International Transport Workers' Federation et Finnish Seamen's Union contre Viking Line ABP et OÜ Viking Line Eesti

Thèmes abordés

Europe économique, Europe sociale, TFUE, traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, Cour de justice européenne

Résumé du document

L'affaire se place dans le contexte du transport maritime, la société Viking est propriétaire d'un ferry nommé Rosella qui relie Tallinn, en Estonie, et Helsinki, en Finlande, par la mer baltique sous pavillon finlandais. Ce navire évolue donc sous l'empire de la législation sociale finlandaise, plus protectrice des salariés que celle pratiquée en Estonie. La conséquence logique et inévitable de cette disparité est une concurrence directe des sociétés estoniennes, pratiquant des prix bien moins élevés ; selon l'expression consacrée, un « dumping social ».

Extraits

[...] Les organisations syndicales demandent donc à la Cour de justice d'appliquer la même solution en l'espèce dans les relations entre droit de grève et liberté d'établissement, ce qu'elle refuse pour deux raisons. D'une part, la Cour retient que, si l'application du droit de la concurrence porte un coup fatal aux négociations collectives, ça n'est pas le cas du droit de grève qui ne serait pas totalement annihilé par le simple fait de sa conciliation avec la liberté d'établissement. D'autre part, la Cour souligne que le droit de la concurrence et celui de la liberté de circulation n'ont pas le même champ d'application ce qui prive de toute pertinence leur comparaison. [...]

[...] La phrase d'Edouard Herriot illustre parfaitement le propos : « Quand, dans un État, vous ne percevez le bruit d'aucun conflit, vous pouvez être sûr que la liberté n'y est plus. ». Enfin, sur le plan des motivations de l'arrêt, il est possible de noter que la Haute juridiction semble adopter une vision quelque peu restrictive de l'objet de l'action menée par les organisations syndicales en l'espèce. En effet, la Cour relève uniquement qu'«il ne saurait être contesté qu'une action collective telle que celle envisagée par FSU a pour effet de rendre moins attrayant, voire même inutile ( ) l'exercice par Viking de son droit de libre établissement » (Point 72) et n'accorde aucune importance au combat social qui sous-tend cette initiative. [...]

[...] Dans le même temps le syndicat alerte la fédération internationale à laquelle il appartient, ITF, de la situation périlleuse dans laquelle il est plongé. Pour manifester son soutien, la fédération édite et diffuse une circulaire invitant ses adhérents à travers le monde à ne plus négocier avec la société Viking. Après avoir temporairement renoncé à son entreprise, la société Viking saisit les juridictions britanniques, lieu du siège de la fédération syndicale, pour voir constatée l'incompatibilité de l'action menée à son encontre avec l'article 43 du traité instituant la communauté européenne, devenu article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, posant le principe de la liberté d'établissement. [...]

[...] » (Point 44) Il convient donc désormais de s'attacher à l'analyse de la solution retenue. Une conciliation délicate Une méthode traditionnelle La Cour de justice de l'Union européenne recoure à deux conditions traditionnelles, bien connues de sa jurisprudence : La légitimité du but recherché et la proportionnalité des moyens employés. Le point 75 de l'arrêt est ainsi libellé : « Une restriction à la liberté d'établissement ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général. [...]

[...] International Transport Workers' Federation et Finnish Seamen's Union C./ Viking Line ABP et OÜ Viking Line Eesti Pierre Vignal « Air distrait de celui qui s'évade de son travail en songe ». C'est ainsi qu'Alain Finkielkraut définit poétiquement la grève dans son Petit fictionnaire illustré, mais aussi, par antithèse, souligne l'ampleur parfois terrible que peut prendre un tel conflit collectif et dénonce la répression sanglante qui l'accompagne trop fréquemment. La grève est en effet une composante essentielle du rapport de force opposant les travailleurs aux décideurs et cristallise donc de vastes débats qui trouvent un écho patent au travers de l'arrêt commenté. [...]