Question prioritaire de constitutionnalité, Cour de justice, Primauté, droit de l'Union Européenne, Melki et Abdeli, renvoi préjudiciel, Conseil constitutionnel, Principe d'interprétation conforme
La Cour de Justice dans un avis rendu le 22 juin 2010, considère que l'appréciation de la Cour de cassation du mécanisme de l'exception d'inconstitutionnalité français est contraire au droit de l'Union, en ce que d'une part, il s'oppose au principe directeur de primauté, et d'autre part qu'il met à mal l'efficacité du droit de l'Union en rendant impossible un renvoi préjudiciel sans l'aval d'une juridiction d'un degré supérieur. Pour autant, elle ne déclare pas incompatible le procédé de la question prioritaire de constitutionnalité dans la mesure où celui-ci respecte certains critères tirés d'une interprétation conforme des dispositions nationales au droit de l'Union. Ainsi ce mécanisme doit permettre aux juridictions de saisir à tout moment de la procédure la Cour d'une question préjudicielle, d'adopter toute mesures nécessaires provisoires dans un souci de protection juridictionnelle des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union. Enfin ce mécanisme doit permettre de laisser inappliquée à l'issu de cette procédure la disposition nationale si le juge interne la juge contraire au droit de l'Union. De cette manière on voit que la position de la Cour de Justice est plutôt nuancée.
De quelle manière la Cour de Justice se prononce-t-elle implicitement en faveur de la question prioritaire de constitutionnalité française ?
[...] Aussi, le Conseil Constitutionnel, et le Conseil d'Etat se sont prononcés postérieurement à l'arrêt de renvoi de la Cour de cassation, mais antérieurement à l'avis rendu par la Cour de Justice. En effet, dans sa décision du 12 mai 2010 Loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, la Conseil constitutionnel précise le juge saisi d'un litige dans lequel est invoquée l'incompatibilité d'une loi avec le droit de l'Union européenne [peut] à tout moment [faire] ce qui est nécessaire pour empêcher que des dispositions législatives qui feraient obstacle à la pleine efficacité des normes de l'Union soient appliqués dans ce litige [ ] De cette manière le juge constitutionnel estime que les dispositions relatives à la question prioritaire de constitutionnalité ne peuvent empêcher les juridictions ordinaires d'user de leur faculté de renvoyer une question préjudicielle devant la Cour de Justice. [...]
[...] D'abord ce mécanisme doit laisser la possibilité aux juridictions nationales de saisir, à tout moment de la procédure qu'elles jugent approprié, et même à l'issue de la procédure incidente de contrôle de constitutionnalité, la Cour de toute question préjudicielle qu'elles jugent nécessaires De cette manière, par cette première condition est corrigé l'atteinte à l'efficacité du droit communautaire par l'impossibilité de poser une question préjudicielle aux instances européennes, puisqu'en aucun cas la procédure incidente de contrôle prioritaire de constitutionnalité ne doit contrevenir à la faculté des juges nationaux accordée par l'article 267 TFUE. De plus est également assuré le respect de la primauté par l'ajout de deux autres conditions. D'abord, le juge national doit pouvoir adopter toutes les mesures provisoires qu'il jugera nécessaires pour assurer la protection des droits conférés par le droit de l'Union aux justiciables conformément au principe dégagé par la Cour de Justice dans l'arrêt Factortame rendu le 19 juin 1990. [...]
[...] On constate que la Cour ne condamne pas le principe en lui-même, et qu'implicitement au contraire, elle se prononce en faveur de l'exception d'inconstitutionnalité telle qu'elle est prévue dans le système français (II). II- Un mécanisme en réalité compatible avec le droit de l'Union Européenne Si la Cour de Justice se prononce a priori défavorablement à l'égard du mécanisme tel que décrit par la Cour de cassation, elle propose une autre grille de lecture de l'exception d'inconstitutionnalité découlant de l'application du principe d'interprétation conforme des dispositions nationales au droit de l'Union, la rendant ainsi compatible avec le droit communautaire, sous certaines conditions Or, par cette initiative et au regard des circonstances entourant l'affaire, la Cour sans se contredire se prononce implicitement en faveur de la compatibilité du système français avec le droit communautaire L'élaboration de critères de compatibilité résultant du principe d'interprétation conforme Le principe d'interprétation conforme formulé notamment au sein de l'arrêt de la Cour de Justice rendu le 26 septembre 2000 Engelbrecht pose l'idée selon laquelle le juge nationale doit conférer à la loi interne une interprétation conforme aux exigences du droit de l'Union Européenne. [...]
[...] Commentaire d'arrêt CJ 22 juin 2010 Melki et Abdeli Il y a longtemps qu'une décision de la Haute juridiction judiciaire n'avait suscité de levées de boucliers aussi virulentes, empruntant un vocabulaire de polémique juridique dont l'usage s'était quelque peu perdu (D. Simon Drôle de drame : la Cour de cassation et la question prioritaire de constitutionnalité Europe Mai 2010, étude 5). En effet, suite à l'arrêt de la Cour de cassation en date du 16 avril 2010 opérant un renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice, sur le point de déterminer la compatibilité de la question prioritaire de constitutionnalité française avec le droit de l'Union, on constate une certaine fébrilité au sein de la Doctrine, comme en témoigne notamment la position de B. [...]
[...] De cette manière, la décision du juge constitutionnel aurait pour effet de lier l'ensemble des juges nationaux. Autrement dit, par cette interprétation est entendu une unicité des contrôles de constitutionnalité et de conventionalité par le Conseil Constitutionnel comme le faisait valoir en 1968 le Conseil d'Etat dans son arrêt Syndicat des fabricants des Semoules de France. Or depuis la décision du Conseil Constitutionnel IVG rendue en 1975, est constatée l'indépendance de ces deux contrôles, ces derniers n'étant pas de même nature, de telle sorte que le juge constitutionnel s'est déclaré incompétent pour opérer un contrôle de conventionalité, celui-ci étant opéré par les juges ordinaires, depuis 1975 s'agissant des juridictions judiciaires cass 24 mars 1975 Société Café Jacques Vabres) et depuis 1989 s'agissant des juridictions administratives (CE Ass 20 octobre 1989 Nicolo). [...]
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