Évolutions, jurisprudentielles, directives européennes, droit français interne
Le 14 mars 2006, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a condamné la France à une lourde astreinte pour ne pas avoir correctement mis en œuvre les objectifs d'une directive de juillet 1985 relative à la « responsabilité civile du fait des produits défectueux ». En décidant pour la première fois d'une sanction pécuniaire, le juge communautaire a ainsi administré une piqûre de rappel à l'Etat français, déjà condamné pour mauvaise transposition par un arrêt du 25 avril 2002. La nécessité de telles condamnations reflète la persistance de difficultés dans le processus de transposition des directives communautaires en droit interne.
L'article 249 du Traité instituant la Communauté européenne (art. 288, al. 3 Trait sur le fonctionnement de l'UE –TFUE- dans sa rédaction qui sera applicable après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne) définit les directives comme des actes liant « tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens». La directive, à la différence des règlements communautaires, n'est pas directement applicable à l'échelon national. Le processus de transposition consiste donc à adopter des mesures nationales d'exécution qui rendent la directive invocable auprès des juridictions de chacun des Etats membres. Ces actes peuvent être réglementaires comme législatifs. Le respect du délai et la bonne transposition des objectifs de la directive constituent les seules contraintes.
Longtemps, les juridictions nationales se sont montrées réticentes à exercer un véritable contrôle sur le processus de transposition des directives. Ces dernières années, l'amorce d'un véritable « dialogue des juges » a néanmoins ouvert la voie à une jurisprudence plus constructive du Conseil constitutionnel (CC) et du Conseil d'Etat (CE). Tous deux reconnaissent désormais la transposition des directives comme une exigence constitutionnelle. En parallèle, les retards en matière de transposition ont significativement diminué.
[...] Par la décision IVG, du 15 janvier 1975, il s'est estimé incompétent à exercer un tel contrôle, au motif que la supériorité des traités sur la loi est une notion contingente, par opposition au caractère absolu de la supériorité constitutionnelle. Le Conseil d'Etat lui, basé sa jurisprudence sur l'article 55 de la Constitution, qui consacre la primauté des traités internationaux sur les lois mais pas sur les dispositions de nature constitutionnelle. En vertu de cet article, il s'est ainsi refusé à faire office de juge du droit communautaire (arrêt Sarran, Levacher octobre 1998). [...]
[...] Selon les chiffres de le Commission, le déficit français en matière de transposition s'élevait à en mai 2009. Le passage en-dessous de la barre des était un objectif fixé par le Conseil européen au sommet de Bruxelles, en mars 2007, et que 16 pays sur 27 sont parvenus à atteindre. Le déficit français a diminué de manière constante depuis 2004, où il s'élevait à 4,1%. En passant sous la barre des en 2006, il avait pour la première fois été en phase avec les objectifs fixés par le Conseil. [...]
[...] Par l'arrêt Cohn-Bendit de 1978, il a ainsi refusé d'assurer le plein effet direct des directives. Depuis, sa position s'est néanmoins assouplie et il garantit dans les faits l'effet direct vertical des directives grâce à l' exception d'illégalité qui permet aux individus de se prévaloir de l'illégalité d'un règlement transposant une directive (CE juillet 1991, Palazzi) et même de l'absence d'acte de transposition. Ass octobre 1996, SA Cabinet Revert et Badelon ; CE, Ass février 1998, Tête). Mais les solutions juridictionnelles ne sont que des palliatifs à une transposition législative souvent insuffisante ou insatisfaisante. [...]
[...] Le Conseil constitutionnel s'en tient toutefois à s'assurer de la comptabilité manifeste de la loi de transposition avec la directive transposée. En effet, la CJCE est la seule juridiction habilitée à se prononcer sur la conformité aux traités et les délais dans lesquels les juges constitutionnels sont tenus de prendre leur décision sont trop courts pour permettre un renvoi préjudiciel à la CJCE pour interprétation. Ce contrôle a minima a toutefois permis au Conseil constitutionnel de déclarer l' incompatibilité manifeste d'une loi avec les objectifs fixés par une directive à l'occasion de la décision Secteur de l'énergie, du 30 novembre 2006. [...]
[...] Pour y remédier, le Conseil d'Etat préconise des mesures visant à mieux adapter les normes de transposition au contenu, à collaborer de manière plus efficace entre acteurs institutionnels et à anticiper le processus de transposition dès l'élaboration de la directive. Bibliographie Eric SALES, La transposition des directives communautaires : une exigence de valeur constitutionnelle sous réserve de constitutionnalité in Revue trimestrielle de droit européen, juillet-décembre 2005 Carole ENFERT, La France et la transposition des directives in Revue trimestrielle de droit européen, juillet-décembre 2005 Philippe BLACHER, Guillaume PROTIERE, Le Conseil constitutionnel, gardien de la Constitution face aux directives communautaires in Revue française de droit constitutionnel, janvier 2007 Anne LEVADE, Xavier MAGNON, Constitution et transposition des directives communautaires in Revue française de droit administratif, mai-juin 2007 Louis FAVOREU, Loïc PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 14e édition, Dalloz, Paris Marceau LONG, Prosper WEIL, Guy BRAIBANT et alii, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, 16e édition, Dalloz, Paris Conseil d'Etat, Pour une meilleure insertion des normes communautaires dans le droit national : étude adoptée par l'Assemblée générale du Conseil d'État le 22 février 2007 Conseil d'État, Section du rapport et des études, La Documentation française, Paris Tableau d'affichage de la Commission européenne, juillet 2009 : http://www.europaforum.public.lu/fr/actualites/2009/07/affichage- 07_2009/scoreboard-090716.pdf Rapport de 2008 de la Commission européenne en matière d'infractions au droit communautaire (annexe statistique) : http://ec.europa.eu/community_law/infringements/pdf/25_annexes_1_to_4_en.pdf CJCE mars 2006, Commission France, aff. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture