Lumières sur l'évolution de la fontion de poursuite, au Maroc
Le terme « fonction » porte parfaitement deux sens complémentaires. Le Dictionnaire de vocabulaire juridique de Gérard CORNU approche suffisamment bien ces deux perceptions. D'une part, il peut désigner de manière abstraite un « service d'un but supérieur et commun » , ou plus concrètement l' « ensemble des actes d'une même sorte concourant à l'accomplissement du service » . D'autre part, le terme 'fonction' est capable de rassembler l' « ensemble des actes qu'un organe déterminé est appelé à faire pour ce service » . En d'autres termes, l'emploi du terme « fonction » est particulier en ceci qu'il permet d'indiquer à la fois, objectivement, un domaine d'action ou un service et, subjectivement, le contenu de l'intervention ou le rôle de l'autorité à laquelle ce service sera confié. En ce qui nous concerne, l'expression « fonction du ministère public » exigera donc que l'on détermine le domaine de son action, c'est-à-dire le cadre procédural de son intervention, et le contenu de cette intervention.
[...] Celui-ci consisterait, selon cette définition, à récolter les premiers renseignements nécessaires afin d'éclairer le ministère public dans l'exercice de son office. L'enquête est alors une procédure préalable et préparatoire de la poursuite. En d'autres termes, si l'enquête est indispensable à l'exercice de la fonction de poursuite, elle n'en constitue pas une partie intégrante : elle se déroule en dehors du procès pénal. Pour cette doctrine, l'enquête de police judiciaire ne serait alors pas un moment judiciaire. Cette conclusion peut sembler choquante à première vue. [...]
[...] Ce processus d'évolution n'a pas cessé depuis, et a franchi ces dernières années une étape inédite. Le recours au Code de procédure pénale n'est pas d'un grand secours dans la définition de la fonction de poursuite. Il exprime toutefois ce que la doctrine est unanime à considérer comme contenu de celle-ci : mettre l'action publique en mouvement et l'exercer. C'est en effet la définition d'origine qui explique l'apparition de l'institution et en précise la position dans l'organisation du système judiciaire pénal. [...]
[...] L'organisation de la justice makhzen n'obéissait pas aux mêmes principes fondateurs connus par la justice répressive française. A côté de la forte confusion des pouvoirs administratif et judiciaire, particulièrement caractérisée par le renforcement des compétences juridictionnelles des Pachas et Caïds[27], l'organisation des tribunaux chérifiens connaissaient un amalgame complet des différentes fonctions de la justice pénale. Entre instruction et jugement d'une part[28], puisque devant les juridictions de Pachas et de Caïds, il est procédé à l'instruction des affaires, aussi rapidement que possible, par le Pacha ou Caïd, ou leur suppléant, assisté par le commissaire du gouvernement Entre juridiction de jugement et autorité chargée de l'action publique, d'autre part, puisque les Pachas et Caïds exerçaient leurs pouvoirs répressifs sous l'autorité du commissaire du gouvernement[30]. [...]
[...] Mais l'évolution que va connaître le pouvoir de décision du ministère public à partir de la dernière décennie du vingtième siècle va révolutionner sa fonction. Faisant écho à l'apparition d'un nouveau modèle de justice, la justice reconstructive, le législateur français va organiser, particulièrement à partir de 1993, de nouveaux modes procéduriers de traitement des affaires pénales en dehors de l'application de la norme pénale de fond ou avec une application ménagée. Inspiré en ceci par des pratiques de certains parquets nationaux et des expériences étrangères, le Code de procédure pénale français fera alors place à des procédures alternatives en commençant par la médiation pénale et les classement sous conditions (1993), passant par la composition pénale (1999), jusqu'à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (2004). [...]
[...] De fait, la fonction de poursuite s'identifiait strictement au rôle du ministère public devant la juridiction saisie. Elle ne désignait pas une phase du procès ou un cadre procédural spécifique qui serait confié au ministère public. Ceci dévoile l'une des caractéristiques qui faisaient la particularité de la fonction de poursuite par rapport à celles d'instruction et de jugement. En effet, chacune de ces dernières s'assimilent d'abord à une phase de la procédure bien définie dont les rênes sont ensuite remises au commandement de l'autorité judiciaire compétente. [...]
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