montrer prudent et méticuleux dans le cadre d'une négociation internationale.
Parallèlement au vocabulaire politique, le vocabulaire du droit international désigne la négociation diplomatique comme étant « l'ensemble des pourparlers, communications, entretiens, tractations, secrets ou ouverts, aux fins du règlement de certaines questions en suspens entre deux ou plusieurs Etats ». Pour le Pr. Alland, « la négociation est partout » . Pour cet auteur, la diplomatie et la négociation se confondent bien souvent dans une même matérialité. La négociation ne se matérialise alors pas dans un espace temps donné mais est continue à travers l'exercice et l'entretien des relations internationales.
La deuxième notion à qualifier ici est la notion de crise. Utilisée de façon abusive par les médias, nous en userons ici à titre d'usage métaphorique pour qualifier les phases les plus aigues des relations internationales. Il s'agit des moments de tension entre les Etats, des moments d'intenses activités diplomatiques qui débouchent sur des accords conventionnels ou plus formels. L'étymologie du mot crise se trouve dans le grec « krinein », qui signifie juger, puis séparer. L'essentiel de l'étymologie se trouve alors dans la notion de décision. En effet, au coeur de n'importe quelle compréhension intelligible d'un phénomène de crise réside cette obligation de décision : « sans décision à prendre et donc sans jugement préalable, la crise n'existe pas ».
Il faut faire néanmoins une distinction entre la crise et la guerre. Ici, comme dit précédemment, la crise n'est pas la guerre mais aboutit au conflit si elle n'est pas contenue par la négociation. La guerre ne serait alors que le résultat d'une mauvaise gestion de la crise internationale. Dès lors, face à une crise internationale, il parait essentiel de la modérer, la limiter et la régler. Les acteurs de la négociation internationale peuvent alors via ces mécanismes diplomatiques s'accorder pour gagner du temps, empêcher le fait accompli, la contagion, la surenchère. Un contrôle efficace des crises a aussi pour but d'écarter la guerre comme solution de dernier recours, de ne pas entrer dans la logique de Clausewitz en matière de guerre en considérant que « la guerre n'est que la simple continuation de la politique par d'autres moyens » , de ne pas considérer que l'objectif est de dominer la volonté antagoniste. Cette finalité supérieure ou considérée comme telle au vu des conflits globalisés du 20ème siècle, serait d'allier les volontés des Etats pour maîtriser les facteurs de ruptures du système international. Contenir une crise permettrait alors non seulement de limiter ses dangers en permettant leur élimination progressive, mais aussi d'éviter l'arrivée dans le conflit de tiers dont l'objectif est de profiter d'un conflit et de son aggravation pour s'imposer comme partie délibérante et prenante à son règlement.
La maîtrise de la crise se partage entre les protagonistes. Chaque partie attendra de l'autre qu'il contienne le risque, et ce par la mesure de sa propre riposte : cette mesure exige notamment un certain contrôle et une modération des « enchères », surtout vis-à-vis de l'opinion public : l'Etat sera alors non plus uniquement contraint par sa situation extérieure, mais aussi par sa situation intérieure. Lé règlement des crises ne saurait se faire dans le désordre, la précarité ou l'incapacité des pouvoirs nationaux. La négociation diplomatique devient aussi pour les gouvernements, par la discipline qu'elle leur impose, un instrument de réduction des incertitudes internes.
Ces mécanismes sont sans nuls doutes complexes, les relations d'inter dépendances existants entre la négociation internationale d'une part et la crise internationale de l'autre rendant les liens de causalités difficiles à établir.
Dans le cas ou la diplomatie résulterait de la crise internationale et non l'inverse, quels sont les effets de celle-ci et est elle suffisante pour garantir une stabilité dans les relations internationales ?
Il s'agira ici de voir en quoi la négociation existe par la simple présence de situation de crises internationales, pour ensuite voir que la multiplication de celles-ci et leur métamorphose a des conséquences directes sur les formes que peut prendre la diplomatie, que ce soit dans la forme elle-même ou dans les acteurs de celle-ci. Dans un monde ou la facilité des communications multiplie les possibilités d'échanges et tend à effacer les frontières et les distances, et ou les organisations internationales ont un rôle croissant, c'est peut-être davantage la fonction des relations diplomatiques que leur statut juridique qui évolue.
[...] Elle permet de donner parfois de véritables directives à la société internationale en termes de régulation et de maintien de la paix. La CIJ dans son arrêt du 24 mai 1980 rappelle la cohérence du droit des relations diplomatiques et énonce que « les règles du droit diplomatique constituent un régime suffisant à lui-même ». Titre II : L'avènement d'une diplomatie non gouvernementale dans la gestion de crises en métamorphoses : Avant d'aborder l'action spécifique des nouveaux acteurs de la diplomatie internationale dans le champ du débat public et celui de la négociation internationale, il faut d'abord dresser un panorama du contexte dans lesquelles la diplomatie internationale s'inscrit aujourd'hui. [...]
[...] La maîtrise de la crise se partage entre les protagonistes. Chaque partie attendra de l'autre qu'il contienne le risque, et ce par la mesure de sa propre riposte : cette mesure exige notamment un certain contrôle et une modération des « enchères », surtout vis-à-vis de l'opinion public : l'Etat sera alors non plus uniquement contraint par sa situation extérieure, mais aussi par sa situation intérieure. Lé règlement des crises ne saurait se faire dans le désordre, la précarité ou l'incapacité des pouvoirs nationaux. [...]
[...] Nous devons à ce titre évoquer le rôle des délégations nommées auprès des organisations et ou des commissions internationales. Les Délégations permanentes assurent la liaison entre les Gouvernements des Etats membres et le secrétariat de l'Organisation. La délégation permanente est chargée d'exprimer et de défendre un Etat au sein d'une communauté diplomatique, son rôle dans les négociations est donc crucial. Dès sa création, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies s'est vu conférer un caractère directorial. C'est avec cette notion que furent créées par la suite des organisations internationales organisées comme des structures permanentes en premier lieu pour servir de cadre à la coopération internationale, puis, pour devenir, cinquante ans après, de véritables acteurs de la négociation internationale en cas de crise. [...]
[...] Les partenaires au jeu international vont avoir intérêt à sa prolongation, pas à sa dégradation. Ainsi, un changement peut être vu en ce que l'affrontement et la menace de destruction, la rupture du tissu des échanges et des communications, ne seront plus des moyens efficaces d'accroitre sa puissance. Finalement, le véhicule diplomatique classique est caractérisé par sa lenteur, sa prudence, notamment en ce qui concerne l'étude des signaux d'autrui et la modération des affrontements. La volonté de déboucher sur un apaisement nécessite la volonté de d'éviter la perte de face et de commettre des imprudences, ces dernières pouvant avoir des répercussions importantes à échelle mondiale. [...]
[...] Les Etats ne sont pas des acteurs indépendants et privilégiés du droit international. Selon les théories objectivistes qui estiment que la règle internationale existe en dehors de la volonté des Etats, le droit international est un droit extérieur et supérieur à la volonté des Etats. Grotius, dans son droit naturel de 1625, définissait les principes dictés par la nature raisonnable de l'homme comme « les principes de la raison, qui nous font connaitre qu'une action est moralement honnête ou déshonnête selon la convenance ou la disconvenance nécessaire qu'elle a avec la nature raisonnable ou sociable de l'homme ». [...]
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