Commentaire d'arrêt, Cour Internationale de Justice, 6 avril 1955, affaire Nottebohm, Liechtenstein, Guatemala
Arnold van Gennep définit la nationalité comme « la conscience d'une permanence autour d'un noyau d'origine ». Joseph Ernest Renan, comme « la volonté de vivre ensemble » ou « l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements ». Cette conception, reprise par la commission du droit international et la Cour Internationale de Justice impliquerait qu'en l'absence de cette « conscience », de cette « volonté » ou encore de cet « aboutissant », la validité d'une nationalité pourrait être contestée.
Il s'agit en l'espèce d'un arrêt de la Cour Internationale de Justice rendu le 6 avril 1955 dans le cadre de l'affaire Nottebohm opposant le Liechtenstein au Guatemala. La Cour Internationale de Justice est l'organe judiciaire principal des Nations Unies. Elle dispose d'attributions juridictionnelles et consultatives. En l'espèce, elle exerce ses attributions juridictionnelles. Dans ce cadre, elle est une véritable juridiction et les arrêts qu'elle rend ont une force obligatoire qui bénéficie de l'autorité de la chose jugée. Par cet arrêt la Cour Internationale de Justice introduit comme condition quant à l'opposabilité d'une nationalité, la théorie de l'effectivité. Cette théorie suppose que pour avoir plein effet d'opposabilité à l'égard des Pays tiers, une nationalité doit être basée sur des liens dits effectifs, c'est à dire des liens authentiques entre l'individu et l'État qui lui accorde sa nationalité.
[...] Si la Cour Internationale de Justice poursuit, même dans une mesure moins solennelle, l'application fidèle de cette théorie, c'est dans l'ordre juridique de l'Union européenne qu'une rupture totale sera consommée. En effet dans un arrêt de 1992, Micheletti c. Delagacion del Gobierno en Cantabria, le juge communautaire mettra fin à cette théorie au moins dans l'Union européenne. Dans les faits, l'Espagne contestait la nationalité italienne de Monsieur Micheletti. La cour dans son arrêt précise qu'un État membre de l'Union européenne n'a pas à juger de la validité de la nationalité d'un individu d'un autre État membre. [...]
[...] Ainsi la construction théorique adoptée par la Cour Internationale de justice consistant à limiter les pleins effets de la nationalité dans l'ordre interne et à distinguer les effets dits supranationaux soumis au droit international, serait effectivement une conciliation plutôt réussie. Nonobstant la préférence que montre la doctrine pour cette théorie, c'est surtout dans sa mise en œuvre qu'elle connaitrait des réticences particulièrement éloquentes. Peu de temps après Nottebohm, en 1958, la sentence arbitrale du 20 septembre 1958, dans l'« Affaire Flegenheimer entre les USA et L'Italie, a refusé d'appliquer totalement ce principe de l'effectivité. [...]
[...] En effet le juge Read s'interroge sur l'opportunité non seulement d'introduire la condition de l'effectivité, mais plus généralement de poser un principe d'opposabilité de la nationalité, au moins dans ce cas d'espèce. Il retient que Monsieur Nottebohm avait effectué les démarches au Guatemala pour faire savoir qu'il était un ressortissant liechtensteinois. Ainsi, la cour n'avait aucun droit d'évaluer la sincérité du lien de Monsieur Nottebohm avec le Liechtenstein et même en le faisant, la cour aurait dû conclure à la sincérité de ce lien. En conclusion, le juge Read estime la décision de la Cour internationale de justice mal fondée. [...]
[...] La nationalité de Monsieur Nottebohm ne se fondait notamment sur aucun lien antérieur véritable avec le Liechtenstein. Le but unique de sa naturalisation était de lui permettre d'obtenir le statut juridique de ressortissant neutre en temps de guerre. Pour ces motifs, le Liechtenstein n'avait pas qualité pour soutenir sa cause et introduire en son nom une action internationale contre le Guatemala dans le cadre de la protection diplomatique. Cet arrêt fut novateur en ce qu'il a introduit ce concept d'effectivité, or il a pour cette même raison été fortement critiqué. [...]
[...] Il parait ainsi que c'est pour cette simple raison que la Cour Internationale de Justice aurait introduit la condition d'effectivité afin de retenir l'opposabilité d'une nationalité à un État tiers. Il convient de rappeler que ce mécanisme d'opposabilité a été introduit pour trancher non pas un conflit de nationalité qui relève par définition des pouvoirs souverains de chaque État, mais seulement pour déterminer si la nationalité invoquée par l'État demandeur était opposable à l'État défendeur et cela dans un cas assez particulier de naturalisation pendant une période mouvementée. [...]
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