Opposabilité de la doctrine fiscale, moralité fiscale, bienveillante du contribuable, livre des procédures fiscales, sécurité juridique
Si l'existence de la doctrine administrative a des racines aussi lointaines que l'administration elle-même, la reconnaissance de son opposabilité est une histoire plus mouvementée.
Le pouvoir général d'application de la loi dont est titulaire l'administration se double d'un pouvoir d'interprétation des textes qu'elle est chargée d'appliquer.
[...] Considérant la complexité du droit fiscal, ces textes formant la doctrine fiscale, essentiellement des instructions et des circulaires, ne pouvaient être que les bienvenus. En effet c'est la trop grande technicité des lois fiscales poussa nécessairement le législateur à déléguer au pouvoir réglementaire, afin de préciser les dispositions trop générales de celles-ci. S'en est suivie une profusion importante des mesures d'ordre intérieur formant la doctrine fiscale. Mais celles-ci étant dépourvues de valeur juridique, l'administration y trouvait une (trop) grande liberté pour imposer son interprétation de la loi fiscale, soit sa doctrine administrative. Il fallait alors redouter les revirements avec un effet rétroactif. [...]
[...] L'opposabilité de la doctrine fiscale peut ainsi se définir comme un droit, un moyen de défense par lequel son titulaire peut faire valoir l'interprétation de textes fiscaux contre un tiers. L'illustration la plus éclatante de l'opposabilité envers et contre l'administration de sa propre doctrine est fournie par la garantie des contribuables contre les changements de doctrine de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales (LPF). Cette garantie, qui constitue une singularité du seul droit fiscal depuis plus d'un demi-siècle, permet de mesurer l'intérêt du sujet en la matière. [...]
[...] Plusieurs conséquences en découlent. D'abord la garantie de l'article L 80 A doit avoir un caractère subsidiaire: la situation du contribuable devra toujours être examinée au regard de la loi fiscale en priorité. Aussi ne doit-elle pas faire l'objet d'une interprétation, mais être appliquée à la lettre arrêt Bertoni du 20 octobre 2000). Ce principe d'interprétation littérale n'empêche cependant pas le juge de rechercher si le sens d'une instruction peut être éclairé par le contexte (CE octobre 1995). En effet, la doctrine administrative étant dénuée de valeur juridique, le juge ne saurait s'aventurer à interpréter le non-droit, à interpréter l'interprétation administrative. [...]
[...] Le principe de légalité affecté par une «anomalie juridique». Si une partie de la doctrine ne conteste pas l'éventuel atteinte du principe de légalité devant l'impôt au motif que le contribuable s'étant conformé à l'interprétation administrative favorable mais illégale est finalement mieux traité que le contribuable ayant tout bonnement appliqué la loi, presque tous, en revanche, s'accordent sur la méconnaissance du principe de légalité, que provoque le droit d'opposer la doctrine fiscale à l'administration. Le phénomène d'interprétation neutralise l'application normale de la loi. [...]
[...] Le texte L 80 A s'applique tout d'abord à la matière fiscale sans distinction en fonction du caractère administratif ou judiciaire du contentieux (le principe d'opposabilité de la doctrine fiscale s'applique également face à l'administration des douanes par exemple). La garantie s'applique aux contributions constituant la CSG (cotisation sociale généralisée) et la CRDS (cotisation au remboursement de la dette sociale).Toutefois elle ne concerne pas les taxes parafiscales (CE 29 juillet 1980). S'agissant des modalités d'expression de la doctrine administrative, celles-ci sont très variées. Les contribuables peuvent se prévaloir de la doctrine exprimée dans des documents de portée générale tels que des instructions et circulaires publiées, notamment au Bulletin officiel. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture