Commentaire d'arrêt, Assemblée plénière, Conseil d'État, 9 mai 2012, bénéfice du crédit d'impôt
Xavier Domino, maitre des requêtes au Conseil d'État, souligne qu'il y a « en principe, une sorte de prévisible imprévisibilité de l'impôt, qui interdit qu'en cours d'exercice, les contribuables puissent former de légitimes espérances ». Dans un arrêt rendu, le 9 mai 2012, sans contredire le principe suscité, le Conseil d'État réuni en formation plénière va limiter le pouvoir d'immixtion du législateur en le sanctionnant au nom du respect de la parole donnée.
En l'espèce, le 30 décembre 1997, l'article 81 de la loi de finance institue un dispositif qui, visant à favoriser la création d'emploi, exonérer les entreprises de 10 % de l'impôt sur les sociétés entre 1998 et 2000. Toutefois, l'article 21 de la loi de finances du 30 décembre 1999 supprime le bénéfice de ce crédit d'impôt pour les créations d'emplois intervenues au cours de l'année 1999 et prive donc les entreprises de la réduction d'impôt espérée.
C'est sur ce fondement que l'administration fiscale refuse à une société le bénéfice du crédit d'impôt.
[...] Bien qu'importante, la décision rendue en l'espèce n'est donc pas novatrice mais s'inscrit dans un cheminement jurisprudentiel bien établi. Toutefois, si la notion n'est pas nouvelle, le contexte de l'espèce mérite une attention particulière. En effet, il ne faut pas voir dans cette décision un revirement de jurisprudence invitant à sanctionner systématiquement la rétroactivité de fait (cette notion sera étudiée par la suite) mais uniquement à sanctionner le législateur dans des conditions spécifiques de mise en œuvre d'un dispositif voté pour une durée déterminée. [...]
[...] Si ce point n'est pas fondamental dans l'affaire opposant l'admiration avec la société requérante, il pose toutefois une question essentielle concernant le rôle du législateur dans une de ses fonctions les plus régaliennes qui soit : la levée de l'impôt. Par quelle légitimité la Convention sanctionne t elle une action du législateur concernant la procédure fiscale ? D'autant plus que, pour en arriver à la décision rendue en l'espèce, les juges ont du escamoter une construction visant à faire du crédit d'impôt un bien afin d'opposer à l'administration la Convention. [...]
[...] C'est sur ce fondement que l'administration fiscale refuse à une société le bénéfice du crédit d'impôt. Cette dernière, qui avait créé trente emplois lors de l'année, assigne l'administration fiscale afin de profiter du dispositif et d'être déchargée de la majoration pour retard à laquelle elle a été assujettie. En première instance, le TA de Strasbourg rejette la demande de l'entreprise c'est pourquoi la requérante interjette appel de cette décision devant la Cour d'appel de Nancy qui fait droit à sa demande au motif que le dispositif avait créé une espérance légitime de bénéficier de la mesure d'exonération de l'impôt sur les sociétés et qu'il avait été supprimé sans que l'entreprise puisse adapter son comportement à la suppression. [...]
[...] Enfin, concernant le présumé effet d'aubaine dont auraient profité les entreprises, la Cour d'appel considère qu'il n'est pas pertinent. Au regard de ces motifs, le ministre du Budget forme un pourvoi en cassation afin que soit censurée la Cour d'appel et que l'entreprise ne puisse profiter du crédit d'impôt. Pour répondre à ce litige, la Cour de cassation se réunit en plénière fiscale ce qui atteste de la technicité et l'importance théorique des questions auxquelles les juges doivent répondre. Le remboursement d'un crédit d'impôt doit-il être considéré comme un bien au sens de 1P1 ? [...]
[...] Ainsi les entreprises avaient l'espérance légitime de profiter du crédit d'impôt durant trois années. Ce dispositif incitatif avait prévu de solder les crédits et les débits d'impôt en résultant sur l'ensemble de la période de trois ans et non au terme de chaque année. Dès lors, en votant la loi du 30 décembre 1999 en supprimant le dispositif pour l'exercice écoulé, le législateur met un terme prématuré à la durée du dispositif. Théoriquement ce type de loi conduit à justifier une rétroactivité de fait ou petite rétroactivité c'est à dire qu'elle modifie les conditions fiscales pour l'année écoulée puisque le fait générateur de l'impôt est le 31 décembre. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture