Commentaire d'arrêt, Cour de cassation, Conseil d'Etat, 16 octobre 2009, amortissement des incorporels
Le contribuable connaît en droit fiscal une certaine liberté de gestion de son entreprise. Ces choix de gestion peuvent prendre la forme d'options prévues par la législation fiscale. Tout d'abord, le contribuable peut choisir la voie la moins imposée. De plus, il peut prendre des décisions qui seront formalisées dans la comptabilité. Leur choix est alors exprimé dans les écritures comptables.
[...] L'amortissement des incorporels répond à des conditions strictes. Cette question est importante car la réintégration des redevances entraîne une augmentation de l'actif et donc de l'assiette de l'impôt. Les conséquences financières peuvent être importantes pour les entreprises. Par ailleurs, l'amortissement n'est pas toujours automatique. Si, en l'espèce, à défaut d'une immobilisation, les redevances restent des charges déductibles, ce n'est pas toujours le cas. En effet, Yann de Kergos rappelle dans son commentaire que, « s'agissant de redevances de licence, leur traitement fiscal pour le concessionnaire, s'il est réputé correspondre à une immobilisation de ces charges, peut entraîner des conséquences particulièrement négatives s'agissant de licences sur actifs non amortissables (telles les marques) ». [...]
[...] Le Conseil d'Etat rappelle ici les trois conditions nécessaires et cumulatives qui entraînent l'immobilisation du droit. Celui-ci n'est dès lors plus considéré comme déductible du résultat brut puisqu'il correspond à une augmentation de l'actif. En effet, pour dire qu'une charge est déductible, celle-ci ne doit pas correspondre à l'acquisition d'un élément d'actif. L'activation d'un droit est exclusive de sa déductibilité. Certaines décisions jurisprudentielles ont nuancé les conditions posées par l'arrêt SA Sife. Ainsi, un arrêt du Conseil d'Etat de 2003, SA Trinôme, s'agissant d'un engagement de non concurrence, illustre l'inadaptation des critères. [...]
[...] Par ailleurs, dans un arrêt du Conseil d'Etat, SA Domaine Clarence Dillon, la condition de cessibilité a même été écartée. Si, dans notre espèce, le Conseil d'Etat rappelle les trois conditions d'immobilisation d'un droit, il vient par la suite en préciser la portée par une application rigoureuse. Ainsi l'activation des droits incorporels n'a pas été assouplie par cette jurisprudence. B. Le rejet de la qualification d'immobilisation Le Conseil d'Etat rejette le raisonnement de la cour administrative d'appel qui applique de manière peu rigoureuse les conditions de l'arrêt SA Sife pour reconnaître le caractère d'immobilisation aux redevances. [...]
[...] La protection des entreprises contre l'administration Il va dans l'intérêt de l'administration de procéder à des immobilisations et, par suite, aux réintégrations des sommes dans l'exercice d'une entreprise. L'augmentation de l'actif permet une augmentation de l'assiette de l'impôt. Le Conseil d'Etat vient donc poser des limites à l'administration. Les entreprises voient leur sécurité juridique s'accroître. En effet, l'immobilisation des droits incorporels prend un caractère exceptionnel par l'application rigoureuse de la jurisprudence SA Sife par le Conseil d'Etat. Il s'agit dès lors d'une plus grande sécurité juridique dans la gestion fiscale des entreprises et plus précisément des licences de droits incorporels. [...]
[...] L'arrêt Société Pfizer Holding France, rendu par le Conseil d'Etat, en date du 16 octobre 2009, illustre les enjeux de ces qualifications de charges déductibles ou d'éléments d'actif amortissables. L'administration verra plus souvent des immobilisations là où la société préfèrera déduire des charges d'exploitation. Par un contrat conclu pour une durée indéterminée, une société mère consent à une SA, sa société fille, une sous-licence exclusive pour la fabrication et la commercialisation de certains produits. La SA inscrit alors les redevances acquittées en exécution du contrat à la société mère en charges d'exploitation. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture