Commentaire d'arrêt, CEDH, 21 février 2008, France, visite domiciliaire, Livre des procédures fiscales
Le modèle français se distingue par son caractère propriétariste : le droit de propriété est inaliénable et ne peut être violé que sous des conditions particulièrement restrictives. Souvent associé au droit à la préservation de la vie privée, il constitue un obstacle à de nombreuses procédures judiciaires ou administratives comme le démontre un arrêt rendu par la Convention européenne des Droits de l'Homme le 21 février 2008 dans lequel la Cour de Strasbourg va sanctionner la France pour la violation de la Convention en matière de visite domiciliaire.
En l'espèce, une personne physique et deux sociétés ont fait l'objet d'une visite domiciliaire autorisée par le Président du TGI sur le fondement de l'article L 16 B du livre de procédures fiscales. Les intéressés avaient formé un pourvoi en cassation contre l'ordonnance d'autorisation. Il s'agit ici d'un litige visant exclusivement à clarifier un point de droit puisque l'administration fiscale avait adressé aux deux demandeurs un avis d'absence de redressement. En dépit de l'absence de sanctions pécuniaires, ils saisissent la Cour de Strasbourg.
[...] Toutefois, si cette réforme semble renforcer la primauté du droit externe, il faut que celle ci soit appliquée avec diligence par les juges qui devront apprécier objectivement si les documents apportés par l'administration justifient qu'une perquisition fiscale soit autorisée. Il en va de la protection des droits individuels des justiciables garantis par la Convention. Ce point étant essentiel dans la mesure où c'est cette décision qui va déclencher une procédure nécessairement intrusive donc, qui doit fondamentalement être contrôlée avec précaution par les juridiction compétentes. [...]
[...] Toutefois, un tel recours n'est pas, selon la Cour, une voie de recours effective aux fins du contrôle de régularité, e droit et en fait, des ordonnances Les juges mettent le doigt sur une incohérence criante : dès lors qu'un tel recours devant la Cour de cassation, juge du droit, ne permet pas un examen des éléments de fait fondant les autorisations comment imaginer que l'article L 16 B respecte les exigences l'article 6 (surtout quand on connaît la faciliter avec laquelle l'administration se voit délivrer des telles autorisations). C'est donc à juste titre que les juges considèrent que la possibilité de se pourvoir en cassation ne répond pas aux exigences consacrées par la Convention. [...]
[...] II L'affirmation de la primauté de la CESDH sur le droit interne au profit des justiciables Si L'intervention du juge de Strasbourg est légitime c'est principalement parce qu'elle tend à rétablir un équilibre entre le justiciable et l'administration qui c'était anormalement effrité au fil du temps en raison du laxisme du législateur et du juge interne Cette décision est remarquable par sa portée puisqu'elle témoigne d'une primauté accrue du droit communautaire sur le droit interne qui conduira le législateur à légiférer incessamment après la décision rendue par les juges A Un point d'arrêt au laxisme du législateur et du juge interne Une fois l'atteinte à au respect au droit de propriété avéré, il faut s'intéresser plus amplement au problème auquel était confronté les requérants : un impossible accès au juge consacré à l'article 6 de la Convention et qui se doit d'être concret et effectif. Ce point essentiel faisait défaut en l'espèce. A noter que les juges ne considèrent pas que la possibilité pour le justiciable d'engager une action à l'encontre de l'agent judiciaire du Trésor pour rupture du principe de légalité devant les charges publiques ou de saisir le juge judicaire sur le fondement de l'article 9 du Code civil constitue un accès au juge comment consacré par l'article suscité. [...]
[...] L'ouverture de ces voies de recours sera désormais mentionnée explicitement dans la copie des originaux du procès verbal de visite ainsi que sur l'inventaire de saisie. Le législateur a porté un intérêt particulier à ce que soit assuré un recours effectif notamment en rendant possible un appel contre la décision d'autorisation même si celle-ci fait l'objet d'un pourvoi en cassation ayant donné lieu à une décision de rejet d'une part et un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie d'autre part. [...]
[...] Cette facilité avec laquelle l'administration peut procéder à une perquisition fiscale conduit légitimement à s'interroger sur les recours offerts au justiciable concerné par cette procédure. En effet, il faut luter contre toute sorte d'abus, or, sans un accès au juge, l'administration peut aisément porter atteinte au droit à la propriété consacré aussi bien par le droit interne qu'externe. Il faut avoir à l'esprit qu'une telle démarche n'a rien d'une visite de courtoisie, mais n'a pour seule finalité que de rechercher les preuves permettant de faire apparaître que les agissement du justiciables pourront donner lieu à des sanctions fiscales (voire pénales). [...]
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