Commentaire de l'arrêt Paul Corbeau, CJCE, 19 mai 1993, services publics, droit communautaire, droit de la libre concurrence, droits exclusifs
Avec son discours du 9 mai 1950, Robert Schumann s'est révélé être l'un des fondateurs de la construction européenne, fervent défenseur d'une fédération des États d'Europe, il a pourtant affirmé que « l'union politique ne signifiait pas l'absorption de la nation ». De par cette déclaration, il est d'ores et déjà possible d'entrevoir que, l'émergence d'un droit européen élaboré par des institutions supranationales ne fait pas obstacle à l'existence de législations nationales distinctes dans chaque État membre, et qu'en dépit de l'harmonisation des règles de concurrence sous-tendue par la création d'un marché commun, les conceptions nationales et européenne de la notion de service public et ce qu'elles impliquent peuvent ne pas se recouper parfaitement. Néanmoins, du fait du principe de primauté, et afin de garantir une application uniforme du droit européen sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, l'article 267 TFUE (ancien article 177 CEE) prévoit un mécanisme de question préjudicielle, et c'est dans ce cadre que doit s'analyser l'arrêt Paul Corbeau de la CJCE du 19 mai 1993.
[...] Or, en assouplissant sa positionquant à l'application des règles de libre concurrence dans son arrêt du 19 mai 1993, la CJCE tolère la présence d'entreprise bénéficiant d'une position dominante ce qui va à l'encontre des objectifs du traité. C'est pourquoi elle circonscrit strictement l'octroi de droits exclusifs et la compensation financière qui en découle. Ainsi l'exclusion de la concurrence ne se justifiera pas selon le juge européen lorsque seront en cause des services spécifiques dissociables du service d'intérêt général. La cour assimile à des services spécifiques dissociables des services répondant à des besoins particuliers d'opérateurs économiques exigeant des prestations supplémentaires que le service postal traditionnel n'offre pas. [...]
[...] Quoi de plus semblable à une prestation postale qu'une autre prestation postale. Si, en l'espèce le service fournit par M. Corbeau est spécifique en ce qu'il permet la collecte à domicile et la modification de la destination en cours d'acheminement, ce qui de ce fait ne permet pas de le confondre avec le service fourni par la Régie des postes, accepter qu'un opérateur puisse faire concurrence à un titulaire de droits exclusifs sur la base de tels services peut contenir un danger de libéralisation généralisée du secteur postal. [...]
[...] En effet, dans cette affaire, la Régie des postes, une entreprise investie par la Belgique de droits exclusifs en ce qui concerne la collecte, le transport et la distribution de toute correspondance dans toute l'étendue du Royaume, s'opposait au fait que M. Corbeau puisse légalement fournir un service de collecte du courrier au domicile de l'expéditeur sans se voir sanctionné pénalement, tel que le prévoit la législation belge en cas d'infraction à un droit exclusif. Via le recours au mécanisme des questions préjudicielles, ce litige a donc été l'occasion pour le juge européen de se prononcer sur la compatibilité entre la conception belge, qui sanctionne pénalement les infractions aux droits exclusifs attribués dans le domaine postal, et les articles 86 et 90 du traité qui définissent le cadre juridique dans lequel doit s'exercer la gestion des services d'intérêt économique général . [...]
[...] Corbeau, qui est un simple opérateur privé ne s'est pas vu octroyé par le droit belge de droits exclusifs, à la différence de la Régie des postes, c'est parce que celui-ci n'a pas à gérer a priori le même type de service. Bien qu'inscrivant tous deux leurs activités dans le cadre du domaine postal, les deux opérateurs que sont la Régie des postes et M. Corbeau ne fournissent pas le même service, et ne bénéficient donc pas à cetitre des mêmes droits. [...]
[...] Il est vrai que la disparition de La Poste aurait par exemple contraint les habitants de régions dans lesquelles l'acheminement du courrier s'avère plus coûteux à s'acquitter de tarifs plus élevés. C'est face à cet état de fait que le juge européen a atténué les règles de libre concurrence et a admis l'existence de monopoles légaux. Cependant, ce n'est que pour assurer l'équilibre financier des gestionnaires de services d'intérêt économique général que la CJCE admet une limitation de la concurrence et non pour asseoir la position dominante des entreprises titulaires de droits exclusifs. Une compensation trop strictement circonscrite ? [...]
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