commentaire d'arrêt, Conseil d'État, 16 novembre 2011, Fralsen Horlogerie, solvabilité de la filiale, gestion commerciale
Les avances consenties par une société mère à sa filiale n'emportent pas nécessairement la qualification d'un acte normal de gestion permettant la déductibilité de celles-ci sur le bénéfice imposable. L'arrêt de la 3ème sous-section du Conseil d'Etat en date du 16 Novembre 2011 en témoigne.
L'espèce se situe sur le terrain d'un groupe de sociétés ; la société mère consent à l'une de ses filiales des avances en compte courant en raison des difficultés financières que connaît celle-ci ; ces avances sont toutefois assorties d'intérêts. La « mère » continue d'en consentir jusqu'à se rendre compte de l'état catastrophique des finances de sa filiale. Elle constate que les créances qu'elle détenait sur celle-ci sont devenues irrécouvrables. Cependant, la « mère » déduit la perte que les avances lui ont engendrée de ses bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés. L'administration fiscale qui procède à une vérification de comptabilité conteste la déduction opérée par la société mère au motif que cette dernière n'avait pas agi dans le cadre d'une gestion commerciale normale.
[...] Le Conseil d'Etat avait déjà commencé à prendre en compte le critère du risque pour s'interroger sur la qualification de ces opérations en acte normal de gestion et ce, dès l'arrêt CE mai 2007. Cette solution a ensuite été maintenue (CE janvier 2010). Cependant le premier arrêt intervenait dans le cadre d'une prise de participation et l'arrêt de 2010 concernait le cas d'une filiale qui intervenait au secours de la société mère et non le contraire Cet arrêt s'inscrit dans le périmètre d'une société mère qui intervient au secours de sa filiale c'est-à-dire dans le cas de sociétés liées. [...]
[...] Il s'agit là encore d'éviter que la collectivité supporte des actes de gestions totalement déraisonnés. L'examen de la solvabilité de la filiale en difficulté implique alors nécessairement l'absence de prise excessive de la société mère. II – La nécessité de l'absence d'une prise de risque excessive L'intérêt de la société disparaît lorsque le chef d'entreprise prend un risque excessif, ce qui rend l'acte de gestion anormal Cependant, ce critère tend à démontrer l'immixtion du juge administratif dans la gestion de l'entreprise Le critère d'un risque excessif pour l'anormalité de l'acte de gestion Pour consentir une avance en compte courant à sa filiale, la société mère doit avoir un intérêt. [...]
[...] Le ministre du budget et des comptes publics, chef de l'administration fiscale, décide alors de former un pourvoi devant le Conseil d'Etat. Il estime que la société mère avait pris des risques excessifs au regard de la répétition des avances consenties à la filiale alors que les résultats de celle-ci se détériorait et qu'en conséquence, la « mère » aurait dû examiner la solvabilité de sa « fille ». Dès lors, la Haute Juridiction administrative devait s'interroger sur le caractère « normal » de l'acte de gestion de la société mère ou autrement dit à quelles conditions la société mère pouvait-elle consentir des avances en compte courant à sa filiale en difficulté afin que celle-ci accomplisse un acte de gestion normal permettant la déductibilité des pertes ? [...]
[...] On pourrait également y voir dans un risque normal que la vision sur le long terme est moins évidente. Ce risque ferait parti de l'aléa de la vie des affaires. Le risque excessif appelle à la responsabilité et à un devoir de mesure du chef d'entreprise. Ce risque menacerait la santé financière et donc l'existence de l'entreprise, ce que la Haute Juridiction administrative condamne. Toutefois, le risque excessif serait aussi celui dont l'analyse de la situation financière de la filiale permet de tirer des conclusions évidentes à savoir en l'espèce, la faible capacité de remboursement de la filiale en difficulté. [...]
[...] En revanche, le Conseil d'Etat ne s'oppose pas à ce que la « mère » puisse stipuler un tel intérêt lui permettant d'accroître ses finances. Quand bien même la société mère aurait un intérêt à consentir une avance, elle doit tenir compte de la solvabilité de sa filiale. L'examen de la solvabilité de la filiale en difficulté La société mère consentant une avance en compte courant peut avoir un intérêt tout à fait justifié à pratiquer ce type d'acte, le Conseil d'Etat exige que soit fait par celle-ci l'examen de la solvabilité de la filiale qui présente des difficultés financières. [...]
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