rattachement de la responsabilité délictuelle à la lex loci delicti ; arrêt Lautour cass.civ 25 mai 1948
L'établissement de règle de conflit de lois, censées régir les faits juridiques comportant divers éléments d'extranéité, est une source continuelle de débat. C'est pour cela que l'arrêt Lautour émis le 25 mais 1948 par la chambre civile de la Cour de Cassation a marqué le droit international privé français. Son affirmation du lieu du délit comme facteur de rattachement du délit à la loi matérielle applicable est toujours d'actualité.
Les faits sont les suivants : un camion d'essence appartenant à l'entrepreneur français Lautour conduit par un employé, heurte un train en Espagne et explose. Le chauffeur d'un autre camion situé à proximité de cet accident et appartenant à une autre entreprise française est blessé dans cette explosion et décède. La veuve de la victime en son nom et celui de son enfant mineur, assigne Lautour devant les juridictions françaises en raison de sa nationalité française du défendeur conformément à l'art 15 du Code Civil et sur les fondements 1382 et 1384 du même code pour obtenir réparation............................
[...] La souveraineté donne un droit régalien sur le territoire mais aussi oblige à la protection des gens et des choses sur ce territoire. Le choix de la loi du lieu des délits est le plus pertinent en matière de responsabilité délictuelle : les conséquences d'un délit intéressent en effet en premier lieu l'Etat sur le territoire duquel il a eu lieu. Son choix était totalement adapté aux faits de l'espèce. Il s'agissait d'un accident de circulation et il peu sembler cohérent de retenir effectivement la loi du lieu de l'accident, l'Espagne. [...]
[...] La réparation forfaitaire prévue par la loi nationale n'empêche pas une action en responsabilité délictuelle si la victime ou les ayants-droits estiment le préjudice insuffisamment réparé. Deuxièmement, la loi française serait compétente puisque le lieu d'exécution de la décision serait la France. La nationalité du chauffeur et du propriétaire comme de la victime aurait aussi pu être invoquée par la demanderesse pour prétexter l'application de la loi française, comme le souligne dans son attendu la Cour de cassation. La haute juridiction rejette l'ensemble de ces arguments et indique dans le chapeau de son arrêt qu' en droit international privé la loi territoriale compétente pour régir la responsabilité civile extra-contractuelle de la personne qui a l'usage, le contrôle et la direction d'une chose, en cas de dommage causé par cette chose à un tiers, est la loi du lieu où le délit a été commis. [...]
[...] Les exemples de tempéraments au principe de compétence de la lex loci delicti sont divers. Tout d'abord les deux Conventions de La Haye de 1971 et de 1973 permettent à certaines conditions, d'écarter la compétence de la loi du lieu du délit au profit d'un autre facteur de rattachement. D'ailleurs pour des faits identiques à ceux de l'affaire Lautour, l'application de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière pourrait ne pas conduire à la désignation de la loi espagnole. [...]
[...] Par cette formule, la Cour de Cassation affirme le rattachement des délits à la loi du lieu où ils ont été commis, la lex locti delicti commissi. Cette règle de conflit de lois est très ancienne puisqu'elle date de l'Italie du Moyen–âge. Cette règle de conflit de lois souvent nommée simplement lex loci delicti, a été relativement bien acceptée (Rev crit 1949 p°89 note Batiffol ; Cass, civ Juin 1976 JDI 1977 p°91 note Audit). Encore aujourd'hui, malgré les critiques, le principe de l'application de la lex loci delicti à la responsabilité délictuelle fait consensus (en matière d'accidents notamment: cass civ mai 1999, Mobil North Sea et cass civ mars 2007, Bureau Veritas). [...]
[...] Dans les deux affaires, le dommage a t soumis au lieu de l'accident et non pas au lieu de résidence des victimes. Il reste qu'une application trop systématique de la règle lex loci delicti a été de plus en plus souvent rejetée. Déjà, le caractère fortuit du lieu du délit avait été vivement dénoncé dans l'arrêt Lautour (B. Ancel et Y. Lequette, Grands arrêts de la jurisprudence de droit international privé, commentaire de l'arrêt Lautour du 25 mai 1948, no 19, spéc. nos 3 et 4). Plusieurs assouplissements par la jurisprudence mais aussi conventionnelles se sont donc développées. [...]
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