commentaire d'arrêt, CEDH, 20 janvier 2011, Haas contre Suisse, droit au suicide, Convention européenne des droits de l'Homme
L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Par ailleurs, un deuxième alinéa dispose qu'« il ne peut y avoir ingérence des autorités publiques dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Cependant, comme la Cour l'a répété à juste titre dans un grand nombre de ses décisions, on ne saurait lire la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales que dans son ensemble comprenant également les protocoles additionnels. C'est pourquoi il faut lire la convention en tenant compte de son article 2 qui protège le droit à la vie.
[...] Ces éléments l'amenant à juger finalement que la Suisse n'a pas violé l'article 8 dans le cas de l'espèce. Il est cependant important d'énoncer que la Cour reconnait le droit au suicide sous certaines conditions mais que ce droit est limité néanmoins au devoir des autorités de protéger les personnes vulnérables en conséquences des dispositions de l'article 2 de la Convention. La reconnaissance d'un droit au suicide sous condition La Cour affirme dans un premier temps que le droit au suicide est protégé par l'article 8 de la Convention et elle rappelle alors à juste titre les parallèles avec l'arrêt Pretty Royaume Uni tout en énumérant rapidement les distinctions avec celle ci Un droit protégé par l'article 8 de la Convention La Cour rappelle a juste titre que l'article 8 protège la «vie privée» et que cette vie privée au sens défini par la Convention a une portée très large. [...]
[...] Il est alors du devoir de l'Etat d'effectuer le balancier entre cette obligation positive et le droit à la vie. La Cour note alors pour la Suisse une législation libérale et de ce fait va accepter que de cette réglementation libérale puisse jaillir des abus qui nécessite des mesures de préventions prises par l'Etat. Les limites nécessaires de cette obligation La Cour va limiter cette obligation positive à l'aide de l'article 2 de la Convention et notamment de ce qui découle de cet article par le biais de l'arrêt Keenan Royaume Uni, à savoir que l'article 2 de la Convention «impose aux autorités le devoir de protéger les personnes vulnérables, même contre des agissements par lesquels ils menacent leur propre vie». [...]
[...] La Cour acceptant l'invocation de l'article 8 du fait de la jurisprudence Pretty Royaume Uni va tout de même s'en distinguer rapidement. Un écartement de l'arrêt Pretty Royaume Uni Après avoir rappelé grâce à l'arrêt Pretty Royaume Uni que le droit de choisir le moment et la manière de mourir et régit par l'article la Cour va chercher à se détacher rapidement de cet arrêt en énumérant ouvertement les différences entre les deux arrêts. Elle détourne tout d'abord la présente affaire en se reposant non pas sur la liberté de mourir comme dans l'arrêt Pretty mais sur la possibilité pour le requérant d'obtenir par dérogation de l'Etat du pentobarbital sodique de manière à ce que le requérant puisse mourir sans douleur et sans risque d'échec. [...]
[...] Tous les médecins lui ayant refusé l'accès à cette substance, le requérant invoque l'article 8 de la Convention sur le motif que ne pouvant pas remplir les conditions d'obtention de pentobarbital sodique, son droit de décider du moment et de la manière mourir n'est pas respecté. Il rajoute à cela que «l'accès aux médicaments nécessaires au suicide devrait être garanti par l'Etat». La Cour se pose alors la question suivante, à savoir: Peut on considérer qu'il y a une obligation positive de l'Etat de prendre les mesures nécessaires permettant un suicide digne ? [...]
[...] A ce titre elle énonce la volonté du requérant de se suicider de manière sûre, digne et sans douleur et souffrances superflues Et donc par conséquent admet que l'article 8 protège le droit au suicide au titre de la vie privée. Par ailleurs, c'est sur cette volonté de la personne que la Cour pose la condition sinéquanone de cette légitimité acceptée du droit au suicide. La Cour énonce qu'il faut que le requérant soit en mesure de forger librement sa propre volonté. Elle écarte donc ici les personnes vulnérables et mentalement instable ainsi que les cas de suicide assisté où un tiers aurait amené d'une certaine manière un individu à se suicider. [...]
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