commentaire d'arrêt, Cour de Justice des Communautés européennes, 3 juillet 2008, obligations communautaires, Irlande
« La transposition peut s'analyser comme la contribution de l'État membre à la plénitude de la norme, afin qu'elle soit reçue par son destinataire final, le sujet de droit » (C. Zolynski Méthode de transposition des directives communautaires).
L'arrêt rendu le 3 juillet 2008 par la Cour de Justice des Communautés européennes met en lumière l'étendue de l'obligation de résultat qui incombe aux États membres en matière de transposition des directives communautaires.
En l'espèce, une directive communautaire de 1985 enjoignait aux États membres de faire dépendre, par la mise en place de mécanismes d'évaluation et d'autorisation préalables, la réalisation de certains projets d'urbanisme, d'envergure de leurs incidences sur l'environnement.
La Commission des Communautés européennes saisit la Cour de Justice d'un recours visant à faire constater le manquement de l'Irlande à l'obligation communautaire de transposition des directives résultant de l'article 288 TFUE (anciennement 189 TCE) qui dispose : « la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens »
[...] Ainsi la mise en œuvre de sa propre législation par l'Irlande fait obstacle à la plénitude de la norme en ce qu'elle aboutit à la délivrance de permis de régularisation hors de toutes circonstances exceptionnelles ( A ) et à assimiler, dans ses effets, le permis de régularisation au permis ordinaire d'urbanisme ( B ) A. LA DELIVRANCE DE PERMIS DE REGULARISATION HORS DE TOUTES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES - Pour la Cour de Justice un tel procédé correctif ne caractérise pas un manquement de l'Etat destinataire aux obligations résultant de la directive à la condition qu'elle n'offre pas aux intéressés l'occasion de contourner les règles communautaires ou de se dispenser de les appliquer et qu'elle demeure exceptionnelle - Or le juge constate que l'application de la législation irlandaise permet qu'un tel permis de régularisation soit délivré en dehors même de toutes circonstances exceptionnelles prouvées et qu'il est communément recouru (à l'octroi d'un tel permis) en matière d'urbanisme ( une telle pratique conduit, en droit irlandais, a considérer que les obligations imposées par la directive ( ) ont été effectivement remplies et caractérise en revanche une application incorrecte de la directive En outre le permis de régularisation peut en pratique être octroyé après exécution complète des travaux d'aménagement ce qui conduit à l'assimiler, dans ses effets, au permis préalablement délivré, conforme à la norme communautaire . [...]
[...] L'obligation de transposition n'est donc pas une simple obligation de faire supposant une action positive de l'Etat membre, c'est une véritable obligation de résultat qui suppose une action suffisante et adéquate du destinataire qui dispose de marges de manœuvres assez larges pour assurer l'effet utile c'est-à-dire la pleine effectivité, de la directive et c'est au juge communautaire d'apprécier l'opportunité des mesures prises par l'Etat membre à cette fin à la lumière du résultat exigé par la directive. Dès lors en subordonnant, pour les projets d'urbanisme entrant dans le champ d'application de la directive en cause, l'obtention du permis d'urbanisme à l'étude préalable de leurs incidences sur l'environnement tout en laissant subsister un permis de régularisation après exécution totale ou partielle des travaux, le législateur irlandais a-t-il donné à la directive une exécution qui corresponde pleinement aux exigences qu'elle pose compte tenu de son objectif essentiel ? [...]
[...] ( Cependant l'exigence d'effectivité de la norme communautaire prime sur les seuls intérêts pratiques des Etats membres ou des opérateurs économiques concernés et justifie qu'un tel régime de régularisation soit subordonné a la condition qu'(il) n'offre pas aux intéressés l'occasion de contourner les règles communautaires ou de se dispenser de les appliquer et qu'elle demeure exceptionnelle Si la législation irlandaise, bien qu'elle prévoie la possibilité de déroger à ses propres dispositions, est par son contenu conforme à la norme communautaire, il en va différemment dès lors que dans sa mise en œuvre la norme nationale aboutit au contournement par les intéressés des exigences de la directive. [...]
[...] C'est donc au résultat visé par la directive en cause ( A ) que se réfère le juge communautaire pour apprécier la conformité du droit national irlandais ( B ) A. L' OBJECTIF ESSENTIEL DE LA DIRECTIVE - L'objectif essentiel de la directive était qu'il soit établi, pour les projets d'aménagement du territoire susceptibles d'avoir une incidence notable sur l'environnement, un permis d'urbanisme nécessairement préalable à l'exécution des travaux l'objectif étant d'éviter, dès l'origine, la création de pollutions ou de nuisances plutôt que de combattre ultérieurement leurs effets ( Le permis d'urbanisme requis dans le droit irlandais pour l'exécution des projets visés par la directive présente ce caractère préalable : le juge constate en effet qu' en l'état de la législation irlandaise, il est constant que l'évaluation des incidences sr l'environnement et le permis d'urbanisme doivent, en principe, être respectivement effectuée et obtenu, lorsqu'ils sont nécessaires, préalablement à la réalisation des travaux ( La règle de droit irlandaise est impérative puisque le non-respect de ces obligations constitue en droit irlandais un manquement aux règles d'urbanisme et l'Irlande fait valoir que cette obligations constitue au demeurant une infraction pénale et peut entrainer la mise en œuvre de mesures coercitives. [...]
[...] UN PERMIS DE REGULARISATION ASSIMILE DANS SES EFFETS AU PERMIS REGULIEREMENT DELIVRE - la faculté de déroger exceptionnellement aux dispositions communautaires ne fait pas obstacle à l'effectivité de ces dernières dès lors qu'il s'agit d'un mécanisme correctif, qui doit permettre à l'Etat destinataire tenu en vertu du principe de coopération loyale prévu a l'article 10 CE ( ) d'effacer les conséquences illicites d'une violation du droit communautaire (CJCE janvier 2004, Wells) de se conformer à la directive : c'est une concession réaliste destinée à en faciliter la transposition et non à en contourner l'objectif essentiel ( Or, le juge constate qu'aux yeux du droit irlandais l'étude d'impact environnemental correctrice, effectuée afin de remédier a l'omission de l'évaluation telle que prévue et organisée par la directive ( le projet ayant d'ores et déjà été réalisé, est équivalente a l'étude des incidences sur l'environnement, préalable a la délivrance de l'autorisation, exigée et régie par ladite directive ( Dès lors, le permis dérogatoire emporte les mêmes effets que ceux attaches au permis d'urbanisme préalable a la réalisation des travaux et des aménagements du territoire alors que les projets pour lesquels une évaluation des incidences sur l'environnement est requise doivent être identifies puis soumis, avant l'octroi de l'autorisation et, en conséquence, nécessairement avant d'être réalises, a une demande d'autorisation et a ladite évaluation et caractérise le manquement à l'obligation de transposition et donc une violation du droit communautaire. [...]
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