Commentaire d'arrêt, arrêt de Section, Conseil d'Etat, 27 septembre 2006, abus de droit, fraude à la loi, article L-64 du Livre des Procédures Fiscales
L'abus de droit est l'une des notions qui permet au droit fiscal de réprimer certains comportements fautifs des contribuables. L'arrêt de Section du Conseil d'Etat en date du 27 septembre 2006 fait apparaitre la notion de « fraude à la loi » en droit fiscal pourtant mieux connue des civilistes et des publicistes.
En l'espèce, une société avait acquis les titres de plusieurs sociétés et quelques jours après l'acquisition de ces titres, la société percevait des dividendes et revendait ensuite les titres en faisant ressortir des moins-values pour un montant égal à celui des dividendes encaissés hors avoir fiscal. Avant une réforme de 2004 qui entra en vigueur en 2005, la législation française permettait que des sociétés percevant des dividendes puissent bénéficier d'un avoir fiscal dans le but d'éviter le mécanisme de la double imposition. La société a donc perçu un avoir fiscal qu'elle a utilisé pour s'acquitter de l'impôt sur les sociétés. L'administration s'est méfiée de cette utilisation et a estimé que les opérations d'achat et de revente des titres étaient uniquement motivées par l'obtention d'un avoir fiscal. L'administration juge en conséquence qu'il y a eu abus de droit et réclame des impositions supplémentaires à ce titre en se prévalant de l'article L-64 du Livre des Procédures Fiscales (LPF). La société qui entend contester ces impositions supplémentaires assigne le directeur général des impôts devant le tribunal administratif. Cependant, ni le tribunal administratif, ni les juges d'appel ne font droit à la demande de décharge des impositions supplémentaires et jugent qu'il existe bien un abus de droit. La société forme donc un pourvoi devant le Conseil d'Etat en évoquant le fait que l'utilisation d'un avoir fiscal n'entre pas dans le champ de l'article L-64 du LPF.
[...] L'administration juge en conséquence qu'il y a eu abus de droit et réclame des impositions supplémentaires à ce titre en se prévalant de l'article L-64 du Livre des Procédures Fiscales (LPF). La société qui entend contester ces impositions supplémentaires assigne le directeur général des impôts devant le tribunal administratif. Cependant, ni le tribunal administratif, ni les juges d'appel ne font droit à la demande de décharge des impositions supplémentaires et jugent qu'il existe bien un abus de droit. La société forme donc un pourvoi devant le Conseil d'Etat en évoquant le fait que l'utilisation d'un avoir fiscal n'entre pas dans le champ de l'article L-64 du LPF. [...]
[...] Il s'ensuit que la Haute Juridiction fait apparaitre une nouvelle notion, celle de fraude à la loi en matière fiscale Au terme de ce considérant de principe très pédagogique, le Conseil d'Etat fixe également le domaine d'application de cette nouvelle notion (II). I – L'apparition de la notion de fraude à la loi en matière fiscale La Section du contentieux a ressenti le besoin de recourir la notion de fraude à la loi en raison des limites de la notion d'abus de droit Néanmoins, cette notion de fraude à la loi est quasi similaire à celle de l'abus de droit Les limites de la notion de l'abus de droit La nouvelle marge de manœuvre octroyée à l'administration fiscale à savoir « qu'il appartient à l'administration lorsque se révèle une fraude commise [ ] d'y faire échec même lorsque cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé » procède en réalité du champ restreint de la définition de l'abus de droit. [...]
[...] Par ailleurs, à la lecture du considérant de principe, on a du mal à savoir de quelle manière l'administration fiscale sera en mesure d'établir que le sens d'une opération allait à l'encontre de l'objectif poursuivi par l'auteur du texte permettant de tirer un avantage. Au regard de la jurisprudence ultérieure (CE septembre 2009 Min. SA AXA, on s'aperçoit que le juge fait référence aux travaux préparatoires d'une loi. Reste qu'il se peut l'objectif n'apparaisse pas clairement dans les travaux préparatoires de l'élaboration d'un texte. [...]
[...] Cependant, la Haute Juridiction administrative créé une théorie de fraude à la loi fiscale mais elle ne l'applique pas à l'espèce en jugeant que le ministre ne l'avait guère invoqué. La fraude à la loi apparait alors comme ce que l'on appelle en common law, « un obiter dictum » car la règle nouvellement créée n'est pas appliquée au litige soumis à la Section du contentieux. On a d'ailleurs du mal à comprendre comment le ministre aurait pu invoquer un principe qu'il ne pouvait connaître avant la publication de cet arrêt. [...]
[...] La forte proximité avec la notion de l'abus de droit se traduit avant tout dans la présence d'un acte fictif. Toutefois, au jour de l'arrêt, une distinction pouvait s'opérer avec l'autre possibilité offerte à l'administration fiscale à savoir sanctionner le détournement d'un texte législatif ou réglementaire afin de diminuer la charge fiscale. La différence reposait essentiellement en ce que dans le cadre d'une qualification en abus de droit, l'administration était apte à rechercher l'objet véritable d'un acte ou d'une convention qui pouvait être simulé avec le pouvoir de les rendre inopposables. [...]
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