Commentaire d'arrêt, Cour de cassation, chambre Commmerciale, 23 octobre 2007, Société Bongrain, cession isolée d'une marque, paiement des droits d'enregistrements
La cession isolée d'une marque ne permet pas toujours d'éviter le paiement des droits proportionnels d'enregistrements de l'article 719 du Code général des impôts (CGI). L'arrêt de rejet de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 23 octobre 2007 en témoigne.
En l'espèce, une société cède à une société anonyme (SA) les droits de possession industrielle afférents à la fabrication et à la marque d'un fromage. Ces cessions ont été soumises à l'enregistrement au droit fixe de l'article 731 du CGI. Concomitamment, la même société cède à une société par actions simplifiée (SAS), la clientèle, le matériel et les objets mobiliers servant à l'exploitation de la marque cédée à la SA. Cette deuxième cession est soumise aux droits d'enregistrement prévus à l'article 719 du CGI. Cependant, l'administration fiscale estime que la première cession devait également être soumise aux droits proportionnels d'enregistrement de l'article 719 du CGI car selon elle, il n'y a pas eu de cession isolée mais une mutation occulte de l'universalité du fonds afin que le montant de l'impôt à payer soit moins élevé (en raison du caractère proportionnel des droits d'enregistrement de l'article 719). C'est la raison pour laquelle, elle notifie un redressement à la société cédante.
[...] Le raisonnement est le même que pour la cession de la marque puisque la cession isolée des droits de propriété industrielle ne saurait trouver une justification valable si la société cédante cesse son activité. D'un côté, on serait en présence d'un fonds de commerce venant d'être cédé et privé des droits permettant d'exploiter ce fonds et de l'autre, on serait en présence d'une société qui aurait acquis des droits de propriété industrielle sans avoir les autres éléments du fonds permettant d'en tirer profit. [...]
[...] infra) tout en limitant la portée cet arrêt aux cessions isolées où un seul cessionnaire serait présent. On pourrait être tenté de voir ici une présomption irréfragable de montage artificiel posée par la Chambre commerciale dans le but d'échapper à l'application de l'article 719 du CGI lorsque la cession isolée d'une marque soumise à l'application de l'article 732 du CGI a lieu en même temps que la cession du fonds de commerce. Cette présomption répondrait alors au moyen du requérant puisque la présence d'un texte interdisant ce type de pratiques n'est pas nécessaire. [...]
[...] Dès lors, les juges du droit devaient s'interroger sur la réalité du caractère isolé de la cession de la marque ou autrement dit, dans quelle mesure la cession d'une marque qui n'inclut pas les autres éléments du fonds de commerce est-elle soumise aux droits proportionnels d'enregistrement de l'article 719 du CGI ? La Haute juridiction rejette le pourvoi en jugeant que « lorsque la marque est cédée dans le même temps que le fonds qui l'exploite, elle constitue un élément du fonds de commerce et supporte, avec l'ensemble des autres éléments, le droit de mutation applicables aux cessions de fonds de commerce et qu'il en est de même pour la cession des droits de propriété industrielle, dès lors qu'ils sont cédés en même temps que tout ou partie du fonds de commerce dont ils dépendent [ ] qu'à raison de son exploitation antérieure, la marque bénéficiait d'une renommée et d'une notoriété certaines et, de ce fait, d'une clientèle propre qui lui était attachée de sorte que sa cession [ ]devait être soumise au droit de mutation de l'article 719 du CGI, peu important que la mutation du fonds ait été opérée par deux cédants au bénéfice de deux acquéreurs ». [...]
[...] L'admission de l'application de l'article 732 du CGI pour la société cessionnaire de la marque aurait permis toute sorte de manœuvres frauduleuses notamment dans les groupes de sociétés. Il aurait suffi de solliciter le cédant en lui demandant de céder la marque à une société du groupe et les autres éléments du fonds de commerce à une autre entité du groupe afin d'éluder l'application de l'article 719 du CGI moins favorable que le droit fixe prévu à l'article 732 du CGI. [...]
[...] En revanche, la cession d'une marque isolée ne saurait avoir un sens si la société cesse son activité et cède son fonds dans un autre acte. En effet, puisque la société cède son activité, rien ne justifie que la cession ait lieu par deux opérations indépendantes même si aucun texte n'interdit une telle pratique comme l'a pu le soutenir la société qui a formé le pourvoi. En l'espèce, deux sociétés étaient cessionnaires (l'une de la marque, l'autre du fonds de commerce) afin de ne pas éveiller les soupçons de l'administration fiscale quant à l'absence d'intérêt pour la société cédante d'opérer un tel montage hormis le fait d'échapper au régime de l'article 719 du CGI. [...]
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