Dans un contexte social caractérisé par un fort taux de chômage, les employeurs sont toujours plus tentés de recourir à des procédés plus que contestables, en matière de recrutement notamment, jusqu'à porter atteinte à la dignité humaine et au droit au respect de la vie privée, droit garanti par l'art. 9 du Code civil. Face à ces comportements, le législateur a décidé, d'une manière solennelle et qui s'est voulue efficace, de renforcer la protection des libertés individuelles des salariés, mais aussi de ceux désireux d'accéder au statut de salarié. L'art. L. 121-6 du Code du travail est l'une des mesures qui ont été prises en ce sens.
L'article L. 121-6 du Code du travail est issu de la loi du 31 décembre 1992 relative au recrutement individuel et aux libertés individuelles. Inséré dans l'avant-projet de loi, avec les articles L. 900-4-1 (ajout) et L. 900-6 nouveau, relatifs respectivement au bilan de compétence et au stage, dans une partie intitulée Protection de la vie non-professionnelle, les dispositions de l'article L. 121-6 nouveau et des deux autres articles visaient à éviter aux candidats à un emploi, mais également aux candidats à un stage, aux stagiaires et aux bénéficiaires d'un bilan de compétences, de devoir répondre à des questions touchant leur vie privée, sinon l'intimité de celle-ci.
La loi du 31 décembre 1992 faisait suite à un rapport établi par le professeur Gérard Lyon-Caen à la demande du ministre du Travail de l'époque et rendu un an plus tôt, rapport publié sous le titre Les libertés publiques et l'emploi. L'éminent universitaire y faisait de nombreuses propositions destinées à garantir la protection des libertés publiques des citoyens-salariés.
Singulièrement en matière de recrutement, la loi a eu pour objectif de mettre un terme aux modes de recrutement fondés sur des procédés ésotériques couplés à une coupable indiscrétion, contraires à la déontologie que doivent respecter, en toutes circonstances, entreprises et cabinets de recrutement à l'égard des demandeurs d'emploi.
[...] 121-6 applicable à toutes les candidatures spontanées : en effet, la charge pesant sur les employeurs aurait alors été trop lourde, certaines grandes entreprises recevant plusieurs dizaines de milliers de candidatures spontanées par an, ce qui aurait pu dissuader les employeurs de s'intéresser à ces candidatures. Le texte est ici applicable aux candidats ayant répondu à une offre d'emploi expresse. L'alinéa premier de l'art. L. 121-6 du Code du travail impose que l'employeur respecte une finalité professionnelle dans sa demande d'informations à un salarié ou un candidat à un emploi. [...]
[...] L'article L. 121-6 du code du travail, nous venons de le constater, met à la charge de l'employeur deux nouvelles obligations pour encadrer sa récolte d'informations dans la procédure de recrutement. Toutefois, le législateur a également voulu établir un bon équilibre entre la nécessité, pour l'employeur, de bien connaître les capacités de la personne qu'il se propose d'embaucher, et la nécessité impérieuse de protéger le postulant contre les débordements répréhensibles et infondés des employeurs. C'est pourquoi celui-ci a mis en place une obligation pour le candidat à l'embauche : une obligation de bonne foi, ou encore de sincérité. [...]
[...] La jurisprudence a précisé l'étendue de cette obligation en se fondant sur le dol, en vertu de l'art du Code civil. Tout d'abord, la chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt du 3 juillet 1990 p.507), a précisé que la réticence dolosive n'existait pas en droit du travail : le candidat n'est pas tenu de fournir des informations qui ne lui sont pas demandées, quand bien même il aurait connaissance du caractère déterminant de ces informations. En effet, la Cour considère que l'employeur est tenu d'une simple, mais réelle obligation de s'informer, une sorte d'obligation de curiosité bien placée cette fois-ci. [...]
[...] Au vu de ces éléments, nous aborderons, dans une première partie, la question de l'encadrement renforcé du champ d'investigation accordé aux recruteurs puis, dans une seconde partie, nous traiterons de la mise en place d'une obligation souple de sincérité à la charge du candidat à un emploi (II). I. L'encadrement renforcé du champ d'investigation accordé aux recruteurs L'article L. 121-6 du Code du travail, par l'encadrement qu'elle exige, entérine de façon quasi fidèle la position adoptée par la Chambre sociale dans un arrêt du 17 octobre 1973 (JCP Deux exigences composent cet encadrement. [...]
[...] Le législateur a ainsi voulu prendre en compte l'inégalité inhérente des parties au contrat de travail. Cette souplesse du régime résulte de deux mouvements convergents : tout d'abord, l'adoption d'une conception large de la bonne foi en droit du travail, que nous étudierons dans une première partie puis la mise à l'écart de l'annulation du contrat de travail comme sanction de la mauvaise foi du candidat, que nous traiterons dans une seconde partie La conception large de la bonne foi en droit du travail Tout d'abord, il convient de préciser que le candidat à l'embauche n'est tenu de répondre de bonne foi qu'aux questions posées dans le nouveau cadre légal. [...]
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