Société Janfin - avoir fiscal - abus de droit - article L64 du L.P.F. - répression de l'abus de droit - fraude à la loi - création jurisprudentielle de la fraude à la loi en matière fiscale - Loi de finances rectificative de 2008, une nouvelle définition de l'abus de droit -
La décision rendue en section du contentieux du Conseil d'Etat datant du 27 septembre 2006 concernant la société Janfin, traite la procédure de répression des abus de droit et y apporte une solution de droit novatrice et précurseur du droit positif. Il s'agit en l'espèce d'une société anonyme (les Petits-enfants de Maurice Schlumberger) aux droits de laquelle est venue la société Janfin. Durant décembre 1994, la société a acquis des titres de diverses sociétés, grâce auxquels elle a perçu des dividendes. A la fin du mois, elle a vendu les titres, générant ainsi des moins-values, lesquelles se sont avérées être d'un montant identique à celui des dividendes perçus auparavant. Les avoirs fiscaux auxquels ont donné lieu ces moins-values ont par ailleurs permis à la société de couvrir l'intégralité de l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable au titre de l'exercice clos de 1994. Un contrôle fiscal opéré en 1997 a qualifié ces opérations succinctes d'abus de droit, remettant en cause l'utilisation des avoirs fiscaux résultant des manoeuvres frauduleuses en paiement de l'impôt, et requalifiant la base imposable de la société. Le 26 juin 2001, le Tribunal administratif de Paris a confirmé l'existence d'un abus de droit au titre de l'article L64 du Livre des procédures fiscales (L.P.F.) dans sa version alors applicable, et a ainsi refusé de décharger la société des impositions supplémentaires. Le 7 juillet 2003, la Cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement rendu en première instance, en tant qu'il a partiellement rejeté la demande de la société Janfin tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1994. La société Janfin a par la suite formé un pourvoi en cassation devant la section du contentieux du Conseil d'Etat, lequel a donné lieu au jugement du mercredi 27 septembre 2006 étudié. Il s'agit de savoir si l'utilisation d'un avoir fiscal comme moyen de paiement d'un impôt dû peut être qualifiée d'abus de droit, au sens de l'article L64 du L.P.F. dans sa rédaction alors applicable. Le Conseil d'Etat y répond en livrant une appréciation restrictive de l'abus de droit qui ne sanctionne pas les opérations effectuées par la société Janfin (1), pour instaurer dans le même temps la répression de la fraude à la loi en matière fiscale (2).
[...] C'est ce que démontre le Conseil d'Etat, en rappelant les conditions restrictives de la procédure de répression de l'abus de droit au titre de l'article L64 du L.P.F alors applicable. Le champ limité de la répression de l'abus de droit Lors de la commission des faits de l'arrêt Janfin, le Livre des procédures fiscales établissait une procédure de répression de l'abus de droit en son article L64 « en retenant comme critères essentiels la dissimulation et la volonté de minorer ou éluder l'impôt », comme l'indique le Rapport du Sénat relatif au Projet de loi de finances rectificative pour 2008. [...]
[...] La répression de la fraude à la loi en matière fiscale Dans son arrêt du 27 septembre 2006, le Conseil d'Etat instaure la possibilité de réprimer une fraude à la loi en matière fiscale, laquelle sera reprise par le législateur grâce à la Loi de finances rectificative de 2008. La création jurisprudentielle de la fraude à la loi en matière fiscale Ayant cassé la décision rendue en deuxième instance, le Conseil d'Etat règle l'affaire au fond puisqu'une « bonne administration de la justice le justifie » (article L821-2 du Code de justice administrative). Il part de la constatation d'un principe de droit qu'il applique ensuite en matière fiscale. [...]
[...] Il s'agit de savoir si l'utilisation d'un avoir fiscal comme moyen de paiement d'un impôt dû peut être qualifiée d'abus de droit, au sens de l'article L64 du L.P.F. dans sa rédaction alors applicable. Le Conseil d'Etat y répond en livrant une appréciation restrictive de l'abus de droit qui ne sanctionne pas les opérations effectuées par la société Janfin pour instaurer dans le même temps la répression de la fraude à la loi en matière fiscale L'appréciation restrictive de l'abus de droit Pour décharger la société Janfin des cotisations supplémentaires et des pénalités lui ayant été imposées par la Cour administrative d'appel de Paris, le Conseil d'Etat déclare que l'avoir fiscal est considéré comme un moyen légal de paiement de l'impôt et rappelle ensuite les conditions restrictives de mise en œuvre de la répression de l'abus de droit. [...]
[...] L'article 158 bis du Code général des impôts (C.G.I.) dans sa rédaction alors applicable établit que « les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor ». Ainsi, la société Janfin qui a perçu des dividendes grâce aux titres acquis durant le mois de décembre 1994 était en droit de disposer d'un revenu constitué par les dividendes et par un avoir fiscal. L'article 158 bis du C.G.I. [...]
[...] Le Conseil d'Etat en a par conséquent déduit que la Cour administrative d'appel de Paris avait commis une erreur de droit, laquelle suffisait à donner lieu à la demande de la société Janfin d'annuler l'arrêt du 7 juillet 2003. Le Conseil d'Etat a donc écarté la procédure de répression d'abus de droit concernant les opérations effectués par la société Janfin. Il a retenu ainsi une définition restrictive de la mise en application de cette procédure au titre de l'article L64 du L.P.F. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture