Droit, commentaire d'arrêt, Cour européenne, 11 mars 2014, délais de péremption/prescription, actions en responsabilité
En l'espèce, le requérant, ouvrier a été victime d'une tumeur cancéreuse causée par les contacts avec l'amiante dans le cadre de son travail entre 1965-1980.
La caisse nationale suisse d'assurance lui versa les indemnités et prestations prévues par la loi. Il intenta néanmoins en octobre 2005 une action contre son employeur, pour obtenir l'indemnisation de son préjudice moral et de son « préjudice de soin ». Il décéda quelques semaines plus tard.
Sa veuve assigne la caisse nationale suisse d'assurance en réparation de son dommage moral. Ses deux filles entendent, elles, poursuivre l'action engagée par leur père contre son employeur. Elles sont toutes les trois déboutées par les juridictions internes suisses au motif que leurs actions sont frappées de péremption (pour la veuve) et prescrites (pour les filles).
Devant la Cour européenne, les requérantes fondent leur requête sur l'article 6§1 au motif que les délais de péremption/prescription des actions en responsabilité restreignent l'accès à un tribunal.
[...] Les délais de prescription des actions en responsabilité civile : une restriction au droit d'accès à un tribunal A. Une limitation disproportionnée - Selon le droit suisse, l'action en responsabilité est encadrée par un délai de péremption de 10 ans à compter de l'acte dommageable, indépendamment de la date de l'apparition et de la réalisation du dommage. - Rappel jurisprudence passée (CEDH 19 sept Gnahore France : le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises. [...]
[...] Les tribunaux internes avaient jugé que la prétention et l'action en dommages- intérêts étaient prescrites. La Cour EDH a conclu à la violation du droit d'accès à un tribunal : des victimes d'atteinte à l'intégrité physique doivent avoir le droit d'agir en justice lorsqu'elles sont effectivement en mesure d'évaluer le dommage subi. - En l'espèce, le dies a quo du délai absolu avait commencé à courir avant qu'elles aient pu avoir objectivement connaissance de leurs droits : il n'existait aucune possibilité réelle de faire valoir ces droits avant la prescription. [...]
[...] - Avec une telle décision le juge européen peut être accusé de vouloir s'ériger en 4ème degré de juridiction - Le droit des obligations, jadis strictement national, se trouve désormais au carrefour des ordres juridiques nationaux et de la Convention. Les répercussions de l'arrêt Moor pourraient donc être importantes et concerner la quasi-totalité des pays européens. [...]
[...] - Affirmation de l'importance de la connaissance de son droit à réparation : consécration de l'adage contra non valentem non currit praescriptio par la CEDH (la prescription ne court pas contre celui qui se trouve dans l'impossibilité d'agir). II) L'absence de recours effectif : contraire aux exigences de l'article A. L'incompatibilité du point de départ du délai de prescription avec le droit d'accès à un tribunal - Les requérantes ont touché certaines prestations : mais celles-ci ne sont pas de nature à compenser entièrement les dommages résultant de la prescription des droits. [...]
[...] - Faire courir le délai décennal de péremption ou de prescription prévu par la législation suisse à partir du moment où l'intéressé a été exposé à la poussière d'amiante est une limitation disproportionnée. - L'application des délais prévus par la législation suisse avait limité l'accès aux tribunaux à un point tel que le droit des requérantes s'en était trouvé atteint dans sa substance même. - Sous couvert de ce droit d'accès à un tribunal : c'est bien la substance même du droit à réparation qui se trouve protégée l'article peut être un moyen de protéger tous les droits subjectifs. [...]
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