Conseil etat société zimmer ltd 2010 établissement stable modèle OCDE contrat commissionnaire
Liée à la question de la présence d'un établissement stable en cas de commercialisation de produits dans un Etat par l'intermédiaire d'un commissionnaire, la véritable nature, d'un point de vue fiscal, du contrat de commissionnaire, nourrit la doctrine et la jurisprudence de nombreux débats depuis plusieurs années. L'arrêt du Conseil d'État du 31 mars 2010 « Sté Zimmer Ltd » semble marquer l'épilogue de cette période.
La société britannique Zimmer Limited a conclu le 27 mars 1995 avec l'entreprise qui était autrefois son distributeur en France, la société Zimmer SAS, un contrat de commission. Aux termes dudit contrat, cette dernière était chargée de vendre en France ses produits, en son propre nom, mais pour le compte et aux risques de son commettant. Les deux sociétés ont fait l'objet de vérifications de comptabilité à l'issue desquelles l'administration a estimé que la société britannique disposait en France d'un établissement stable via la société Zimmer SAS. Elle a dès lors mis à la charge de la société Zimmer Limited des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités (la question de la taxe professionnelle ne sera pas abordée ici).
Le Tribunal administratif de Melun a confirmé cette analyse s'agissant de l'IS et de la contribution sur l'IS. Par deux arrêts du 2 février et du 25 mai 2007, la Cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement rejetant la demande de décharge des impositions sur les sociétés formée par la société Zimmer Limited, qui se pourvoyait par conséquent en cassation.
La question de droit posée au Conseil d'Etat pouvait dès lors se résumer en des termes relativement simples : un commissionnaire pouvait-il être qualifié d'établissement stable au sens des conventions fiscales ?
[...] Le Conseil d'État censure donc pour erreur de droit l'analyse de la cour administrative d'appel cette recherche. Pour retenir sa solution, la Cour administrative d'appel s'était clairement située dans le prolongement de la solution rendue par le Conseil d'Etat dans sa décision « Interhome » du 20 juin 2003. La principale problématique de notre arrêt est donc son articulation avec ce précédent. Ainsi, s'il s'inscrit suit des préceptes classiques quant à l'interprétation des conventions fiscales l'arrêt Zimmer s'en écarte en revanche en procédant à une analyse purement juridique du contrat de commissionnaire I – Une approche purement juridique novatrice du contrat de commissionnaire. [...]
[...] Posé dans la célèbre affaire Schneider Electric, il consiste, en cas de contestation portant sur l'application d'une convention fiscale, à examiner le bien-fondé de l'imposition au regard du droit interne, puis, le cas échéant, à déterminer si la convention invoquée par le contribuable fait obstacle à l'imposition. Dans la décision Interhome, le Conseil d'Etat s'était directement placé sur le terrain de la convention fiscale. Ce raisonnement s'expliquait en réalité par la rédaction de l'article 209 I du CGI, puisque tout établissement stable au sens conventionnel est imposable en France. [...]
[...] Puis, par une décision 12 mars 2010 « Sté Imagin'Action Luxembourg », il avait ré-adopté un raisonnement raccourci. Notre arrêt Zimmer semble venir confirmer que les deux raisonnements sont juridiquement valables puisqu'est repris en l'espèce le « raisonnement raccourci » de l'arrêt Interhome. Dans la décision Overseas, le Conseil d'Etat avait relevé qu'il n'était pas contesté que la société « n'exploite aucune entreprise en France au sens du I de l'article 209 du CGI » et ne s'était pas prononcé sur l'éventualité de baser l'imposition sur l'attribution à la France par la convention fiscale du droit d'imposer les bénéfices d'un établissement stable qu'après cette première étape d'un raisonnement en deux temps. [...]
[...] On peut conclure en signalant qu'à défaut de suivre régulièrement les vicissitudes d'une jurisprudence devenant de plus en plus pointue, comme l'illustre le dernier paragraphe de ce commentaire, les contribuables rongés par le doute ont la faculté de formuler auprès de l'administration fiscale une demande de rescrit spécifique « établissement stable » (LPF, art. L 6o) afin d'assurer la sécurité juridique de leurs opérations. [...]
[...] Cette analyse est écartée: le pouvoir d'engagement procède du droit. Le Conseil d'Etat, comme le démontre les conclusions du rapporteur public, s'appuie non seulement sur des principes classiques du droit français mais aussi sur le modèle OCDE, dont il expliqué notamment que les commentaires ne visent pas les commissionnaires mais les agents opaques dans les systèmes de common law. Après avoir écarté cette approche économique, le rapporteur public retient d'ailleurs logiquement une lecture juridique stricte du contrat de commissionnaire. En outre, si les faits pouvaient permettre de démontrer une qualification d'établissement stable, cela ne pouvait se faire qu'au moment d'appréhender la question de la dépendance économique de l'agent ; or la question n'était pas débattue ici. [...]
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