mariage, polygamie, reconnaissance, pension alimentaire
.1- Olof Svensson, ressortissant suédois, est marié depuis de nombreuses années avec Ambre Rose, française. Ils vivent ensemble à Paris.
Dernièrement, lassé par la monotonie de la vie de couple, il décide de donner un nouveau tournant à son existence. Il profite alors d'une tournée professionnelle dans différents pays africains. Il rencontre à Lagos, Anya, une jeune Nigériane de 16 ans qu'il épouse immédiatement. Quelques semaines plus tard, à Ndjamena, il fait la connaissance d'une Tchadienne de 18 ans qu'il décide d'épouser. Il se convertit alors à l'islam. Malheureusement, pour des raisons professionnelles, il ne peut assister au mariage et se fait représenter par un ami sur place. Il rentre ensuite en France et se désintéresse de ses épouses africaines. Ses dernières, cependant, se rappellent à son bon souvenir : elles veulent agir toutes deux en contribution aux charges du mariage. Olof, toujours chic, argue de la nullité des deux mariages.
Quelles sont leurs chances de succès ? Vous supposerez le juge français saisi et compétent.
2- Quelque temps après, Olof décède dans un tragique et surprenant accident de bowling. Anya, certes peinée, cherche à obtenir ce qu'elle considère comme lui revenant en tant que femme mariée, commune en biens. Elle contacte Ambre. Cette dernière rejette les prétentions d'Anya. Elles iront donc en justice, elles se sont néanmoins mises d'accord sur l'application du droit français pour l'ensemble de leur litige.
Olof et Ambre se sont unis sous le régime de la communauté de biens et ont choisi la loi française comme étant applicable à leur régime.
Olof et Anya se sont également unis sous le régime de la communauté et ont choisi la loi nigériane en tant que loi applicable à leur régime.
Quelles sont les chances d'Anya d'obtenir une part du patrimoine d'Olof ? Vous supposerez le juge français saisi et compétent.
[...] Or, à première vue, il convient de considérer que l'épouse légitime est celle qui a conclue un mariage monogamique c'est-à-dire celle qui s'est marié la première avec Olof. En conséquence, Anya ne pourra a priori pas récupérer une partie du patrimoine d'Olof, la totalité du patrimoine revenant à Ambre considérée comme épouse légitime. Toutefois, il faut nuancer cette approche. En effet, si la loi française régit le régime matrimonial des époux, la qualité d'épouse légitime relèvent de la loi personnelle c'est-à-dire de la loi nigériane. En effet, nous sommes ici dans un mécanisme de question préalable (arrêt Benddedouche janvier 1980). [...]
[...] Ceci est donc un indice dont il faut tenir compte. Au moment de qualifier cette institution étrangère, deux méthodes peuvent être utilisée. L'approche fonctionnelle (mis au point par Mr Batiffol) consiste à examiner l'essence de l'institution interne, son objet, ses fonctions et vérifier si elle est similaire à l'institution étrangère. Le mariage français a pour but la création d'une famille et une fonction procréative (« boire, manger, coucher ensemble, c'est mariage ce me semble » Loiysel). Le mariage polygamique tient la même fonction. [...]
[...] Il convient à ce stade d'étudier séparément les deux mariages célébrés en Afrique. 1-Le mariage d'Olof et Anya Nous nous intéressons de prime abord à la validité du mariage. Il convient donc de vérifier que les conditions de fond et de forme sont dument remplies. Les conditions de fond (selon les catégories du for) regroupent des conditions physiologiques, les conditions psychologiques et des conditions sociologiques. Dans les conditions de formes, on trouve la réalisation de formalités préalables (publication du projet de mariage, production de certaines pièces, audition éventuelle des futurs époux) ainsi que l'exigence d'une cérémonie civile et présence des deux époux. [...]
[...] En l'espèce, l'accord procédural ne concerne que le régime matrimonial. En ce qui concerne la régularité du mariage d'Anya, on applique sa loi nationale c'est-à-dire la loi nigériane. Or, comme nous l'avons constaté précédemment, le statut matrimonial d'Anya est régulier. La loi nigériane valide le mariage polygamique et reconnaît à la seconde épouse le statut d'épouse légitime. Par ailleurs, cette situation n'est pas contraire à l'ordre public international. En effet, comme nous l'avons établit précédemment, le mariage ayant été célébré à l'étranger, on fait jouer l'ordre public atténué lorsqu'il s'agit seulement de laisser acquérir des droits en France, sur le fondement d'une situation créée sans fraude à l'étranger en conformité avec la loi ayant compétence en vertu du droit international privé. [...]
[...] La fraude à la loi se constitue de trois éléments : un élément subjectif, objectif et légal. L'élément subjectif correspond à la manipulation c'est-à-dire que l'acte est intrinsèquement licite mais il est vicié par sa fin illicite, ce qui entraîne son inefficacité. En l'espèce, Olof s'est converti à l'Islam juste avant la célébration de son mariage qu'il avait déjà prévu de célébrer. Ainsi, même s'il est difficile d'évaluer l'intention d'Olof en raison de l'inviolabilité des consciences, la façon dont se sont déroulés les évènements nous laisse penser qu'Olof a manœuvré pour favoriser son projet. [...]
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