CJCE Maruko - partenaires de même sexe - partenaires non mariés - prestation aux survivants - refus - discrimination fondée sur l'orientation sexuelle -
« Selon un mouvement qui semble inexorable, le droit communautaire aborde les rivages des personnes et de la famille . » Cette formule semble illustrer l'arrêt Maruko, rendu le 1er avril 2008 par la Cour de Justice des Communautés européennes.
Par cet arrêt, la CJCE vient donc renforcer les droits des couples homosexuels en matière de protection sociale ainsi qu'en matière d'emploi et de travail, et tente ainsi de mettre fin à certaines discriminations fondées sur l'orientation sexuelle.
Si l'affaire Maruko a été portée devant la CJCE à l'initiative des juges allemands, l'interprétation de la directive 2000/78/CE, qui est au coeur du débat, du litige vaut toutefois pour tous les Etats membres.
L'affaire opposait M. Maruko à la caisse de retraite des théâtres allemands (la « VddB »), laquelle a refusé de lui accorder le bénéfice d'une pension de veuf prévue par le régime obligatoire de prévoyance professionnelle auquel son partenaire de vie décédé était affilié, au motif que les partenaires de vie survivants sont exclus du bénéfice de cette prestation par les statuts de ladite caisse.
Le législateur allemand ayant consacré, l'égalité entre le partenariat de vie et le mariage, M. Maruko invoquait, à l'appui de son recours devant le tribunal allemand compétent, la violation de l'égalité de traitement.
A ce titre, la juridiction allemande a donc décidé de surseoir à statuer et a saisi la CJCE, dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel, afin qu'elle tranche les questions suivantes : la pension de veuf peut-elle être qualifiée de « rémunération » au sens de la directive 2000/78/CE portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, et entrer ainsi dans son champ d'application? Et si oui, une réglementation limitant le versement d'une telle prestation au seul conjoint survivant d'un couple marié constitue t-elle une discrimination prohibée par la directive ?
La CJCE répond par l'affirmative aux deux questions qui lui ont été posées.
Le problème de droit qui apparaît à la lumière de l'ensemble de ces questions préjudicielles est donc le suivant : Un veuf peut-il se voir octroyer des prestations de survie d'un montant inférieur à celles d'un autre veuf lorsque les liens « matrimoniaux » du premier consistent en un partenariat de vie plutôt qu'en un mariage et une telle distinction entre conjoint et partenaire de vie caractérise t-elle une discrimination prohibée par la directive sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, celle-ci ayant pour objet de combattre, entre autres, la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ?
Par sa décision, la Cour juge que le refus de faire bénéficier les partenaires de vie à une pension de survie constitue une discrimination directe fondée sur l'orientation sexuelle, à supposer que les époux survivants et les partenaires de vie survivants se trouvent dans une situation comparable pour ce qui concerne cette pension. Et, la Cour a constaté, à la lumière de la décision de renvoi, que l'Allemagne, tout en réservant le mariage aux seules personnes de sexe différent, a néanmoins institué le partenariat de vie, dont les conditions ont été progressivement assimilées à celles applicables au mariage. Or, les dispositions des statuts de la Caisse de retraite de théâtre Allemand limitent le bénéfice de la pension de survie aux seuls époux survivants. Dans ce cas, la pension étant refusée aux partenaires de vie, ceux-ci sont ainsi traités de manière moins favorable que les époux survivants.
Quel a donc été le raisonnement de la CJCE pour reconnaître le bénéfice d'une pension de veuvage au partenaire survivant d'un couple homosexuel ?
[...] Une prudence liée au domaine sensible du droit de la famille et de l'état civil. Seuls les Etats ayant choisi de reconnaître le partenariat enregistré devront tirer les conséquences de la solution Maruko. Les autres semblent à l'abri puisque les couples homosexuels ne bénéficiant d'aucun statut juridique, ne peuvent donc pas être placés dans une situation analogue aux couples mariés. On mesure bien les conséquences sur le droit français d'une telle décision, puisqu'il existe en France depuis 1999 un contrat similaire au partenariat de vie allemand : le pacte civil de solidarité (PACS). [...]
[...] L'intéressé peut donc demander l'application rétroactive de la directive 2000/78, telle qu'interprétée par la Cour. L'intérêt de l'arrêt Maruko est donc double : Premièrement, il invite indirectement les États membres à la cohérence de leur réglementation : il ne peut être toléré qu'une convention collective maintienne une discrimination directe à l'encontre des couples homosexuels alors que le législateur l'a clairement interdite. Deuxièmement, cet arrêt Maruko reconnaît l'importance du principe communautaire de non discrimination en raison de l'orientation sexuelle, consacré à l'article 13, paragraphe 1 Traité CE, mais également par la jurisprudence de la Cour EDH relative à l'article 14, ainsi bien entendu que par la propre jurisprudence de la Cour de justice. [...]
[...] Or, il est vrai que la Cour aurait pu se fonder sur d'autres arguments. Ainsi, la Cour aurait pu, par analogie avec l'arrêt Mangold, consacrer le principe de non-discrimination fondée sur l'orientation sexuelle au rang de principe général de droit. Ainsi, dans cet arrêt, la Cour semble donc vouloir donner une interprétation extensive du champ d'application de la directive afin de garantir le plus largement possible l'égalité de traitement entre époux et partenaires. Ayant retenu que les prestations de survie octroyées par la VddB entrent bien dans le champ d'application de la directive, la CJCE tranche donc en faveur de l'existence d'une discrimination directe fondée sur l'orientation sexuelle. [...]
[...] A ce titre, la juridiction allemande a donc décidé de surseoir à statuer et a saisi la CJCE, dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel, afin qu'elle tranche les questions suivantes : la pension de veuf peut-elle être qualifiée de « rémunération » au sens de la directive 2000/78/CE portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, et entrer ainsi dans son champ d'application? Et si oui, une réglementation limitant le versement d'une telle prestation au seul conjoint survivant d'un couple marié constitue t-elle une discrimination prohibée par la directive ? La CJCE répond par l'affirmative aux deux questions qui lui ont été posées. [...]
[...] Par analogie, la Cour a admis l'existence d'une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle lors d'un refus d'engager une femme enceinte en vue de garantir l'égalité de traitement entre hommes et femmes. Or, seules les femmes peuvent être enceintes et, de la même façon, seuls les couples hétérosexuels peuvent se marier. Si la Cour consacre en l'espèce un rapprochement significatif entre le statut juridique des couples mariés et des partenaires estimant qu'ils se trouvent dans une situation comparable, il revient toutefois, nous précise la Cour, qu'il incombe à la juridiction de renvoi (nationale) d'apprécier la comparabilité des situations entre partenaires de vie et époux. [...]
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