Sté Catimini, intangibilité du bilan
« Le rattachement de redressements à un exercice spécifique est une question fiscal classique mais difficile, qui dont très souvent lieu à de multiples interrogations. Tout fiscaliste qui applique les principes de la fiscalité des entreprises est ainsi amené, un jour ou l‘autre, à se prononcer sur les conditions d‘utilisation de la correction symétrique des bilans et sur l‘intangibilité du bilan d‘ouverture ». Ces mots d‘Alain-François Gagneur sont le reflet de l‘importance que revête en droit comme en procédure fiscale la théorie de la correction symétrique des bilans.
La règle de l‘intangibilité du bilan d‘ouverture du premier exercice non prescrit est une conséquence de l‘application de la correction symétrique des bilans. Selon ce principe, si une erreur est constatée au bilan de clôture d‘un exercice, il est nécessaire de rectifier ce bilan, mais aussi celui du bilan d‘ouverture, si cette erreur ne trouve pas on origine dans cet exercice. Cette théorie permet ainsi de ne pas prendre en compte au titre d‘un exercice des erreurs qui ont pu être commises au titre d‘exercices antérieurs. La règle de l‘intangibilité venant constituer une limite à ce principe, un butoir. Suite à l‘évolution de la jurisprudence sur la question de l‘intangibilité, le législateur a du intervenir dans les plus brefs délais par la loi de finances rectificative pour 2004.
Ainsi, par l‘avis étudié et rendu le 17 mai 2006 par les 3e et 8e sous-sections du Conseil d‘Etat, celui-ci va se prononcer pour la première fois sur cette réforme. En l‘espèce, la cour administrative d‘appel de Nantes a saisi d‘une demande d‘avis le Conseil d‘Etat concernant l‘interprétation à donner au deuxième alinéa de l‘article 38, 4 bis du CGI selon lequel « les dispositions du premier alinéa [rétablissant la règle d‘intangibilité du bilan] ne s‘appliquent pas lorsque l‘entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l‘ouverture du premier exercice non prescrit ». La société Catimini, dont le redressement était en cause, faisant valoir que sa méthode comptable d‘évaluation des stocks erronée devait bénéficier de l‘exception tirée de cet alinéa.
La question posée au Conseil d‘Etat était donc de savoir si les erreurs ou omissions visées à l‘alinéa 2 de l‘article 38, 4 bis du CGI comprennent les erreurs commises pour la première fois plus de sept ans avant le premier exercice non prescrit et répétées sur plusieurs années.
Suivant les conclusions du Commissaire du gouvernement Glaser, le Conseil d‘Etat indique que le principe d‘intangibilité du bilan d‘ouverture du premier exercice non prescrit s‘applique aux erreurs répétées quelle que soit leur ancienneté : « qu'ainsi, dans le cas où une méthode erronée constamment utilisée depuis un des exercices clos depuis plus de sept ans aurait conduit à la sous-évaluation systématique du stock de marchandises, le droit à correction symétrique du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit ouvert par le deuxième alinéa susmentionné ne pourrait s'appliquer que pour rehausser l'évaluation de celles des marchandises qui auraient été physiquement conservées dans le stock depuis l'un des exercices clos depuis plus de sept ans ».
Ainsi, afin de comprendre cet avis et d‘en apprécier au mieux la portée, nous verrons dans un premier temps l‘instauration d‘exceptions au principe d‘intangibilité (I), puis dans un second temps que le « droit à l‘oubli » est cependant limité par le critère d‘individualisation des éléments (II).
[...] Le Conseil d'Etat va en tirer dans son avis un principe d'individualisation des éléments, et notamment des éléments du poste concerné dans le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Qu'ainsi, en l'espèce, l'exception de l'alinéa 2 « ne pourrait s'appliquer que pour rehausser l'évaluation [erronée du fait de la méthode] de celles des marchandises qui auraient été physiquement conservées dans le stock depuis l'un des exercices clos depuis plus de sept ans ». La répétition entraine également une mise en échec du délai de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit puisque si l'erreur, intervenue avant ces sept années, ne s'était pas répétée chaque année elle aurait bénéficier du « droit à l'oubli ». [...]
[...] L'instauration d'exceptions au principe d'intangibilité. L'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, règle prétorienne, a connu récemment divers revirements tant jurisprudentiel que législatif. L'aboutissement de cette évolution a été la réintégration législative du principe d'intangibilité mais également d'exceptions nouvelles au principe du butoir La réintégration législative du principe d'intangibilité. CE assemblée plénière 31 octobre 1973 : par cet arrêt, confirmé par CE assemblée 13 mars 1981, le Conseil d'Etat limite le mécanisme des corrections symétriques des bilans par le principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, appelé aussi « butoir ». [...]
[...] Une interprétation stricte de la loi défavorable au contribuable. La solution retenue est quelque peu paradoxale puisque la mise en œuvre de l'exception prévue à l'alinéa 2 de l'article bis pour une même erreur dépendra du fait qu'elle ait été ou non répétée. Or dans les deux cas le contribuable est de bonne foi, la répétition tout comme l'erreur unique n'ayant pas été volontaire. La seule exception posée à cette solution étant le cas des marchandises provenant des ces erreurs et conservées physiquement dans le stock depuis l'un des exercices clos depuis plus de sept ans ; ce qui semble pour le moins limité, excluant ainsi les erreurs de méthode ou de calcul. [...]
[...] Un « droit à l'oubli » limité par le critère d'individualisation des éléments. Le « droit à l'oubli » résultant des exceptions mises en place par le législateur va toutefois connaitre des limites quant à sa mise en œuvre, notamment en raison de la nécessaire individualisation des éléments. D'où il en résulte le rejet de l'exception en cas d'erreur répétée et une interprétation stricte de la loi quelque peu défavorable au contribuable Le rejet de l'exception en cas d'erreur répétée. [...]
[...] Selon le Commissaire du Gouvernement Glaser, «L'objectif de cette limitation est claire. Il s'agit d'instaurer un ‘‘droit à l'oubli'' pour les erreurs trop anciennes, celle commises il y a plus de dix ans ». La mise en œuvre de l'exception semble donc a priori simple, l'erreur ou l'omission de plus de dix ans est considérée comme définitive et le contribuable peut se prévaloir du mécanisme de la correction symétrique des bilans : l'erreur est ramenée, de bilan en bilan, jusqu'à l'exercice où elle a été commise, par hypothèse prescrit, et l'administration ne peut en tirer aucune conséquence fiscale sur le dernier exercice non prescrit. [...]
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