Commentaire d'arrêt, 20 décembre 2005, Cour Européenne des Droits de l'Homme, Wisse, France
Le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, tout comme la volonté de construction d'un espace européen, est incontestablement à l'origine de l'émergence d'un droit européen portant sur les droits fondamentaux de l'homme. Ainsi fut créée la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH). L'entrée en vigueur de cette convention internationale fonde les prémisses de l'influence du droit conventionnel européen en droit interne. De plus la création d'une voie de recours pour les justiciables devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), renforce ce mouvement.
Le droit pénal, bien que toujours l'expression de la souveraineté étatique, est aujourd'hui soucieux de son adéquation avec le droit conventionnel. Les incriminations pénales doivent ainsi être conformes aux principes définis dans la Convention. Mais de fait, de nombreux conflits existent et la Cour de Strasbourg doit se prononcer sur des incriminations litigieuses.
[...] En l'espèce le Gouvernement a soulevé une irrecevabilité de la requête rationae materiae la Cour s'est donc prononcée dans un premier temps sur l'applicabilité de l'article 8 de la CESDH aux faits de l'espèce. Elle va affirmer que si l'écoute par l'administration pénitentiaire des conversations tenues au parloir est effectuée dans un souci de sécurité de la détention, parfaitement légitime, l'enregistrement systématique des conversations dans un parloir à d'autres fins que la sécurité de la détention dénie à la fonction du parloir sa seule raison d'être, celle de maintenir une vie privée du détenu .Les conversations tenues dans le parloir d'une prison peuvent ainsi se trouver comprises dans les notions de vie privée La notion de vie privée est perçu comme présente dans un espace carcéral comme dans un espace public (Peck UK). [...]
[...] Le droit pénal interne a pris en compte la jurisprudence européenne de façon importante, notamment en matière procédural avec les articles 626-1 et suivants du code de procédure pénale qui traite du réexamen d'un procès pénal devenu définitif après déclaration de la CEDH d'une violation de la Convention. [...]
[...] Ainsi le juge conventionnel de la Cour de Strasbourg peut légitimement s'immiscer, par un effet indirect, dans la législation pénale française, du fait de son intervention jurisprudentielle. Ces magistrats sont juges du droit conventionnel, contrôlant la conventionnalité de la loi. De la sorte cet arrêt est un exemple d'immixtion dans l'application de la loi pénale française. Grâce à l'article 8 de la CESDH, les juges vont indirectement préciser le droit pénal applicable, en écartant l'application d'une disposition interne (les enregistrements issus des articles et 152 du code de procédure pénale) et en démontrant l'illégitimité de l'ingérence de l'autorité publique française, dont les mécanismes d'exception au respect de la vie privée ne sont pas caractérisés. [...]
[...] Par conséquent, au vu du caractère contraignant des arrêts de la CEDH, l'on constate aisément l'influence du droit conventionnel sur le droit pénal interne Des dispositions interne instaurant selon la Cour une ingérence injustifiée dans la vie privée du fait d'un défaut de légalité Les magistrats de la Cour de Strasbourg ont relevé que les enregistrements des conversations tenues aux parloirs constituent une ingérence dans la vie privée des détenus. Dans cet arrêt ils vont exercer un contrôle de conventionnalité des dispositions du code de procédure pénale permettant les mesures d'écoutes sur commission rogatoire. Les dispositions internes en question sont l'article et 152. Ils sont de nature générale instaurant des précisions sur la procédure d'action de juge d'instruction. Cependant ces articles litigieux ne traitent pas précisément des mesures d'écoutes téléphoniques ni ses conditions d'instauration. [...]
[...] Le 12 décembre 2000 la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta les arguments du pourvoi. Suite à leur condamnation à une peine de réclusion criminelle, ils saisissent la CEDH sur une requête soutenant que l'enregistrement dans les parloirs constitue une ingérence illégitime dans le respect de leur vie privée et familiale, en violation de l'article 8 de la CESDH. Le Gouvernement, dans la position de défendeur, soulève une irrecevabilité rationae materiae de la requête. La Cour s'intéressa dans un premier temps à démontrer l'applicabilité de l'article 8 de la CESDH aux faits de l'espèce. [...]
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