L'article L. 1224-1 du Code du travail reproduit l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail ancien, lui-même issu de l'article 23 alinéa 8 du Livre I du Code dans sa version antérieure à 1973. Son origine remonte en fait à une loi du 19 juillet 1928. L'objectif de cette loi était de généraliser une clause courante dans les contrats de location-gérance selon laquelle le changement d'exploitant du fonds ne constituait pas une cause d'extinction du contrat de travail en cours. Inspiré en partie par le droit français, le droit communautaire a repris cette idée en instaurant le maintien du droit des travailleurs en cas de transfert d'entreprise dans une directive du 14 février 1977, révisée par la directive du 29 juin 1988, remplacée depuis par la directive du 12 mars 2001. La finalité de la directive, outre une harmonisation des législations européennes, est « d'assurer la continuité des relations de travail existant dans le cadre d'une entité économique indépendamment du changement de propriétaire » selon la formule de la CJCE dans l'arrêt Mayeur rendu le 26 septembre 2000. Le droit communautaire exerce dorénavant une influence sur l'interprétation contemporaine de l'article L. 1224-1 du Code du Travail par la Cour de Cassation qui associe le texte français et le texte communautaire dans ses visas. Il s'agit donc ici d'étudier l'évolution des jurisprudences communautaire et française afin de déterminer le champ d'application de l'article L. 1224-1 du Code du Travail. Après l'affrontement, vint la réconciliation.
[...] L'article L. 1224-1 s'applique « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment pas succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise ». Cette expression législative, avec l'utilisation du mot « notamment » peut se prêter à plusieurs interprétations. La Cour de Cassation a pris parti dès 1934 dans l'arrêt Goupy du 27 février et décide que « ce texte destiné à assurer aux salariés des emplois plus stables, doit recevoir son application dans tous les cas où la même entreprise continue à fonctionner sous une direction nouvelle ». La Cour de Cassation a une interprétation très extensive de l'article et entend l'appliquer dans tous les cas où il y a continuité de l'entreprise. La liste de l'article L. 1224-1 n'est donc pas exhaustive (...)
[...] Ainsi, une telle entité est susceptible de maintenir son identité par delà son transfert (CJCE 10 Décembre 1998). Les juges français l'ont ensuite admis pour une activité d'animation des rayons d'un supermarché (Soc septembre 2002). Sur la question de la personne publique, ce sont les juges français qui se sont finalement rangés à l'opinion de la CJCE. Dans un revirement du 25 juin 2002, la Chambre sociale considère que La seule circonstance que le cessionnaire soit un établissement public à caractère administratif lié à son personnel par des rapports de droit public ne peut suffire à caractériser une modification dans l'identité de l'entité économique transférée Il faut et il suffit que le transfert concerne une entité économique autonome dont l'activité est poursuivie ou reprise. [...]
[...] Les juges ont ainsi estimé que le transfert d'un chantier en vue de son achèvement n'emportait pas application de l'article L. 122-12 ancien devenu L. 1224-1 du Code du travail. En revanche, il importe peu que l'activité ait été temporairement interrompue. La Cour de cassation a considéré que le seul fait que l'activité ait été interrompue du fait de l'accomplissement de démarches administratives par le cessionnaire aux fins de l'obtention de l'aide publique à laquelle la cession était subordonnée ne suffisait pas à écarter l'application de l'article L. [...]
[...] Sous cette influence, la Cour de Cassation a dû modifier à nouveau sa jurisprudence. Ainsi, l'Assemblée Plénière le 16 mars 1990 a rendu 3 arrêts dont l'arrêt Appart où elle estime, au visa de la directive du 14 mars 1977, que l'article L. 122-2 trouve vocation à s'appliquer même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs, à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise L'arrêt Appart a ainsi abandonné l'exigence d'un lien de droit tout en mettant en lumière les deux conditions d'application de l'article L. [...]
[...] L'accord du salarié au transfert de son contrat est donc nécessaire. Les juges communautaires et français se sont donc entendus pour une protection étendue, mais pas excessive des salariés lors du transfert de leur entreprise. [...]
[...] Dorénavant, la Cour de Cassation veille soigneusement à interpréter la règle du maintien des contrats de travail en cours au regard de la directive communautaire, démontrant ainsi son souci de se soumettre à la jurisprudence communautaire. B. Cour de Cassation versus CJCE : l'opposition face à la notion d'entité économique autonome La CJCE définit l'entité économique comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre. La Cour de Cassation reprend cette définition en apportant toutefois une précision quant aux éléments qui sont corporels ou incorporels selon elle. [...]
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