Tout l'enjeu des organisations internationales est de s'affranchir de la tutelle étatique. Mais même si leur statut leur confère un certain nombre de privilèges, quasi équivalents aux États, cela semble difficile compte tenu de leur origine même. Un parfait exemple de cette ambiguïté se trouve dans l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, signé le 15 avril 1994 à Marrakech.
Cette organisation a été créée dans l'objectif d'une libéralisation du commerce des biens et des services à l'échelle mondiale. Sa vocation est bien universelle puisqu'elle compte aujourd'hui 150 États membres. Concernant le statut de l'organisation, l'article 8 de l'Accord de Marrakech, présenté ici, est révélateur du statut traditionnel d'une telle organisation, et met bien en exergue les relations ambiguës d'un point de vue juridique entre l'Etat, entité créatrice, et l'organisation. Ce statut prévoit en effet un certain nombre de « privilèges et immunités » accordés à l'organisation, ainsi que sa personnalité morale. Mais ce statut reste l'émanation d'un traité, émanant lui-même d'Etats souverains, qui entendent généralement le rester.
Ainsi, en quoi ce statut est-il révélateur de la complexité juridique des relations entre ces deux acteurs internationaux que sont l'Etat et l'organisation internationale, complexité qui se traduit par la difficile ascension des organisations internationales en tant qu'acteurs indépendants du droit international ?
[...] Les faiblesses d'un statut conventionnel C'est l'élément premier de la définition d'une organisation internationale : elle est constituée par des Etats qui s'associent par le biais d'un traité. L'article 8 de l'Accord de Marrakech qui fixe le statut de l'OMC a ainsi une valeur juridique conventionnelle. C'est un avantage incontestable du point de vue national, puisque les traités ont une valeur supérieure aux lois. Il existe de plus un vieil adage pacta sunt servanda selon lequel les Etats sont tenus de respecter les traités auxquels ils sont partie. [...]
[...] Mais ce statut reste l'émanation d'un traité, émanant lui-même d'Etats souverains, qui entendent généralement le rester. Ainsi, en quoi ce statut est-il révélateur de la complexité juridique des relations entre ces deux acteurs internationaux que sont l'Etat et l'organisation internationale, complexité qui se traduit par la difficile ascension des organisations internationales en tant qu'acteurs indépendants du droit international ? Car si ce statut met en place tous les éléments pour assurer à l'Organisation mondiale du commerce une certaine indépendance il n'en reste pas moins vrai qu'il est significatif et porteur d'une indépendance atténuée au profit de l'Etat souverain. [...]
[...] Certes les traités instituant des organisations prévoient généralement des conditions très strictes de modification ; mais cette éventualité demeure. Le statut de l'OMC dépend donc étroitement de la volonté des Etats, ce qui contrebalance quelque peu l'indépendance qu'il prévoit. La portée de cet article 8 est donc à nuancer même si en l'état actuel elle est incontestable et que son autorité s'impose, prévoyant ainsi un statut avantageux pour l'organisation, créé par les Etats et accepté par eux, du moins tant qu'il leur correspond. [...]
[...] L'existence de l'organisation internationale doit s'apprécier au regard de cette affirmation : l'Etat entend garder un certain contrôle sur sa créature Deux faiblesses se retrouvent ainsi dans le statut de l'OMC : il ne prévoit qu'une personnalité juridique fonctionnelle (A') et porte les faiblesses inhérentes à tout traité (B'). Une personnalité juridique fonctionnelle La création d'une organisation intergouvernementale répond à un objectif précis. Concernant l'OMC par exemple, la mission poursuivie est la libéralisation du commerce. Une telle organisation est ainsi régie par un principe de spécialité selon lequel ses activités ne sont reconnues qu'en tant qu'elles répondent à l'objectif fixé. Cela a des conséquences sur la personnalité juridique et le statut de l'organisation. [...]
[...] Enfin, second élément et certainement le plus important : l'organisation dispose d'une personnalité morale distincte de celle des Etats. Cela apparaît au premier alinéa de l'article 8 qui dispose : L'OMC aura la personnalité juridique et se verra accorder, par chacun de ses Membres, la capacité juridique Il faut relever ici qu'il est fait une différence entre la personnalité juridique et la capacité juridique. La première semble signifier la personnalité morale internationale alors que la seconde doit s'entendre de la capacité juridique nationale, c'est-à-dire dans chacun des Etats, puisqu'elle nécessite l'accord de chacun des Membres. [...]
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