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Bien qu'ayant perdue une partie de sa pertinence avec l'entrée en vigueur du bouclier fiscal et depuis la récente question prioritaire de constitutionnalité du 29 septembre dernier sur le sujet, la question de savoir si l'ISF est un « impôt prélevé sur le capital ou mesuré d'après le capital » (L. Ayrault) n'en conserve pas moins un grand intérêt. En témoigne le nombre de fois où la Cour de cassation est saisie par des contribuables estimant excessif le prélèvement opéré par l'ISF de leurs revenus, comme c'était le cas dans cet arrêt de la com. de la CC « Paillaud » du 7 octobre 2009.
Les faits de l'espèce étaient assez simples : M. et Mme Paillaud possédaient un patrimoine évalué à près de 80 millions d'€ en 2002 et 60 millions en 2003 et 2004. Assujettis à l'ISF, ils avaient dû payer un I à ce titre pour les années considérées d'un montant respectif d'à peu près deux fois 700 000 puis 500 000€. Ils soutenaient que ces sommes étaient très largement supérieures à leurs revenus de, toujours pour les mêmes périodes, à peu près 178 000, 135 000 et 101 000€. Afin d'obtenir le dégrèvement des sommes acquittées, ils avaient saisi le TGI de Nanterre puis la CA de Versailles. Voyant toutes leurs demandes rejetées, ils se pourvoyaient dc devant la com. de la CC.
M. invoquait 4 arguments dans son moyen. La Cour de cassation n'ayant néanmoins pas pris position dessus et se contenant d'un contrôle de l'examen des faits opéré par les juges du fond, nous nous contenterons de les résumer brièvement à ce stade pour les examiner un peu plus en détail dans les développements suivants. Ainsi, selon les requérants, le système dit du « plafonnement du plafonnement » prévu par l'article 885 V bis du Code général des impôts, instaurait une charge exorbitante pour les contribuables et confiscatoire au regard de leurs facultés contributives, contraire au droit au respect des biens des personnes physiques et morales, peu important qu'il n'ait pas été déclaré contraire à la Constitution de 1958 et aux articles 13 et 17 de la Déclaration de 1789. Autrement dit, en raison du « plafonnement du plafonnement », l'ISF devait être vu comme confiscatoire dès lors que l'impôt payé était très supérieur aux revenus dont était censé disposer le contribuable.
Le problème de droit posé à la Cour de cassation consistait par conséquent à se demander si le caractère confiscatoire de l'ISF pouvait être retenu dans le cas où le contribuable devait payer un impôt très supérieur à ses revenus, mais, dans les faits, s'était mis en situation de ne pas en percevoir certains - semble-t-il - de par sa seule volonté.
[...] Selon lui, l'ISF ne tenait pas compte de ses revenus « réels », càd ceux susceptibles de permettre, seuls, l'acquittement de l'impôt. En l'espèce, le caractère confiscatoire de l'ISF était donc parfaitement établi dès lors que l'acquittement de la dette d'impôt ne pouvait être satisfait par le seul recours à ces revenus « réels ». Il est vrai que, dans sa structure générale et malgré les différents aménagements qui lui ont été apportés, l'ISF français n'est pas sans receler des risques de confiscation, et ce malgré le mécanisme de plafonnement mis en place. [...]
[...] C'est en ce sens que le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 15 juin 2001, a jugé que l'imposition des sommes mises à la disposition d'un contribuable ne saurait être regardée comme portant par elle-même atteinte au respect des biens au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme. La Cour de cassation retient donc une appréciation large de la notion de revenu disponible, qu'elle entend comme le « revenu potentiel ». Cette position n'est pas réellement surprenante, la Cour de cassation ayant déjà statué à 2 reprises sur cette question, adoptant à chaque fois une conception restrictive du caractère confiscatoire. [...]
[...] Comme nous venons de le montrer, l'argumentation, si elle pourrait à première vue relever du bon sens, à savoir lutter contre une évasion fiscale ressortissant tout de même clairement des faits, ne tient pas sur un plan juridique, notamment en droit des sociétés. La Haute juridiction n'admet tout simplement pas que les contribuables puissent arguer du fait qu'ils sont dans l'impossibilité de payer leur impôt alors que les revenus existent mais qu'ils sont bloqués. Au final, difficile de ne pas éprouver une légère gêne face à une telle solution. [...]
[...] Cela n'a toutefois pas empêché le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 98-405 DC du 9 décembre 1998, de considérer « qu'en raison de son taux et de son caractère annuel, l'ISF est appelé normalement à être acquitté sur les revenus des biens imposables ». Ainsi, il a pu être noté par certains auteurs une « inconstitutionnalité potentielle » (Th. Jany, « Réflexions sur la constitutionnalité de l'ISF ») de l'ISF dans la mesure où il créait dans certaines circonstances une charge fiscale sans rapport avec les revenus du contribuable. [...]
[...] Ce sont plus ces revenus potentiels invoqués par la Cour de cassation et considérés par elle comme des revenus disponibles qui posaient question en l'espèce. II – L'appréciation in concreto contestable des facultés contributives du contribuable. Dans cette appréciation, la Cour, reprenant les faits relevés par les juges du fond, procède à une vérification discutable des difficultés matérielles qu'avait le requérant pour acquitter son impôt Ceci est illustré de manière topique par le cas des dividendes en l'espèce, dont l'absence dans le revenu imposable du contribuable serait provoquée et non subie A – La vérification discutable de réelle difficulté matérielle d'acquitter l'impôt. [...]
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